Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    La médiathèque comme lieu de sociabilité

    Par Marie-Hélène Bastianelli, Bibliothèque municipale de Gardanne

    Il nous est difficile de nous extraire, en pleine préparation d'un équipement, du sentiment d'un léger déphasage entre notre projet, nos préoccupations et les très nombreux équipements visités avec l'ensemble du personnel ces derniers temps.

    Nous avons conscience, à Gardanne, d'être sur un terrain un peu privilégié, terrain acquis grâce à une confrontation permanente entre les points de vue des élus, des collègues des autres services et les nôtres. Confrontation aussi entre les pratiques (1) .

    La ville

    Je situe brièvement notre ville parce qu'elle est particulière - peut-être comme toutes les villes ! D'abord parce qu'elle est située à mi-chemin entre Aix et Marseille. Une ville de 18 600 habitants, à 20 km d'Aix et de Marseille. Une ville totalement constituée par des vagues successives d'étrangers, aujourd'hui souvent naturalisés : Polonais, Arméniens, Espagnols, Italiens, Marocains essentiellement, venus tour à tour alimenter la mine, les Houillères de Provence et Péchiney. Deux grosses entreprises structurantes donc, mais dont la mort est annoncée pour l'an 2000, par de hauts technocrates. Un bassin minier de dix villages, tous équipés d'une bibliothèque municipale desservie par la BDP et presque partout animée par un ou deux professionnels. Un indicateur social, quand même inquiétant : à Gardanne, un foyer sur deux ne paie pas d'impôts sur le revenu et la situation risque de se dégrader très fortement encore dans les années à venir.

    Genèse de la médiathèque

    En 1981, sous la responsabilité de Jean Tabet, un premier projet existait : 1 500 m2, très fonctionnel. Il a capoté pour diverses raisons en 1985. Le 4 novembre 1995 sera inauguré le nouveau projet de 1 732 m2, donc relativement au-dessus des normes indicatives, jamais remplacées. Il jouit d'une situation géographique exceptionnelle dans la ville : il est situé à moins de 5 mn de deux des trois lycées (2 400 lycéens sur la ville - un lycée agricole, un lycée professionnel, un lycée polyvalent) ; à moins de 5 mn des deux CES et de quatre des sept écoles que compte la ville. Il est aussi à proximité des principaux services publics : poste, centre médical, direction des impôts, sécurité et bientôt commissariat. Cette bibliothèque (le nom de médiathèque correspond au choix des élus mais nous manquons de conviction !) ouvrira avec des collections relativement importantes et récentes puisqu'acquises au cours de ces quinze dernières années : 60 000 documents comprenant notamment 500 partitions, 7 500 documents sonores dont 1 500 cassettes de texte, 2 200 images. Elle ouvrira ses portes avec cinq conservateurs et bibliothécaires, quatre assistants de conservation ou assistants qualifiés, six agents du patrimoine ou agents qualifiés et trois postes et demi pour l'entretien. La totalité du personnel (tous titulaires) sera en fonction quatre mois avant l'ouverture. Un plan de formation a été mis en place pour l'ensemble des agents, y compris pour ceux qui viennent des autres services municipaux, puisque nous avons engagé un travail de mutation interne pour ceux qui souhaitaient venir travailler à la bibliothèque. La dernière formation prévue avant l'ouverture, pour l'ensemble du personnel, concerne l'accueil des jeunes en difficulté.

    L'objectif de la municipalité était clairement affirmé, dans les principes, sans que soit précisé tout ce que cela impliquait sur le terrain : continuer à assurer un service public de qualité, élargi au son et à l'image, pour les publics existants, actuellement 6 500 inscrits ; accompagner plus fortement les publics en difficulté - en clair : que la nouvelle médiathèque, outre sa fonction traditionnelle, soit un lieu de sociabilité, un lieu d'accompagnement de la mutation que traverse la ville et sa population dès aujourd'hui et plus encore demain peut-être.

