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Les réseaux et la téléconsultation des banques de données

1994
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    Les réseaux et la téléconsultation des banques de données

    Par Jean-Émile Tosello-Bancal , URFIST de Paris - École nationale des Chartes

    Quelques étapes du développement des réseaux de télécommunication au niveau international

    La littérature scientifique a connu au cours du XXesiècle des bouleverse- ments importants concernant à la fois ses modes de production (prédomi- nance des articles de périodiques pour les publications, et de la langue an- glaise comme vecteur de communica- tion internationale) et ses modes d'uti- lisation (recours aux technologies infor- matiques pour gérer la masse documentaire en croissance continue dans tous les champs du savoir).

    Les banques de données (1) , apparues aux États-Unis au début des années 1960, ont été conçues pour faciliter le repé- rage et le tri de cette masse documen- taire. Interrogeables à l'origine de façon limitée (sur l'ordinateur du centre de calcul local qui en assurait le charge- ment), les banques de données n'ont connu un réel essor qu'à partir du mo- ment où elles sont devenues accessibles à distance grâce au développement des réseaux de télécommunications.

    Les toutes premières liaisons à distance aux sources d'information stockées sur supports électroniques remontent au début des années 1960. Toutefois, ces liaisons, utilisant le réseau téléphoni- que commuté, n'assuraient ni un débit d'informations suffisamment rapide, ni une fiabilité satisfaisante au niveau de la transmission des données.

    Dès la fin des années 1960, on s'orienta vers la mise en place de réseaux spé- cialisés dans le transport massif de don- nées numérisées, plus fiables que le ré- seau téléphonique commuté et permet- tant en outre la connexion de machines travaillant à des vitesses différentes. Ces réseaux utilisent une technique de transfert consistant à regrouper les don- nées transmises en paquets, indépen- dants les uns des autres et dotés, cha- cun, de l'adresse de leurs destinataires. Construits sur une architecture maillée, ils permettent d'acheminer les paquets de données par des voies différentes, l'orientation étant effectuée automati- quement par des ordinateurs de commutation, les informations étant vé- rifiées puis reconstituées dans leur in- tégralité, à l'arrivée.

    Un des premiers réseaux de télétrans- mission de ce type, ARPANET (Advanced Research Project Agency Network), fut créé en 1969 sous l'impulsion du DOD (Department of Defense) aux États- Unis. Il reliait quelque 15 000 consoles d'ordinateurs réparties dans 35 centres informatiques localisés dans 16 villes sur l'ensemble du territoire. D'autres ré- seaux d'origine privée, TYMNET de la société Tymshare Corporation, TELENET ou DATRAN apparurent vers la même époque et ouvrirent très rapidement leurs services vers l'extérieur du conti- nent nord-américain.

    En France, c'est en 1974 qu'apparut le premier réseau de télétransmission de données, CYCLADES, reliant une ving- taine de sites informatiques appartenant à des institutions de recherche publi- ques (Comité national d'étude des télé- communications et Institut de recherche en informatique et automatique). Ce ré- seau « expérimental servit de préfigu- ration à TRANSPAC, réseau commercial créé par la direction générale des Télé- communications, qui devint opération- nel en 1979.

    L'État ayant en France le monopole du transport des données, le réseau TRANS- PAC constitue la principale voie pour l'accès aux services télématiques (2) fran- çais et étrangers.

    L'accès aux sources d'informations électroniques par TRANSPAC

    Le raccordement au réseau TRANSPAC peut s'effectuer selon deux modes :

    • soit directement, en louant une ligne spécialisée, solution onéreuse adoptée par les seuls organismes qui génèrent des flux de données très importants ;
    • soit par l'intermédiaire du réseau té- léphonique commuté.

    Les configurations techniques utilisa- bles peuvent être variables : terminal spécialisé, minitel ou micro-ordinateur doté d'une interface de communication, ce dernier outil étant aujourd'hui le plus utilisé puisqu'il permet - lorsqu'on est associé à d'autres machines périphéri- ques (imprimante, scanner, etc.) - non seulement de rechercher et d'accéder à des informations mais encore de les stocker, de les retraiter et de les ré-uti- liser pour produire de nouvelles don- nées.

