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Le recours au multimédia pour la mise en valeur et la diffusion des fonds patrimoniaux

1999
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    Le recours au multimédia pour la mise en valeur et la diffusion des fonds patrimoniaux

    L'exemple de la bibliothèque de Lisieux

    Par Olivier Bogros, conservateur BM de Lisieux

    La numérisation d'une partie des collections anciennes (textes et images) de la bibliothèque municipale de Lisieux a débuté de manière significative dans le courant de l'année 1995. J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer les origines de ce projet (1) : arrivée de l'informatique dans l'établissement en 1994, volonté de ne pas se limiter à une informatique de gestion et réflexion sur l'informatique comme outil alternatif d'édition, découverte des bbs puis de l'Internet.

    Quatre ans plus tard, quel bilan provisoire peut-on établir ? Numérisation de 2 700 images, saisie de 365 textes, création de deux sites Internet (1996 et 1998), installation d'un poste multimédia pour la consultation des collections numérisées (1996), gravure à la demande d'un cédérom pour une meilleure diffusion locale (1999).

    Les collections anciennes de la bibliothèque municipale de Lisieux n'ont rien de particulièrement remarquable. C'est le fonds « moyen » d'une bibliothèque

    « moyenne d'une ville « moyenne ». Ici pas de « trésors Le projet de numérisation s'est attaché à mettre en valeur un patrimoine relativement banal, quotidien, d'intérêt local si ce n'est sublocal, et par là même très proche du grand public qui fréquente la bibliothèque.

    La photothèque numérique

    Le besoin d'illustrer un bulletin électronique d'informations bibliographiques (Les Affiches de Lisieux) est à l'origine de la photothèque numérique. Le choix s'est porté tout naturellement sur le seul ensemble iconographique homogène de la bibliothèque : la collection de cartes postales anciennes, limitée à 1 500 unités et consacrée exclusivement à Lisieux et à sa proche périphérie (2) . Peu consultée, elle était sommairement présentée dans de mauvais classeurs photos, qui ne lui assuraient pas de bonnes conditions de conservation.

    La numérisation

    L'opération de numérisation n'a sans doute pas été conduite dans les règles de l'art (3) , tant dans sa phase d'élaboration que dans sa phase de réalisation. Si un cadre de classement préalable, géographique et thématique, de la collection a été élaboré et si du matériel de protection normalisé a été acquis, il n'a par contre été procédé à aucune indexation ou élaboration de notices pour les cartes postales : faute de temps et aussi faute de disposer d'un logiciel de gestion de photothèque performant et peu onéreux (4) . La numérisation revêt un caractère magique qui ne s'étend pas encore à la description automatique des documents.

    En fait, le projet s'est quasiment construit au fur et à mesure de son propre déroulement. Nous n'avons fait que « mettre un pied devant l'autre ", attentifs seulement au coût de l'opération; financée sur le budget ordinaire de la bibliothèque par un simple réaménagement de la ligne comptable consacrée à la reliure.

    Les cartes postales ont été confiées par lots de 100 à un photographe local qui a réalisé un cliché de chaque image, la numérisation étant ensuite réalisée dans un laboratoire utilisant le procédé Photo CD de Kodak. En fin d'opération, le photographe a livré les originaux, les négatifs et les disques contenant chacun 100 images au format .PCD en 16 millions de couleurs et cinq résolutions différentes. Ces disques constituent le support d'archivage de la collection.

    Au vu des résultats, la numérisation réalisée peut être qualifiée de moyenne, et ne saurait en aucun cas être considérée comme définitive. D'ailleurs, elle procède moins à l'origine d'une volonté d'améliorer la conservation d'un fonds ancien par la création d'un support de substitution que du besoin de faire connaître plus largement ce fonds. En l'état, elle est amplement suffisante pour la qualité des écrans d'ordinateurs.

    La diffusion

    Consultation sur place : la station multimédia

    Au cours de l'année 1996, la création d'une petite salle multimédia dans la bibliothèque a été l'occasion de mettre en libre accès la consultation de la photothèque. Les images ont été transférées, sans retouche, sur le disque dur d'un micro-ordinateur qui offre aussi l'accès à une cinquantaine de cédéroms dont quelques jeux. Entre la consultation studieuse d'une encyclopédie et une partie stressante de casse-briques, l'usager peut visualiser tout ou partie de la collection de cartes postales en sélectionnant l'album thématique de son choix et en lançant le diaporama qui y est associé. La copie sur disquette est autorisée, ainsi que l'impression.

    Un des premiers retours, non attendu, de ce nouveau service a été l'enrichissement même de cette collection numérique. En effet, plusieurs usagers ont proposé de prêter leur collection afin de la voir figurer dans la photothèque. Le musée de Lisieux, détenteur d'un nombre impressionnant de photographies, a aussi ouvert ses collections : la photothèque numérique s'est ainsi enrichie entre 1996 et 1998 de 622 images en provenance de collections particulières et de 542 images en provenance de collections publiques. Cette coopération entre services municipaux va se poursuivre avec les autres fonds du musée et avec celui du service communication de la ville pour les photographies contemporaines.

