Index des revues

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    Accessibilité et usagers

    Par Anne Curt , Bibliothèque Sainte-Geneviève

    Pourquoi, pour qui rassemble- rions-nous l'information biblio- graphique dans nos catalogues ou dans nos services de renseignement, au plan local, régional, national, inter- national, sinon pour l'information des lecteurs qui fréquentent nos biblio- thèques ? Cette information est-elle fon- damentalement différente d'un type de bibliothèque à l'autre ? Même si elle est plus approfondie et plus complète dans certains cas, plus spécialisée, plus rare dans d'autres, les objectifs des biblio- thèques convergent vers un service do- cumentaire au lecteur adapté à ses be- soins et de la meilleure qualité possible.

    Simplification et démocratisation de l'accès au document

    On ne peut nier que le bibliothécaire a toujours dressé inconsciemment des barrières autour du livre, du document et de l'information en général, vérita- bles labyrinthes où se perdent et se re- trouvent les lecteurs. Pour ne citer que les plus simples, les subtiles distinctions entre périodiques et collections oppo- sent les bibliothécaires eux-mêmes, sans aucun consensus malgré une défi- nition internationale univoque de l'ISDS. Ces différences excluent des ca- talogues de livres les supports autres que le papier et les relèguent dans des catalogues distincts, souvent établis par type de document ou de support (microfilms, vidéodisques, DON, logi- ciels stockés sur disquettes ou sur or- dinateur...). Pour que le lecteur puisse accéder au document de façon simple, il faudrait que le catalogue d'un établis- sement soit unique et multimédia.

    Les nouveaux médias permettent de faire tomber les murs des bibliothèques et de jeter des ponts vers le lecteur. Il faut que le public puisse utiliser tous les moyens possibles et, par consé- quent, "consulter ailleurs », depuis son bureau, par exemple, par le minitel, qu'il puisse chercher lui-même l'infor- mation dans les CD-ROM proposés seuls ou en réseau, dans les vidéodisques... Les interrogations de banques de don- nées par connexion standard en mode ASCII, l'accès au réseau RENATER, amé- liorent considérablement la recherche documentaire et contribuent à produire de l'information et des renseignements rapidement et à un moindre coût. L'usa- ger doit pouvoir bénéficier de ces nou- veaux modes de recherche qui complè- tent l'information bibliographique tradi- tionnelle et ouvrent largement les bibliothèques sur l'extérieur en permet- tant la consultation depuis son domi- cile.

    Accès aux collections

    Collections françaises

    Pour que l'accès au document et à l'in- formation soit plus simple à l'avenir, il faudrait que la bibliographie nationale et les bibliothèques traitent mieux do- cuments et information, c'est-à-dire plus rapidement et plus exhaustive- ment. L'information bibliographique sur les documents français devrait exister dès la parution du document, « avant publication » si possible, et tendre vers l'exhaustivité. La couverture biblio- graphique nationale de la Bibliothèque nationale de France, étant encore im- parfaite, il faudrait qu'elle récupère, si- non dans le sien, au moins dans d'au- tres systèmes, les notices biblio- graphiques des documents édités et/ou imprimés en France ayant échappé au dépôt légal (et non acquis), pour quel- que raison que ce soit. De cette façon, notre bibliographie pourrait tendre vers une exhaustivité réelle pour les docu- ments publiés en France.

    Les documents en français de l'Afrique francophone, du Moyen-Orient, de Suisse, du Canada, de Belgique, etc. de- vraient figurer en priorité dans les col- lections de la Bibliothèque nationale de France, si la francophonie et les docu- ments en français édités et/ou imprimés hors de France présentent une impor- tance réelle pour la politique française.

    Enfin, l'information bibliographique na- tionale devrait utiliser prioritairement et gratuitement RENATER.

    Information bibliographique sur les documents étrangers

    Les CADIST ont été mis en place pour couvrir les besoins de la recherche en France. Ils s'appuient sur des collec- tions spécialisées existantes particuliè- rement riches et anciennes dans un do- maine. Cependant, ils sont loin de cou- vrir tous les domaines et il faudrait les compléter pour soutenir plus efficace- ment la recherche et, dans ce but, met- tre en place un véritable Conspectuis des politiques documentaires des éta- blissements. Cela leur permettrait non seulement d'acquérir des documents de façon concertée et complémentaire mais aussi de s'entendre sur les politi- ques à mener pour la conservation et la préservation des collections fran- çaises et de mieux couvrir tous les do- maines pour les livres et tous les titres pour les périodiques, de numériser les documents pour leur préservation et surtout pour leur communication par prêt entre bibliothèques ou chez l'usa- ger en utilisant le télédéchargement. Les CADIST ont une mission de service pu- blic et n'ont aucune raison de refuser l'accès à leurs collections. L'information scientifique, économique ou sur les bre- vets devrait être largement accessible à toutes les bibliothèques.

