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    Le Catalogue collectif de France

    Entrevue avec Jacques Bourgain

    Par Jacques Bourgain

    ABF - Comment se positionne le projet du CCF par rapport à celui de la Biblio- thèque nationale de France ?

    J. B. - Il s'agit d'une composante poli- tique et fonctionnelle essentielle du projet de la BNF. C'est en quelque sorte la traduction, avec la politique des pôles associés, de la volonté des pou- voirs publics de créer, à la périphérie du bâtiment de Tolbiac qui s'inscrit ir- réductiblement dans le paysage pari- sien, une sorte de bibliothèque de re- cherche immatérielle, accessible de tous les points du territoire (et de l'étranger), traduction palpable par tous les usagers de la dimension réellement nationale de ce chantier.

    ABF - Le CCF doit-il donner accès à l'en- semble des ressources documentaires françaises ?

    J. B. - Non, pas exactement. Il vise plu- tôt à permettre à ses usagers d'obtenir les informations de localisation des do- cuments intéressant la recherche, le mot recherche étant pris ici au sens généri- que du terme, au sens de recherche d'informations. Il ne s'agit pas, par exemple, de localiser pour la énième fois le dernier prix Goncourt (c'est le rôle des catalogues locaux) mais plutôt de permettre au public de savoir où se trouve tel document à des fins de re- cherche et d'y avoir accès.

    ABF - Comment se situe l'étape actuelle dans la réalisation du CCF et comment la conduite du projet est-elle organi- sée ?

    J. B. -J'ai été mis à disposition de l'EPBF (1) en février 1993 pour mener les travaux d'étude et de réalisation du CCF. L'ensemble des études qui avaient déjà été menées par l'établissement, en particulier celles portant sur les fonc- tionnalités du service à mettre en œuvre, avaient exploré le champ du possible, sans contraintes réelles à ce stade. Un travail a alors été mené pour confronter le résultat de ces travaux aux contraintes budgétaires, techniques et calendaires afin de définir une cible « réaliste » et pragmatique, tout en re- stant à la mesure du projet de la BNF et des attentes qu'il suscite. Ce travail s'est traduit par la rédaction d'un cahier des charges pour la réalisation du sché- ma directeur informatique opérationnel (SDIO) du CCF, confié après appel d'of- fre à la société STERIA. Il a débuté en octobre 1993 et ses travaux seront ter- minés début mai 1994.

    Parallèlement, le directeur du Livre confirmait la BNF dans son rôle de maî- tre d'ouvrage et des instances (comité de pilotage pour les décisions « politi- ques ,, groupe de projet pour l'ins- truction permanente du projet et groupes de travail spécifiques) étaient mises en place pour le suivi du dossier, de telle façon que les différents parte- naires potentiels du CCF puissent y faire entendre leur voix, c'est-à-dire le minis- tère de la Culture et de la Francopho- nie, le ministère de l'Enseignement su- périeur et de la Recherche, la BNF et le Conseil supérieur des bibliothèques.

    ABF -Vous en êtes donc à l'étape du schéma directeur informatique opéra- tionnel. Comment les travaux de celui- ci ont-ils été structurés ?

    J. B. - De la façon la plus classique qui soit en matière de conduite de projet ! L'étude comprend les étapes suivantes : bilan de l'existant et orientations ma- jeures du projet ; définition de la cible fonctionnelle (indépendamment, à ce stade, des contraintes techniques) ; étude des scénarios techniques de réa- lisation et approfondissement du scéna- rio retenu ; évaluation budgétaire et établissement du plan d'action ; rapport final de synthèse.

    ABF -A la suite de cette étude, quels sont les objectifs assignés au CCF et les principes qui guideront sa réalisation ?

    J. B. - Les objectifs définis dans le cadre du schéma directeur opérationnel sont les suivants :

    • donner, grâce à une interface unique, accès à un ensemble significatif de ca- talogues collectifs ou de catalogues lo- caux décrivant les fonds français inté- ressant la recherche, pour en offrir une vision globale et structurée. A l'ouver- ture, le CCF donnera accès, au mini- mum, au catalogue de la BNF, aux ca- talogues collectifs gérés par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (Pancatalogue, CCNPS (2) , Té- léthèses, Catalogue collectif des ou- vrages [CCO] du CNRS), ainsi qu'aux fonds anciens et spécialisés d'une cin- quantaine de grandes bibliothèques municipales, soit au total environ 14 millions de notices ;
    • améliorer l'accès aux documents en organisant la meilleure continuité pos- sible entre la consultation et les services d'accès aux documents ;
    • informer l'usager sur la géographie des fonds disponibles en France et sur l'accessibilité des documents grâce à un Répertoire national des bibliothèques et centres de documentation (RNBCD). Ce répertoire décrira non seulement les bibliothèques partenaires du CCF, mais aussi l'ensemble des bibliothèques et centres de documentation, avec notam- ment une description aussi précise et complète que possible de leurs fonds. Il se comportera donc comme un fichier autonome permettant des recherches thématiques et/ou géographiques.