    Diffusion hors les murs : le cédérom

    Les locaux actuels de la bibliothèque ne permettent pas de multiplier les écrans de consultation dans les différents espaces de l'établissement (hall, salle de prêt...) autant que nous le souhaiterions. C'est en partie pour contourner ce handicap que nous nous proposons maintenant de diffuser la photothèque sur un cédérom que nous gravons à la demande : cette opération vient à peine de démarrer.

    L'objectif est de diffuser largement ce disque dans les CDI des établissements scolaires, les associations culturelles et socioculturelles, mais aussi dans les différents services municipaux afin d'inciter à un travail sur ce patrimoine. Une ébauche de ce type de travail a été lancée en 1998 avec une classe de collège qui a réalisé un diaporama dans le cadre d'un PAE sur la vie quotidienne à Lisieux au XIXesiècle.

    Ce cédérom est entaché des mêmes vices rédhibitoires (absence de notices descriptives et d'indexation) que la photothèque en consultation sur place, dont il n'est que la réplique, augmenté de quelques outils logiciels pour le traitement et la visualisation des images. Pour céder à la mode de l'interactivité (5) et ne pas désorienter l'utilisateur moyen, il est agrémenté d'une interface sommaire, sous Windows 95 +, qui donne un bref aperçu de son contenu. Le cédérom est gravé à la norme ISO 9660 et le format retenu pour les fichiers images est standard (JPEG), ce qui le rend compatible avec les principaux systèmes d'exploitation (DOS, Windows, MacOs, Linux...).

    Diffusion hors les murs : le site Web

    Le site Internet de la photothèque (6) ouvert en mars 1998 est le dernier volet de la mise en valeur du fonds numérique. Il est né d'une commande de l'office du tourisme de Lisieux, qui souhaitait ajouter une touche culturelle moderne à un salon de l'aéromodélisme et du jouet volant organisé dans le cadre du centenaire de l'aviation. À partir d'un ensemble de documents nouvellement déposés au musée, nous avons construit une exposition virtuelle sur un pionnier lexovien de l'hélicoptère : Paul Cornu. Cette exposition, qui n'est plus visible aujourd'hui sur notre site, vient d'être transférée sur celui du lycée professionnel Paul-Cornu de Lisieux pour un affichage permanent dans un ensemble de documents consacrés à ce personnage (7) . C'est là un parfait exemple de mise en valeur et de diffusion du patrimoine au sein d'un projet coopératif.

    Les 5 Mo d'espace disque alloués au site ne permettent pas de présenter plus de 50 documents à la fois, organisés sous forme de dossiers thématiques et d'expositions temporaires. La gestion du site (choix des thèmes, construction, mises à jour) est confiée à une collègue recrutée dans le cadre des emplois-jeunes.

    Les projets

    La numérisation des collections spécialisées de la bibliothèque va se poursuivre maintenant en direction de documents moins basiques (manuscrits contemporains illustrés par exemple), dont le transfert et l'exploitation numériques posent des problèmes d'une autre nature que la photographie et la carte postale, en essayant de garder toutefois une approche grand public du patrimoine.

    La bibliothèque électronique

    À l'origine de la Bibliothèque électronique de Lisieux, site Web (8) ouvert en juin 1996, il y a simplement la volonté de participer à un mouvement de mise à la disposition de tous, sur le réseau, de ressources littéraires francophones, avec la conviction que les bibliothèques ont un rôle majeur à jouer (une place à occuper) dans ce domaine, qui ne se limite pas à la mise en ligne de leur catalogue ou à la présentation des " joyaux de leur collections.

    Rapidement est élaboré le projet d'une bibliothèque virtuelle, qui puiserait ses ressources dans les collections imprimées anciennes de l'établissement.

    Une production artisanale

    Toutes les étapes de l'élaboration du site sont réalisées en interne à la bibliothèque et concernent trois personnes environ quinze heures par mois. Il ne s'agit pas de numérisation au sens où on l'entend habituellement aujourd'hui : pas de numériseur ni de logiciel de reconnaissance optique de caractères. Les textes sélectionnés sont simplement saisis au clavier au format .TXT, relus puis formatés en .HTML avant d'être téléchargés sur le serveur qui héberge le site.

    Ces contraintes de fabrication, ajoutées aux dispositions légales régissant le droit d'auteur, ont fortement conditionné et orienté les choix de documents à mettre en ligne. Afin de pouvoir alimenter régulièrement le site en nouveautés et de l'étoffer rapidement, le parti a été pris de ne présenter que des textes courts, mais toujours en version intégrale et relevant du domaine public : nouvelles, brochures, tirés à part de revues. Les collections anciennes en comptent un assez grand nombre, tant dans le fonds général que dans le fonds local.

