Index des revues

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    Par Maud Espérou
    Georges Bonnant

    Le Livre genevois sous l'Ancien Régime

    Genève, Droz, 1999. - (Travaux d'histoire éthico-politique, 58). - 363 p. ISBN 2-600-00306-1.

    Héritier d'une famille d'imprimeurs genevois originaires d'Uzès, Georges Bonnant a, au cours de sa carrière de diplomate, exploré les bibliothèques des capitales où il était en poste. Son goût pour l'histoire du livre lui a fait découvrir des imprimés de provenance calviniste là où il ne s'attendait pas à les trouver, c'est-à-dire dans des pays d'Amérique latine. Georges Bonnant a donc continué sa quête des impressions genevoises dans des bibliothèques nationales, universitaires, à travers des inventaires de bibliothèques privées, de catalogues de ventes. Il a élargi ses recherches à toute la librairie genevoise sous l'Ancien Régime sans se limiter aux seuls imprimeurs-éditeurs ; il a exploité les papiers et les correspondances des grands libraires genevois des XVIIeet XVIIIesiècles, de Tournes, Cramer, Gosse... ainsi que ceux de la Société typographique de Neuchâtel. Ce livre est la somme de ses travaux ; il réunit huit articles parus entre 1956 et 1986 dans la revue Genava, à l'exception d'un seul qui est une communication donnée au colloque international de 1978, Cinq Siècles d'imprimerie genevoise.

    Comme le veut ce genre d'ouvrage qui n'a pas été écrit selon un plan conçu à l'avance, les redites ne sont pas absentes et le propos peut parfois paraître imprécis. Toutefois, une solide érudition permet de dégager quelques grandes lignes de la librairie genevoise, disons plutôt des relations commerciales des libraires genevois avec les pays ibériques, l'Italie, les Provinces-Unies, les Pays-Bas méridionaux, l'Allemagne et l'Angleterre. Un chapitre manque - celui qui assurément aurait pu être le plus important, sans être le plus inédit -, le commerce avec la France : l'enquête est demeurée en chantier.

    Au XVIe siècle, Genève accueille des réfugiés protestants, espagnols et italiens, dont les écrits polémiques, imprimés à Genève dans la langue de leurs auteurs, et dont les traductions des oeuvres de Calvin, Viret... servent la propagande réformée. Les opuscules en espagnol pour la propagation de la religion réformée sont très rares et n'ont été identifiés que récemment.

    À partir du XVIIe siècle, Genève devient une place bancaire ; le Petit Conseil, après la mort de Théodore de Bèze, se montre relativement tolérant pour les exportations de livres. Les libraires genevois éditent ou achètent des collections en latin de théologie, d'histoire, de droit, de philosophie, de classiques en Allemagne, en Italie, en France, et les expédient vers le Portugal et l'Espagne, d'où ils partent aussi vers l'Amérique latine. Ils constituent des fonds indémodables d'ouvrages d'enseignement destinés principalement aux collèges de Jésuites. Ils fréquentent les foires de Francfort, de Leipzig et se font les intermédiaires entre l'Europe du Nord et du Sud. Ils vendent en Allemagne les oeuvres des jurisconsultes français, italiens, espagnols. Ce n'est qu'en 1670 qu'on voit apparaître dans un catalogue de libraire des livres imprimés en anglais ; à partir de cette date, dans les assortiments des libraires genevois, les auteurs britanniques de récits de voyages et de traités de médecine se trouvent et sont diffusés largement à travers l'Europe. À la fin du XVIIIesiècle, les Genevois participent à la diffusion des Philosophes. Au cours de ces deux siècles de commerce international, la pratique du trucage de l'adresse est constante : tantôt apparaît « Coloniae » pour les livres vendus en Allemagne, « Anvers » pour ceux destinés aux Flandres, « Amsterdam » ou « Leyde » pour ceux diffusés dans les Provinces-Unies...

    L'apogée de la librairie genevoise se situe entre 1730 et 1760. Les grandes entreprises genevoises cessent en 1788 ; la fermeture des collèges des Jésuites privent les Genevois d'un débouché assuré de leurs fonds d'ouvrages, la Révolution et les bouleversements politiques feront le reste.

    Malgré les quelques défauts que nous avons signalés, ce livre retiendra l'attention des historiens du livre. Les différents chapitres sont complétés d'annexés d'auteurs publiés à Genève, de catalogues de libraires ; ils sont abondamment illustrés de pages de titre, de reproductions de gravures incluses dans les livres publiés, de notes bibliographiques ; en fin d'ouvrage, un index nominum sera un précieux outil.