    Son point de départ devrait être fourni par les données du RBCCN (Répertoire des bibliothèques du CCN) et d'ORIA- DOC (3) qui seront récupérées puis, pour une partie d'entre elles, mises à jour pour former le premier noyau du RNBCD. A noter que cette récupération de données ne préjuge pas aujourd'hui des modes de gestion et de mise à jour de ce répertoire.

    Les principes qui guident les travaux du schéma directeur informatique opéra- tionnel sont les suivants :

    • * fonctionnalités propres : le CCF est avant tout un outil d'identification et de localisation des documents. Il n'a donc pas pour vocation de permettre le ca- talogage partagé ni la dérivation de no- tices. Il n'a pas non plus pour objectif premier d'être un outil de recherche do- cumentaire. Ainsi il n'offrira pas à l'ou- verture une fonctionnalité de recherche par sujets, en raison de l'extrême hété- rogénéité des notices auxquelles il don- nera accès ;
    • * interfaçage avec les services de prêt entre bibliothèques et de fourniture de documents à distance: la continuité en- tre la recherche de localisations et un système d'accès aux documents, notam- ment à distance, sera assurée, ainsi qu'un système de paiement par moné- tique ou par compte individuel. Cet in- terfaçage entre le CCF et les services de prêt entre bibliothèques se fera en res- pect des normes internationales exis- tantes ;
    • * interfaçage avec les autres systèmes: au-delà de ses fonctionnalités propres (identification, localisation, répertoire des bibliothèques, accès aux services de prêt entre bibliothèques), le CCF doit pouvoir s'inscrire comme un maillon des réseaux des systèmes documen- taires nationaux et internationaux. Il de- vra donc pouvoir être interrogé par l'in- termédiaire des principaux réseaux de télécommunication, en particulier en France TRANSPAC et RENATER (4) et au plan international INTERNET (5) . De même, il permettra, en particulier après consultation du répertoire des biblio- thèques, de se connecter à ces systèmes externes via ces mêmes réseaux ;
    • * principe de non-duplication: le CCF essaiera de limiter la duplication physi- que des bases auxquelles il donnera ac- cès, pour éviter des surcoûts importants de gestion et faciliter la cohérence des données accédées grâce au CCF.

    ABF-Vous disiez que l'une des étapes consistait à étudier divers scénarios, puis à choisir l'un d'entre eux. Quel est le choix qui a été fait en ce domaine ?

    J. B. - Trois scénarios ont été étudiés.

    Un fichier centralisé. Le CCF serait constitué d'un seul fichier de 12 à 13 millions de notices, comprenant des données de diverses provenances (BNF, Pancatalogue, CCNPS, Téléthèses, CCO, base des rétroconversions de fichiers de BM, pôles associés à la BNF...), dans des formats différents, avec des différences sensibles de pratiques de catalogage et de libellés des points d'accès selon les sources et les époques de rédaction. Ce scénario présente de nombreux in- convénients. Sur le plan biblio- graphique, le risque est important, en particulier au niveau de la constitution et surtout de l'exploitation des index, d'aboutir à un fichier difficilement ex- ploitable par les utilisateurs, tant les données qui y seraient rassemblées se- raient hétérogènes. Il ne respecte pas le principe de non-duplication des bases existantes qui avait été défini en étape 2 du schéma directeur. A quoi bon en effet dupliquer et maintenir sur plusieurs sites des bases de la taille de celle de la BNF ou du Pancatalogue par exemple, alors qu'elles sont déjà acces- sibles en ligne ? Exploitation (inutile- ment) coûteuse en termes de dimen- sionnement des machines, de taille des équipes d'exploitation et de lourdeur des mises à jour en raison de la taille du fichier.

    Pour ces motifs ce scénario n'a pas été retenu par le groupe de projet, ni par le comité de pilotage.

    Une solution intermédiaire. Dans ce cas la base de données du CCF ne contient pas une copie intégrale des notices bibliographiques de ses partenaires mais des notices réduites constituées des principales zones (principalement les points d'accès). Ces notices réduites sont régulièrement chargées et réin- dexées. Un lien (ou pointeur) permet, à partir d'une recherche fructueuse (ou qui semble l'être) des utilisateurs sur la base des notices réduites, de désigner la ou les notices bibliographiques s'y rapportant (base d'origine et identi- fiants). L'accès à la notice biblio- graphique d'origine s'opère alors en al- lant interroger directement en temps réel le serveur qui la détient, ceci de façon « transparente » pour l'utilisateur. En simplifiant, l'idée est de faire ainsi de la base de données du CCF un ser- veur d'index permettant un premier ni- veau de recherches in situ, susceptible au mieux de répondre directement aux utilisateurs dans un certain nombre de cas (pour les notices simples et sans ambiguïté), ou en tout cas d'orienter avec sûreté les requêtes vers les ser- veurs adéquats.