    L'information et les banques de don- nées européennes doivent être mieux connues dans nos bibliothèques comme la banque de données sur la littérature grise européenne, SIGLE, le catalogue EUROM des microfiches de substitution. les banques de données de la CEE (ser- veur ECHO), avec SCAD, la banque de données bibliographique, les CD-ROM EUROCAT, ceux des brevets européens. EPAT, pour ne prendre que quelques exemples.

    Les réseaux bibliographiques euro- péens tels PICA pour les Pays-Bas. BLAISE pour la Grande-Bretagne, SUPER- JANET, réseau universitaire britannique. EARN, réseau universitaire européen. INTERNET, NSFNET, réseau de recherche américain, étaient déjà accessibles par les réseaux ETERNET et le sont par RE- NATER dès aujourd'hui. Il en est de même pour l'information mondiale, avec les rapports de recherche du NTIS (National Technical Information Ser- vice), les brevets USPAT, les grands ré- servoirs bibliographiques de RLIN, d'OCLC, de la bibliothèque du Congrès et des grands systèmes universitaires nord-américains (cf Annexes).

    Information et renseignement du public

    Des professionnels médiateurs de l'information au service du public ou brookers de l'information

    Quel professionnel doit renseigner?

    Le bibliographe doit-il être un cher- cheur lui-même ? C'est la question que se posent de nombreux bibliothécaires et nombre d'entre eux croient résoudre la question en répondant par l'affirma- tive. Or le bibliographe doit s'efforcer de connaître suffisamment tous les ins- truments de la recherche documentaire qui peuvent servir l'information du lec- teur dans tous les domaines que couvre la bibliothèque. Si ce lecteur est cher- cheur lui-même, il aura recours à la connaissance bibliographique, à l'ex- pertise et au savoir-faire documentaire du bibliothécaire. Mais il ne faut pas se méprendre sur les objectifs : le cher- cheur c'est lui, nul n'est aussi savant que lui, à un moment donné, sur le pro- blème pointu qui le passionne. Ce sont seulement des instruments biblio- graphiques (et de leur médiateur) dont il a besoin pour servir sa recherche, car personne mieux que lui ne sait ce qui lui est nécessaire. '

    Donc le bibliographe doit être à l'affût de tous les instruments susceptibles d'aider le public à trouver, surveiller tous ceux qui paraissent (veille de l'in- formation bibliographique), s'informer et se recycler de façon permanente, al- ler en formation continue, apprendre à partager le savoir... Il doit utiliser tous les moyens, combiner recherche tradi- tionnelle avec les progrès techno- logiques, vidéotex (minitel), vidéodis- ques, DON, CD-ROM, réseaux de CD- ROM, banques de données et, par conséquent, connexion aux réseaux et aux serveurs.

    Il faut prévoir dans chaque biblio- thèque des points d'information géné- rale avec des bibliographes généralistes (plus encyclopédistes) :

    • capables de « dégrossir » une question et de donner une première approche qui suffit d'ailleurs parfois,
    • capables d'orienter la question vers le spécialiste,
    • capables de faire le tour d'une question afin de proposer la consul- tation de plusieurs spécialistes.

    Il faut également prévoir des points d'information spécialisée avec des bibliographes spécialistes du domaine ou de la discipline.

    Quel professionnel de l'information et du renseignement?

    Ce type de professionnel spécialisé qui joue un rôle éminent dans les biblio- thèques d'autres pays, depuis long- temps, ainsi que dans quelques grandes bibliothèques en France doit être ac- cueillant, doué pour la communication, les relations humaines, les langues (au moins l'anglais)... et la bibliographie. Il devrait pouvoir terminer une orienta- tion, une information par : « Je suis là pour vous renseigner et vous aider. Revenez si vous en avez besoin (l'é- quivalent de "you are welcomed' de nos amis américains).