    Comment cela se traduit-il dans l'organisation de l'espace et le fonctionnement ? En premier lieu par la réaffirmation du maintien de la gratuité pour l'ensemble des services offerts (y compris les nouveaux) pour tous ceux qui habitent, travaillent ou sont scolarisés à Gardanne.

    Organisation de l'espace

    Le bâtiment lui-même, de mon point de vue, est moins fonctionnel que le premier projet puisque Jean Tabet avait eu la chance de pouvoir travailler avec l'architecte municipal alors que nous, nous avons du passer par la procédure du concours d'architecture avec tous les problèmes que cela pose, même avec un cahier des charges extrêmement précis. Mais le projet actuel est peut-être plus modulable, ce qui ouvre quelques possibilités. La médiathèque comprend trois espaces ouverts visuellement sur un hall d'accueil et d'exposition : le prêt adulte, le prêt jeunesse, la consultation sur place. Le prêt et le retour des documents sont décentralisés. Dans chaque espace, les collections sont présentées selon une classification Dewey, à peine remaniée pour une plus grande cohésion entre les trois espaces principaux et avec l'ensemble des CDI et CIO de la ville. La présentation des collections est multisupport. Un projet somme toute très classique, et possible dans une ville de moins de 20 000 habitants. Il n'y a donc pas une discothèque, une vidéothèque, une bibliothèque, etc., mais bien un prêt adulte, un prêt jeunesse et une consultation sur place.

    Autres changements entre le projet de 1981 et celui de 1991 ? L'artothéque a disparu, remplacée par une très forte collection de 3 500 livres d'art, en relation avec un atelier d'art plastique extrêmement vivant sur la ville.

    L'espace de consultation sur place qui était scindé en deux, adultes et jeunes, est distribué autrement. Un lieu de consultation individuelle préserve un espace de travail totalement silencieux, un lieu de consultation collective où prend place l'ensemble des documents, permet le travail de groupe. Outre ces deux salles, une troisième est prévue pour accueillir quinze personnes au maximum, à des fins de formation, de courte ou moyenne durée, à l'initiative des différents organismes de formation de la ville : sessions pour le personnel territorial, stages des multiples dispositifs mis en place en liaison avec les ASSEDIC, PAIO, etc. L'idée étant de permettre à ces organismes et aux stagiaires, d'intégrer et d'utiliser les ressources de la médiathèque. La médiathèque aura aussi un auditorium de 50 places.

    Au coeur de l'ensemble des services internes une salle est dévolue à la documentation et à la formation permanente du personnel, ainsi qu'à la présentation des nouveaux documents à l'ensemble du personnel avant leur mise à la disposition du public.

    Un projet d'équipe

    Quelle que soit la mise en espace des collections et des nouveaux supports, quels que soient les partis pris de fonctionnement, notre équipe est convaincue que sont primordiales la richesse des collections, leur accessibilité, la gratuité, l'amplitude des horaires d'ouverture - et surtout la qualité de l'accueil.

    Devant des publics de plus en plus diversifiés, de plus en plus exigeants, en formation permanente, il nous faut être des professionnels encore plus qualifiés, et en formation permanente. Ceci est vrai pour l'ensemble des personnels. Quels que soient nos constats sur les dégâts de l'actuelle filière culturelle, sur les problèmes de la formation, quelles que soient nos luttes pour les améliorer, il est de notre responsabilité actuelle - et cela demeure possible - que la construction, l'aménagement et l'organisation d'une nouvelle médiathèque soient avant tout un projet d'équipe.

    Beaucoup de questions restent et resteront en débat permanent. Jusqu'où accompagner les publics ? Et donc comment suivre les positions de principe de la municipalité ? Quel partenariat mieux développer ? Combien de temps encore la ville pourra-t-elle assurer la qualité du service ?

    1. À Gardanne le premier service public a été créé en 1981 par Jean Tabet. retour au texte