    Ainsi ce scénario pourrait présenter un intérêt dans la mesure où la consul- tation de la notice réduite serait souvent suffisante pour identifier un document sans avoir à accéder à la notice biblio- graphique complète située sur un ser- veur distant.

    En fait, compte tenu de l'hétérogénéité des données, de leur fort taux probable de doublonnage, des habitudes consta- tées des chercheurs, il y a tout lieu de penser que le recours à la notice complète sera nécessaire ou souhaité dans la plupart des cas. En outre, la dif- ficulté de constitution, de maintenance et d'utilisation des index est la même que dans le scénario précédent, à ceci près, qui est un risque très important, que l'on peut craindre à terme une in- cohérence entre les données du serveur CCF (notamment les liens) et celles des serveurs affiliés (notices complètes et index) difficilement rattrapable autre- ment qu'en rechargeant les données ré- gulièrement. Enfin les charges d'exploi- tation restent importantes.

    Ce scénario n'a donc pas non plus été retenu pour cet ensemble de raisons.

    Une solution « décentralisée ». Dans cette hypothèse, le CCF n'a pas la res- ponsabilité du stockage et de la mise à jour des données bibliographiques et de localisation. Il se comporte comme un système d'interfaçage uniforme en- vers l'ensemble des serveurs associés à qui il adresse en ligne les requêtes de ses utilisateurs. La base de données gé- rées par le CCF (par exemple les don- nées des rétroconversions des BM) est considérée elle-même comme un ser- veur externe (ce qui ne signifie pas né- cessairement distant). Le système pro- pre du CCF est constitué d'un serveur d'accueil dont la fonction est l'accueil de l'ensemble des usagers, l'analyse et la mise en forme de leur requête puis l'at- tribution, en fonction de cette analyse, des éléments de recherche à un ou plusieurs serveurs distants. Il met en forme en re- tour les éléments de réponse et les pré- sente à l'utilisateur. Le dialogue peut na- turellement être itératif, soit que la requête soit modifiée par l'usager pour tenir compte des premiers niveaux de résultats, soit qu'elle soit réorientée sur d'autres ser- veurs. Par ailleurs une fonction d'histori- sation est offerte à l'usager. Le serveur CCF supporte en outre une fonction de service lui permettant, après une recherche fruc- tueuse de localisation, d'accéder à un ou plusieurs services de PIB distants. Il sup- porte enfin un certain nombre de fonc- tions de gestion, notamment de monéti- que pour le paiement des prestations.

    Cette solution suppose naturellement le recours à la normalisation internatio- nale pour permettre le dialogue avec des serveurs distants sous systèmes hé- térogènes (norme ISO « search and re- trieve » n° 10162 et 10163 et/ou norme ANSI Z 39-50 pour les échanges liés à la recherche bibliographique et de lo- calisations, norme ILL pour les échanges avec les systèmes externes de PIB). Ce recours systématique à la nor- malisation, lorsqu'elle existe, est d'ail- leurs l'un des principes qui sous-tend la mise en oeuvre du CCF.

    Ce scénario présente les avantages sui- vants :

    • il constitue un cadre de développe- ment et d'exploitation bien structuré en distinguant radicalement les données et les services ;
    • il autorise l'évolution des différentes bases de données d'une façon indépen- dante, ainsi que des services indépen- damment de ces bases et minimise les difficultés liées à la présence de formats différents dans les bases de données des partenaires. Sur ce point, le format utilisé par le CCFpour la ou les bases de données qu'il sera amené à gérer se- ra UNIMARC ;
    • le système informatique qui équipe le CCF n'a pas besoin d'une grande puis- sance ;
    • ce système ne requiert aucune duplica- tion de données. L'administration s'en trouve minimisée et on est certain de dis- poser des données les plus à jour ;
    • enfin cette architecture permet de mu- tualiser les ressources d'infrastructure (charges d'exploitation, facturation, de- mandes de prêt, accès réseau...), no- tamment si le système qui supporte le CCF est hébergé physiquement chez l'un de ses principaux partenaires (SUNIST, BNF...).

    Il présente néanmoins des contraintes :

    • il nécessite l'adaptation des bases de données partenaires pour le support de la normalisation ISO ou ANSI évoquée précédemment, ce qui représente un ef- fort important. Il faut cependant noter que les deux principaux partenaires, la BNF et les applications gérées par la DISTB, s'orientent fermement dans cette direction dans des délais compatibles avec le calendrier de réalisation du CCF.
    • cette architecture décentralisée le rend très dépendant des serveurs di- stants et notamment de leur disponi- bilité physique, surtout si, comme cela est prévu, le CCF se donne un rôle de « guichet » d'accès à ses utilisateurs, no- tamment (mais pas seulement) étran- gers via INTERNET.