    Le micro-ordinateur « communiquant devra être équipé d'un modem (modu- lateur/démodulateur) capable d'assurer la conversion du signal binaire (émis par l'ordinateur) en signal analogique (transmis par le téléphone) et récipro- quement.

    Les modems diffèrent en fonction de la vitesse à laquelle ils acheminent le si- gnal, le modèle actuellement le plus ré- pandu fonctionnant à 2 400 bits/se- conde soit environ 240 caractères/se- conde.

    Le micro-ordinateur doté d'un modem permet de passer du réseau téléphoni- que commuté au réseau spécialisé TRANSPAC par l'intermédiaire de points d'accès appelés PAD (Point d'accès di- rect ou Packet assembler/désassembler) qui transforment les données modulées par le modem en paquets, et les adres- sent ensuite à l'ordinateur destinataire. Ce mode d'acheminement très souple permet d'emprunter des voies variables, en fonction de l'encombrement des mailles du réseau au moment de l'émis- sion des données.

    Pour se connecter sur un ordinateur- serveur situé à l'étranger, le réseau TRANSPAC est utilisé pour accéder aux réseaux du même type implantés dans les pays concernés (l'ensemble de ces réseaux étant conforme à la norme mondiale X.25).

    La bascule de TRANSPAC sur le réseau de commutation de données par pa- quets étranger se fera par l'intermé- diaire d'un NTI (Nœud de transit inter- national). L'utilisateur français se connectera par exemple au serveur américain DIALOG en passant via TRANSPAC par le NTI de France Te- lecom, puis par le nœud de transit in- ternational du réseau américain TYM- NET qui permet d'accéder au serveur re- cherché.

    L'accès au NTI de France Telecom n'est toutefois possible qu'à condition de dis- poser d'un numéro d'utilisateur interna- tional (NUI). Le NUI (3) obtenu n'étant uti- lisable qu'à partir du pays où il a été accordé, un NUIobtenu en France ne permettra pas, par exemple, d'appeler TRANSPAC à partir du réseau TYMNET aux États-Unis.

    A partir de cette architecture, l'accès « en ligne » (par liaison télématique) aux banques de données diffusées par les principaux centres serveurs internatio- naux (4) implique différents types de coûts :

    • frais de téléphone (RTC) pour accéder au réseau TRANSPAC (40 F H.T./mois d'abonnement + 0, 65 F H.T. de taxe toutes les 2 minutes) ;
    • frais de télécommunications (TRANS- PAC) liés à la durée de la communica- tion (25,32 F H.T./h en métropole, 36 F H.T./h en Europe, 60 F H.T./h pour les liaisons transatlantiques et 80 F H.T./h pour les autres pays (Japon,...) ; le débit d'information opéré selon un rapport volume/vitesse : par exemple environ 5 centimes pour 1 000 caractères transmis à une vitesse de 240 caractères/seconde sur le réseau français ;
    • frais de liaisons internationales : 80 F H.T. d'abonnement mensuel pour le NUI.

    Le coût d'utilisation des réseaux de té- lécommunication est donc essentielle- ment calculé en fonction de la durée d'utilisation des lignes spécialisées et du volume d'informations transmis, le paramètre de la distance entre l'ordina- teur-serveur et l'utilisateur étant se- condaire.

    Les réseaux électroniques de la recherche

    L'accès aux sources d'information élec- troniques n'est toutefois pas limité aux seules ressources offertes par les ré- seaux commerciaux. Au cours des an- nées 1980, plusieurs réseaux spécialisés pour la recherche scientifique ont vu le jour : NSFNET (National Science Foun- dation Network), aux États-Unis ou EARN (European Académie Research) en Europe.

    Le plus important de ces réseaux fédé- rateurs d'autres réseaux (locaux, régio- naux, etc.), NSFNET, fonctionne à partir d'un ensemble commun de protocoles de communication permettant l'inter- connexion de systèmes informatiques hétérogènes, protocole TCP/IP (Trans- mission Control Protocol/INTERNET Pro- tocol) qui fut mis en place dès le début des années 1970, pour assurer le déve- loppement d'ARPANET.

