Droits de citation d'extraits - Droits d'images - Heures du conte filmées

Attention, cette réponse est ancienne. Son contenu peut être en tout ou partie obsolète.

Question

Bonjour,
comme de nombreux collègues bibliothécaires, le contexte pandémique nous oblige a repenser des services à distance, notamment l'heure du conte dans des modalités filmées. Je me pose ainsi la question des droits d'auteurs lors d'heure du conte filmée (lecture intégrale d'ouvrages en dehors du domaine public, sans licence cc et en dehors des exceptions pédagogiques). J'ai déjà une partie de la réponse à la question "ai-je le droit de lire et de diffuser les vidéos de ces œuvres?" grâce à une autre réponse que vous avez fait sur : https://www.enssib.fr/services-et-ressources/questions-reponses/lecture-de-livres-voix-haute-sur-les-reseaux-sociaux

Pour compléter la réflexion, j'aurais trois questions :

- existe t-il des précisions sur la possibilité de "lectures d'extraits de courte durée" ? Aucune durée de lecture n'étant mentionnée dans cette formulation non quantitative, cela impliquerait une libre interprétation de chacun. En d'autres termes, qu'est-ce qu'un extrait ?

- le droit à la courte citation rend-elle possible de présenter nos nouveautés en vidéo sans contacter les éditeurs en ne présentant qu'une "courte" partie des œuvres ? Comme le font par exemple tous les booktubeurs ou la chaine youtube Feuilles de chaines de Ricochet ?

- Qu'en est il du droit d'image des illustrations dans les albums jeunesse ? Ce sont des droits d’auteurs indépendants des droits d'auteurs de texte ? Les images dans ce cas ont-elles des droits propres à chaque image (montrer une seule image reviendrait alors à porter atteinte aux droits), ou bien les droits des images serait-il dans la globalité de l'album (dans ce cas montrer une seule image ne porte pas atteinte et tient de l'extrait).

En espérant être clair, merci pour ces précisions, je l'imagine, fortes utiles à la communauté de bibliothécaires. Merci !!

Réponse

Date de la réponse :  05/06/2020

Dans le contexte de la pandémie actuelle, vous avez repensé vos services à distance. Vous vous interrogez en ce sens sur la question des droits d’auteur lors d’heures du conte filmées. Ayant déjà obtenu des informations à l’aide de l’une de nos précédentes réponses (Lecture de livres à voix haute sur les réseaux sociaux, 26/03/2020), vous souhaitez obtenir des éléments de réponse complémentaires.

Vous vous demandez premièrement ce que comprend le droit à la courte citation et ce que cela implique en terme de contenu diffusable. Vous demandez secondement ce qu’il en est du droit d’auteur pour les illustrations des albums jeunesse.


 

1. Exception de citation

 

L’Article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle décrit les exceptions qui sont prévues au droit d’auteur. Parmi elles, figure ce qu’on appelle l’exception de citation :

 

Lorsque l’œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire :

[...]

 3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source :

a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées


 

Nous décernons a priori deux limites au fait de pouvoir utiliser cette exception dans votre cas :

 

  • Premièrement, comme dit dans l’article, la courte citation doit être justifiée « par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ». Il nous semble délicat d’invoquer cette exception pour la diffusion d’heures du conte filmées.

     

  • Secondement, cette exception a été interprétée de manière restrictive par la jurisprudence. Seules les citations textuelles sont autorisées, ce qui exclut de fait l’image fixe, la vidéo et l’audio.

     

    À ce jour, les tribunaux interprètent l’exception de citation de façon restrictive, en la limitant aux œuvres textuelles (alors que la loi ne distingue pas selon la nature de l’œuvre et permet a priori de faire des citations de textes, mais aussi d’images, de documents audiovisuels ou sonores). Il est possible que la jurisprudence évolue sur ce point dans les années à venir. Mais pour l’instant, il est prudent de n’invoquer l’exception de citation que pour les textes, et d’obtenir les autorisations nécessaires avant d’utiliser un extrait de film, de musique ou d’image fixe.

    Véronique Ginouvès, Le chercheur veut utiliser un extrait d’une œuvre (exception de citation), Carnet de recherche éthique et droit sur Hypothèses, 26 juillet 2017

     

Pour aller plus loin sur cette jurisprudence, nous vous signalons l’arrêt de la Cour d'appel de Paris, 14 mars 2007, concernant des cases et des planches de Tintin reproduites dans un catalogue de vente aux enchères.

 

En résumé, vous ne pouvez pas invoquer l’exception de citation pour produire une vidéo présentant de courts extraits des œuvres, a fortiori de manière encore plus nette s’il s’agit d’images fixes, de musiques ou de films, sans obtenir d’accord de l’auteur ou des éditeurs.

 

Toutefois, comme nous le développions dans cette réponse précédente Droits de diffusion de couvertures de documents (04/02/2020) :

Dans la pratique, les ayants-droit s’opposent rarement à une reproduction de la couverture à un format inférieur à celui de l’ouvrage et dans un but d’information du lecteur. Les contestations sont par contre plus fréquentes lorsque la couverture est publiée à des fins publicitaires. Afin d’éviter tout contentieux, il est donc préférable de solliciter l’autorisation de l’éditeur qui est seul à savoir quelle autorisation de reproduire il est en droit d’accorder.

 

Nous ignorons les dessous des vidéos des Booktubers, il est possible qu’ils aient contacté les éditeurs ou bien qu’ils acceptent de courir le risque. Cette prise de risque est souvent calculée en ce sens que ces vidéos font la promotion de l’œuvre, ce qui s’inscrit dans la logique des auteurs et des éditeurs.

 

Comme nous l’indiquions dans la réponse Poésie en bibliothèque (20/12/2019 ) :

Il vous appartient d'évaluer le risque juridique. En effet, dans un article intitulé "Faut-il respecter le droit en bibliothèque ?", Lionel Maurel déplore que la prise de risque juridique ne soit pas assez "ancrée dans la culture professionnelle en France, alors qu’elle fait partie intégrante du processus de décision dans les pays anglo-saxons".

 

Source: Faut-il respecter le droit en bibliothèque ? Lionel Maurel. Bulletin des bibliothèques de France, n° 3, 2011


 

2. Droit d’auteur sur les images dans les albums jeunesse

 

Dans le cas d’un album jeunesse, l’œuvre est dite de collaboration :

 

Est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques.

Article L113-2 du Code de la propriété intellectuelle

 

 

L’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs.

Les coauteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord.

En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer.

Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l'exploitation de l’œuvre commune.

Article L113-3 du Code de la propriété intellectuelle

 

Dans le cas d’un album jeunesse, sauf convention contraire, le droit d’auteur de l’illustrateur peut être exploité séparément du droit d’auteur du scénariste. S’il n’y a qu’un seul illustrateur, toutes les illustrations relèvent de son droit d’auteur.

Comme vu précédemment, l’exception de citation de fonctionne pas pour des extraits d’images fixes.


 

Veuillez noter que cette réponse n’a pas de valeur juridique.


 

Pour aller plus loin sur le droit d’auteur :