    Démocratisation et liberté d'accéder à l'information et aux documents

    Les bibliothèques ont été mises en place pour servir, chacune, un certain type d'usagers. L'on peut se demander si elles doivent, pour cela, refuser de servir les autres types de lecteurs lors- qu'ils ont recours à leurs services ? La lecture publique doit-elle se fermer à la lecture étudiante et la lecture universi- taire et de recherche au public dit « grand » ? La recherche ne fait-elle pas appel à de grandes bibliothèques, qu'elles soient universitaires ou muni- cipales à côté des centres de documen- tation très spécialisés qui la servent ? Ne doit-on pas réaffirmer que les biblio- thèques universitaires, appelées aujour- d'hui Services communs de la docu- mentation universitaires ou interuniver- sitaires, sont des bibliothèques publiques ? Ces services documentaires ont été mis en place à l'aide de crédits publics (donc sur les deniers de cha- cun) et ils devraient permettre à tous d'accéder à l'information la plus large et la meilleure, le plus démocratique- ment possible.

    Maggy Pézeril écrit : « l'ouverture à des publics extérieurs appartient déjà à une solide tradition au Canada, aux États- Unis, en Grande-Bretagne où biblio- thèques publiques et universitaires co- opèrent en mettant à disposition de tous une information riche, pertinente, y compris de données produites par le secteur public (universités, gouverne- ment) ». Particulièrement dans le pays où sont nés les droits de l'homme et la loi « Informatique et liberté ne doit-on pas réaffirmer les principes de liberté, d'égalité et de fraternité ? Pour que tous aient accès démocratiquement, c'est-à- dire librement et gratuitement à l'infor- mation, il faudrait permettre à tout pu- blic de pénétrer dans tous les types de bibliothèques et faire en sorte que l'in- formation y soit gratuite. Actuellement, on assiste à une recrudescence d'étu- diants au point que les universités qui n'ont pas été conçues pour un si grand nombre pourraient être tentées de ré- server l'accès de leurs bibliothèques universitaires aux premiers cycles ! Ou- vrir plus largement les bibliothèques universitaires au public et établir une coopération efficace entre biblio- thèques publiques et universitaires ou spécialisées semble un objectif de choix. L'accueil doit y être satisfaisant, complémentaire et de haut niveau.

    Nouvelles technologies au service de l'information bibliographique

    Le danger de voir les bibliothèques ré- servées à une élite intellectuelle, fortu- née et bien « placée », devient de plus en plus réel. Les nouvelles technologies se sont introduites dans le monde du livre et sont là pour le servir du mieux qu'elles peuvent. La Bibliothèque natio- nale de France pourra-t-elle dire en 1996 comme l'affirmait James Billington qui dirige la Bibliothèque du Congrès à Washington dans un article d'Alain Frachon paru dans Le Monde, le 1er jan- vier 1994 :

    Le seul objectif qui vaille et qui guide l'action de la Bibliothèque du Congrès est la dissé- mination du savoir. Tous nos fichiers, atlas, index, catalogues, encyclopédies, guides ont été numérisés et sont accessibles gratuite- ment - en ligne - (sur INTERNET, le plus grand des réseaux). Cela veut dire que n'im- porte qui, (disposant d'un petit ordinateur personnel et d'un modem) peut, sans se dé- placer physiquement, accéder au catalogue de nos archives, chercher dans une mémoire organisée, et cela, de n'importe où aux États- Unis, en France, ou ailleurs.

    Les bibliothécaires du monde entier ne doivent-ils pas s'unir pour défendre la liberté et la gratuité d'accès au docu- ment où qu'il soit stocké et sous quel- que forme qu'il se présente, et égale- ment défendre la gratuité d'usage des réseaux pour les bibliothèques et leurs publics ?

    Bibliographie

    Les Bibliothèques dans l'Université / sous la dir. de Daniel Renoult... - Paris : Cercle de la Librairie, 1994. - 358 p. - (Bibliothèques). ISBN 2-7654-0548-4

    Constances et variances: les publics de la Bibliothèque publique d'information, 1982-1989 / Martine Poulain. - Biblio- thèque publique d'information. (Études et recherches) - Paris : Centre Georges- Pompidou, 1990. - 77 p. ISBN 2-902706- 28-6

    Les étudiants et la lecture / sous la dir. d'Emmanuel Fraisse. - PUF, 1993. - 262 p. - (Politique d'aujourd'hui).

    Martine Blanc-Montmayeur, « Gérer les jardiniers de la connaissance ». - Bulle- tin de l'ABF, no162, 1ertrimestre 1994, p. 25-27.