    Aujourd'hui ce protocole " ouvert », per- mettant l'utilisation de ressources maté- rielles et logicielles variées, assure le succès du métaréseau INTERNET (dont NSFNET constitue le cœur) et de sa par- tie française RENATER, (Réseau national de télécommunications pour la techno- logie, l'enseignement et la recherche) créé en 1991 par les ministères chargés de l'Enseignement supérieur, de la Re- cherche et des Télécommunications (5) .

    INTERNET (Inter-Networks) relie actuel- lement plus de 1,5 million d'ordinateurs dans 47 pays à travers le monde et se développe au rythme impressionnant de 10 % d'utilisateurs supplémentaires par mois.

    INTERNET offre différents types de res- sources, parmi lesquelles :

    • le courrier électronique - pour trans- mettre un message à un correspondant au sein du réseau il suffit de connaître son adresse électronique ;
    • les listes de discussion permettant d'é- largir les échanges avec une commu- nauté d'utilisateurs : un même ensem- ble d'informations (message, article...) étant systématiquement envoyé à plu- sieurs correspondants regroupés autour d'un thème d'intérêt commun ;
    • les revues électroniques (« news ») : plus de 2 300 revues de tous domaines exis- tent sur INTERNET, elles permettent de consulter et de sélectionner des articles après s'être connecté à l'un des serveurs de « news " présents sur INTERNET ;
    • le transfert de fichiers (File Transfer Protocol), pour, récupérer intégralement des documents (articles, livres électro- niques,...) ou des outils (logiciels,...) de nature très diverse ;
    • l'accès à des machines distantes pour utiliser les ressources d'autres ordina- teurs interconnectés à travers le réseau (par exemple, interrogation de banques de données ou de catalogues de biblio- thèques accessibles.

    Pour le public des universités, l'accès par INTERNET aux catalogues de biblio- thèques (environ 300, localisés pour l'essentiel aux États-Unis) est générale- ment gratuit (6) ^ : les coûts liés à l'utili- sation du réseau sont supportés par le point de raccordement à partir duquel s'effectue la liaison, les centres de cal- cul recevant une subvention spécifique pour prendre en charge ces frais. De la même manière, un grand nombre de banques de données produites par les universités et les centres de recherche sont désormais ouvertes à une utilisa- tion internationale par INTERNET.

    Quelques serveurs commerciaux, comme DIALOG et l'ESA (European Space Agency) peuvent également être accessibles par INTERNET à condition de disposer d'un contrat avec ces ser- veurs : l'utilisateur ne paiera alors que les coûts d'interrogation des banques de données (et de visualisation des do- cuments, de commande des documents primaires, etc.), sans avoir à prendre en charge les frais des réseaux de télé- communication.

    La connexion à INTERNET pourra se faire avec les mêmes outils (minitel ou micro-ordinateur équipé d'un modem) que ceux utilisés pour l'accès à TRANS- PAC, en passant soit directement par le réseau téléphonique commuté, puis par le réseau TRANSPAC pour atteindre un centre serveur (nœud de raccordement) qui assurera la liaison avec l'INTERNET. Dans ce cas il faut disposer d'une auto- risation d'accès et d'un identifiant (7) qui permettront de disposer de l'ensemble des ressources ouvertes sur le réseau.

    L'hyper-espace informationnel créé par l'interconnexion des réseaux de trans- port de données nécessite le dévelop- pement d'outils d'aide à la recherche. Certains sont d'ores et déjà disponibles, tels WAIS (Wide Area Information Ser- vers) qui permet de sélectionner et de visualiser des documents de format dif- férents à partir de requêtes formulées en mots libres, adressées à l'ensemble des sites équipés d'un serveur WAIS sur le réseau GOPHER qui offre un accès par menus aux ressources disponibles sur un ou plusieurs sites du réseau. L'utilisateur peut passer d'un serveur GOPHER à l'autre à partir de commandes guidées facilitant la naviga- tion sur le réseau ou encore WWW (World Wide Web), qui permet des re- cherches d'information en mode hyper- textuel.