    Considérant que les avantages de ce scénario l'emportaient largement sur ses contraintes, en particulier parce qu'il était le plus porteur d'avenir en exploitant au mieux les avantages de la normalisation, le groupe de projet comme le comité de pilotage ont décidé de le retenir pour la réalisation du CCF.

    ABF - Le CCF permettra-t-il l'accès à d'autres systèmes ?

    J. B. -Je disais tout à l'heure que le CCF serait accessible via INTERNET, c'est-à- dire en France pour le secteur de la re- cherche par le réseau RENATER. Il don- nera donc accès aux serveurs disponi- bles sur ces réseaux. En fait il y aura en quelque sorte deux niveaux de ser- vices : des services intégrés, avec inter- face unifiée, pour les bases de données partenaires, allant de la recherche jus- qu'à la fourniture de documents et paie- ment des services par monétique ; un « simple » accès par routage sur les au- tres serveurs de données accessibles en France ou à l'étranger par INTERNET. Dans ce cas de figure, l'utilisateur se trouvera connecté dans l'environne- ment du serveur visé (par exemple le fichier de la Bibliothèque du Congrès), avec notamment le mode de dialogue et les services propres à ce dernier.

    ABF - L'accès au CCF sera-t-il gratuit ?

    J. B. - La réponse sur ce point doit être faite à deux niveaux. Sur le principe, il est décidé que les services du CCF (inter- rogation, accès au PIB) seront payants, ne serait-ce que parce que l'accès par la fonction kiosque banalisée du minitel rend cette tarification nécessaire. Quant au(x) niveau(x) de tarification, c'est es- sentiellement une décision politique qui devra, entre autres, prendre en compte la politique tarifaire de ses par- tenaires. Il serait souhaitable sur ce point que nous puissions définir cette politique tarifaire à l'échelon national.

    ABF - Le CCF fournira-t-il d'autres ser- vices ou produits que ceux évoqués pré- cédemment ?

    J. B. - Outre les services en ligne dont je viens de parler, il cherchera à définir une ligne de produits. On peut penser que l'édition sur CD-ROM de la base de rétroconversion des BM ou bien du RNBCD peut avoir un intérêt pour cer- taines catégories de public. De même l'édition sur papier de sous-ensembles régionaux du RNBCD (Répertoire natio- nal des bibliothèques et centres de do- cumentation) devrait être utile et moti- ver les bibliothèques signalées dans ce répertoire pour assurer la fraîcheur des données qui les concernent.

    Rappelons aussi que le CCF ne fournira pas de notices aux bibliothèques. Le serveur bibliographique national et/ou la Bibliothèque nationale de France, ainsi que le futur système universitaire à horizon 1997, sont là pour cela.

    ABF - Quel est le calendrier de réalisa- tion du CCF ?

    J. B. - Le schéma directeur informati- que opérationnel devrait être terminé début mai. Juste après seront menées ce qu'on appelle l'étude préalable et l'étude détaillée, ce qui nous mènera jusqu'à la fin mars 1995. Puis commen- cera la phase de réalisation proprement dite qui devrait se dérouler d'avril 1995 à fin mars 1997, avec une mise en place pilote d'avril 1997 à fin juin 1997 et une dernière phase de généralisation jus- qu'à la fin de 1997.

    Cependant tout sera fait pour qu'un ser- vice minimum soit disponible à l'ouver- ture de la BNF, soit le noyau du RNBCD permettant sa consultation et, suite à celle-ci, la connexion automatique par reroutage des usagers sur les fichiers collectifs et locaux accessibles en ligne (en particulier celui de la BNF et celui des rétroconversions des BM).

    1. EPBF : Établissement public de la bibliothèque de France. Par décret n° 94-3 du 3 janvier 1994, cet établissement a été fusionné avec la Biblio- thèque nationale pour former la Bibliothèque na- tionale de France. retour au texte

    2. CCNPS : Catalogue collectif national des publica- tions en série. retour au texte

    3. ORIADOC : répertoire d'orientation et d'accès aux sources d'information et de documentation (géré par une association loi de 1901, sous la respon- sabilité de la Documentation française). retour au texte

    4. RENATER : réseau national de la technologie, de l'enseignement et de la recherche. retour au texte

    5. INTERNET : c'est en fait l'interconnexion mondiale de l'ensemble des réseaux locaux ou régionaux de télécommunication (environ 12 500 réseaux dans 120 pays) utilisant le protocole IP [Internet proto- col\. retour au texte