    Élaborer un contenu

    Les premiers textes retenus et republiés ont été pris dans l'oeuvre des grands écrivains français d'origine normande : Allais, Flaubert, Maupassant, Mirbeau, Gourmont... Dans le même temps, et comme pour enraciner le site dans sa réalité locale, des textes représentatifs du fonds normand ont aussi été mis en ligne. Les mises à jour mensuelles essaient de respecter un équilibre entre documents d'intérêt régional et littérature générale.

    Au fil des mois, le site s'est structuré en plusieurs rubriques pour permettre une orientation plus facile dans le corpus de textes disponibles : la sélection mensuelle, les archives des sélections précédentes, le rayon littéraire, le fonds local, le rayon documentaire, qui se donne la liberté de redécouvrir des oeuvres totalement épuisées et rares aux contenus excentriques et improbables.

    L'architecture du site et son habillage invitent le lecteur inter-naute à se promener dans les rayons pour y faire son miel.

    Ce travail artisanal de numérisation et d'animation sur le réseau a été une excellente façon de revisiter les collections anciennes de la bibliothèque et d'y faire des découvertes.

    Trouver un public et des partenaires

    La création de la Bibliothèque électronique de Lisieux est due en partie à la difficulté de trouver un public local en 1995, lors de nos premiers essais de diffusion sur disquettes de textes électroniques. À cette époque (le temps passe vite en informatique), les érudits locaux n'étaient pas au rendez-vous des bibliothèques numériques (ils ne le sont pas encore, et là le temps ne passe pas assez vite).

    Le public a été trouvé parmi la communauté des internautes : public francophone, universitaire et étudiant, amateur de littérature et public distant empêché de lire dans sa langue d'origine ou d'adoption. Ce public est très demandeur de documents qu'il peine à trouver en librairie comme sur le réseau, et il y a une très forte attente de ce que pourraient faire les bibliothèques. Le succès relatif de la Bibliothèque électronique de Lisieux est si l'on peut dire un succès par défaut. Défaut d'une présence des bibliothèques aux fonds anciens importants sur le réseau. Il est temps de constituer des bibliothèques numériques à vocation régionale qui pourraient mettre en valeur, notamment, les publications des sociétés savantes de province du XIXesiècle (9) .

    La mise en valeur du patrimoine des bibliothèques sur le réseau intéresse aussi de nouveaux éditeurs, encore peu nombreux il est vrai, qui trouvent matière à leur activité dans ces fonds numérisés en ligne. C'est le cas de Phénix Éditions (10) , qui propose la réimpression à la demande de documents épuisés conservés dans les bibliothèques. La ville de Lisieux vient de signer avec cette société une convention de mise à disposition des fichiers numériques de la bibliothèque électronique pour la création d'une collection de livres qui lui est dédiée. C'est aussi le cas des Éditions Edispher, qui proposent certains des textes du site au format d'un des ordinateurs de poche du marché : le Palm Pilot (11) .

    Cette effervescence autour des collections anciennes et des nouvelles technologies reste toutefois une activité marginale au sein de la bibliothèque municipale de Lisieux, tant pour le public que pour la majorité du personnel. La médiathèque, qui ouvrira ses portes en décembre 2000, permettra une meilleure intégration et une plus grande « lisibilité de ces fonds numérisés.

    1. « La bibliothèque électronique de Lisieux », in Bulletin d'informations de l'ABF n° 174, 1997, et « Les services multimédias de la bibliothèque municipale de Lisieux », in Bulletin des bibliothèques de France n° 3, 1997. retour au texte

    2. Lisieux, ville normande, a vu son patrimoine architectural détruit à 90 % le 6 juin 1944. Ce désastre confère aux collections de photographies et de cartes postales anciennes une grande valeur documentaire et sentimentale. retour au texte

    3. « La numérisation des documents graphiques », par Pierre Yves Duchemin, in Bulletin d'informations de l'ABF n° 174, 1997, et Bibliothèques et documents numériques, par Alain Jacquesson et Alexis Rivier, Paris, Cercle de la librairie, 1999. retour au texte

    4. Nous sommes en train de tester un logiciel freeware qui permet de générer des albums de photos indexées [simplement) au format. HTML : Photonizer 2.0 /http ://freebyte. corn/freeware/j. retour au texte

    5. Le cédérom est d'abord un formidable support de stockage de masse ; l'opinion commune et médiatique confondant contenu et contenant veut à tout prix en faire « quelque chose qui fait coin-coin quand on le touche retour au texte

    6. La photothèque lexovienne : http ://www. cpod. com/monoweb/bmiisieux retour au texte

    7. Le lycée Paul-Cornu : http ://www. etab. ac-caen. fr/cornu/EXPOOO.HTM retour au texte

    8. La bibliothèque électronique de Lisieux : http ://www. bmlisieux. corn retour au texte

    9. Le Centre régional des lettres de Basse-Normandie vient de lancer l'étude de préfiguration d'une bibliothèque numérique normande. retour au texte

    10. Phénix Éditions (les Éditions à la carte) : http ://www. librissimo. corn retour au texte

    11. Edispher : http ://www. edispher. fr retour au texte