    La valeur ajoutée apportée par ce type d'outils, au transport « brut de données sur les réseaux de télécommunications, préfigure sans doute les nouveaux modes d'usage de l'information spécia- lisée pour lesquels les enjeux, au sein de la communauté scientifique, se po- seront essentiellement en termes de re- pérage, de tri et de sélection des sources réellement utiles.

    Bibliographie

    "IST et réseaux électroniques de la recherche : quels enjeux ?"/ Ghislaine Charton, Documentaliste sciences de l'information, 1993, vol. 30, n° 2.

    Les accès électroniques à l'information : état de l'offre, décembre 1992 / Jean-Pierre Lardy. - Paris : ADBS, 1993. - 90 F - (Col. Sciences de l'information : série Recherches et Documents.

    Directory of electronic journals, newsletters and Academic discussion lists / Michel Strangelove and Diane Kovacs. - Washington DC : Association of Research Libraries, 1993. - 355 p.

    INTERNET primer for information professionals : a basic guide to INTERNET networking technology / Elisabeth Lane et Craig Summerhil. - Westport, NY : Meckler Ed., 1993. - 181p.

    The whole INTERNET user's guide and catalog / KROL, Ed. - Sebastopol, CA : O'Reilly & Associates Inc., 1992. - 376 p.

    1. Ensemble de données relatif à un domaine dé- fini de connaissances et organisé pour être offert aux consultations d'utilisateurs - selon la définition du Journal officiel du 17 janvier 1982). retour au texte

    2. Télématique : combinaison des technologies des télécommunications et de l'informatique (néolo- gisme inventé par MM. Nora et Minc, en 1978, dans leur rapport sur L'informatisation de la société »). retour au texte

    3. Pour obtenir un NUI : Transpac, Service NUI, im- meuble Gallieni, 8, place du Maréchal-Juin, 92136 Issy-les-Moulineaux cedex, 46 48 15 15, télécopie : 46 48 16 16. retour au texte

    4. On dénombre en 1994 environ 5 300 banques de données dans le monde chargées sur quelque 820 serveurs (l'essentiel de l'offre, 3 057 banques de données proviennent des États-Unis, 1 6l6 de l'Europe, et 637 du Japon et de l'Australie). retour au texte

    5. RENATER est construit sur une architecture fédé- ratrice : à la base des réseaux locaux d'université (réseaux de campus) sont regroupés à un échelon supérieur en réseaux régionaux (exemple RERIF pour la région Ile-de-France), eux-mêmes agrégés en un réseau national d'interconnexion (RNI) qui assure l'interface des réseaux de recherche français avec leurs homologues européens et nord-améri- cains. retour au texte

    6. Dans certains cas un droit d'accès et un mot de passe spécifique seront toutefois nécessaires. In- formations complémentaires : RENATER, université Pierre et Marie Curie, Bât. A (7e étage), 4, place Jussieu 75252 Paris cedex 05, 44 27 26 12. retour au texte

    7. L'identifiant peut généralement être obtenu au- près de l'administrateur des ressources informati- ques de l'organisme auquel on appartient, il se pré- sente sous la forme : DUPONT@ CCR.JUSSIEU.FR (c'est-à-dire : nom de l'utilisateur@nom de la ma- chine d'hébergement. localisation. pays). Lorsque l'établissement dont on dépend n'est pas encore raccordé sur les réseaux de recherche, un accès payant peut être obtenu sur INTERNET par l'inter- médiaire de serveurs commerciaux : 3615 INTERNET ou 3616 ALTERN : accessibles par minitel permet- tent seulement d'utiliser la messagerie et de consul- ter les revues électroniques (news). 3617 EMAIL, en plus des services précédents, permet aux utilisa- teurs de micro-ordinateurs d'effectuer des télédé- chargements. - Service UTOPIA : Fnet, 11, rue Car- not, 94270 Le Kremlin-Bicêtre. - The WELL(Whole Earth Electronic Link), 27 Gate Five Road, Sausa- lito, California 94965-1401. retour au texte