Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Médiathèque et réseau

    Par Hugues Van Bésien, Bibliothèque municipale de Beauvais
    Nous ne publions ici que quelques passages de l'intervention d'Hugues Van Bésien qui a été reprise dans un article paru dans le n° 167 du Bulletin d'informations de l'ABF, p. 28, sous le titre Quel avenir pour les réseaux ? ».Ils rappelleront les orientations prises dans cette ville de 55 000 habitants, où l'ouverture d'une nouvelle médiathèque a remis en cause l'équilibre d'un réseau construit de façon exemplaire, dans les années quatre-vingt.

    [...] À une époque où la modernité était du côté des annexes, elles connaissent un succès peu marqué dans la population. Si ces unités de lecture publique avaient été des bibliothèques de communes de 4 000, 5 000, voire 10 000 habitants (populations correspondant à leur surface et à leurs moyens), je ne doute pas qu'elles auraient eu un succès beaucoup plus prononcé. En fait, l'ensemble du réseau d'annexes a culminé à 80 000 prêts en 1990. On a observé aussi un basculement effectif des bibliothèques de quartier dans un rôle socioculturel, dans lequel le service offert n'est pas la collection, est un peu la médiation des agents, mais est surtout le lieu lui même : lieu d'hébergement d'enfants très jeunes (fonction garderie) ou de groupes d'adolescents (fonction foyer). Ce rôle a été d'autant plus marqué que la plupart des structures socioculturelles de ces quartiers ont fonctionné un an, deux ans, sont mortes, ont pu renaître de leurs cendres pour fonctionner un an, deux ans... Les collègues de l'époque ont pleinement assumé ce rôle et à partir de là les bibliothèques municipales ont gagné la reconnaissance d'une mission de type social. Même si elles avaient aussi une mission de type culturel classique, celle que portaient les enseignants, et des élus militants pour qui la bibliothèque était une valeur, et pour lesquels la bibliothèque était le lieu du livre et le livre un moyen d'émancipation. À cette époque il y avait un programme clair, il n'y avait pas d'état d'âme sur la culture, le culturel. Un élargissement de fait des missions - et un succès très relatif sur les objectifs de lecture publique.

    Quand la médiathèque est programmée, il s'agit clairement de faire plus, de continuer à accroître l'offre dans l'idée de démocratiser la lecture. Mais il s'agit également de faire différemment et de faire autre chose, et là je rejoins ce qui a été dit à Chambéry. Ça s'est marqué dans l'architecture et ça s'est marqué dans le changement de nom : médiathèque. On peut même se demander s'il n'y avait pas, en arrière-plan, une désaffection, ou tout au moins une critique de l'existant, et en particulier de la vieille bibliothèque centrale, ouverte en 1954.

    Au moment de la programmation, il était clair qu'il s'agissait de multiplier les supports, qu'il s'agissait d'avoir une action culturelle au sens où l'on entendait ce mot dans ces années-là, une culture un peu chatoyante, forcément proche du créateur et forcément proche de l'art contemporain. La ville n'ayant pas d'autres lieux pour exprimer son attachement à l'art contemporain, ce besoin a tout naturellement pris la forme d'une artothèque (1) . À l'époque toute autre « thèque qui aurait été proposée aurait été vigoureusement adoptée. Il est extrêmement difficile de se situer à l'écart d'un mouvement dominant et, de plus, à l'écart d'un mouvement qui apporte des moyens, parce que comme ailleurs, l'enjeu c'était aussi une multiplication considérable des moyens.

    Nous avons ouvert le médiathèque en 1991, la section musique un an plus tard. Tout le monde est content, les bibliothèques sont pleines. Mais nous nous posons un peu le même genre de questions que le collègue de Nantes, en particulier par rapport à la surreprésentation des scolaires. Je dirais que tous les usagers sont légitimes, mais tous les usages le sont-ils ? De plus, l'administration municipale a toujours accompagné nos demandes, mais nous nous sommes rendus compte de part et d'autre qu'il y avait une limite qu'on ne dépasserait pas. Il y a 55 000 habitants, nous sommes 40 agents titulaires et disposons d'un budget d'acquisition d'environ 1250 000 F. L'heure n'est plus à la croissance, elle est au maintien et à mon arrivée, j'ai reçu le mandat de fonctionner à moyens constants.

    Le bâtiment, qui théoriquement peut ouvrir avec 6 personnes, en réclame 11 ou 12 les jours de pointe (2) . Le public de la centrale a doublé, il s'agit pour partie de la création de nouveaux publics. Mais il y a eu un effet inattendu qui remet en cause les recommandations antérieures et une partie de mes convictions professionnelles sur la bibliothèque de proximité - nous avons complètement vidé les annexes de quartier ! Nous pouvons donc tout juste accompagner la croissance de la fréquentation sur les services existants, mais il fallait mettre un terme à toute diversification de services. En rapatriant sur la centrale les moyens affectés aux annexes de quartier qui avaient, selon les cas, perdu un quart ou un tiers de leur public et de leur volume d'activité, nous aurions pu nous engager dans la voie de la diversification des supports, des services, etc. C'est un choix que nous n'avons pas fait. On a décidé une relance des annexes de quartier en leur accordant, à elles, la priorité : service de base, service quotidien élargi à tous les supports. Donc nous avons mis des vidéos dans les annexes de quartier, accru la communication et les heures d'ouverture qui n'étaient déjà pas négligeables (une trentaine d'heures). Nous tenons à ce choix d'un service de base offert à tous dans les conditions d'ouverture et d'accessibilité que nous estimons maximum, en terme d'horaire, mais aussi en terme de tarification. La gratuité n'a pas pu être obtenue mais quand les audiovisuels ont été introduits dans les annexes nous avons mis fin à la tarification par supports. Elle ne se justifiait pas puisqu'il s'agissait d'un produit d'appel pour faire revenir ce public dans les équipements délaissés, et que les collections réduites proposées dans les quartiers rendaient injuste une différence de tarif. Donc il n'y a plus qu'un service unique, un réseau unique et un choix de le relancer. Mais d'une certaine façon c'est l'existence de ce réseau antérieur qui a conditionné le type de services que nous avons rendus dans le nouvel équipement. C'est un choix qui sera sans doute réexaminé dans deux ou trois ans à la lumière de ses résultats.

    D'autre part, il y a des services que nous ne rendons toujours pas, il y a des services que nous rendons mal. Un de nos soucis est de ne pas universitariser » le service offert, d'autant que la ville se donne une université et que la bibliothèque universitaire développée par l'université mère est un peu indigente et très récente. C'est nous qui avons assumé cette fonction les deux premières années, mais l'accès aux moyens modernes d'information scientifique et technique pour le public universitaire de Beauvais n'est pas assuré par la bibliothèque universitaire et ne le sera pas. Faut-il ou non que nous nous lancions dans l'entreprise ? Si nous posions clairement la question aux élus, ils répondraient vraisemblablement par l'affirmative puisque l'enjeu du développement universitaire est énorme.

    Nous nous posons également la question un peu voisine de l'introduction du CD-ROM. Il est peu satisfaisant de ne mettre en place que des collections réduites à des fins d'initiation ou des produits qui ne sont pas beaucoup plus intéressants que le papier et qui ne sont que des portes d'entrée. D'un autre côté, comment mettre en place une batterie importante avec les personnels que cela suppose pour la médiation [ ... Mais mettre en ligne des batteries importantes de CDROM c'était aussi rendre un service qu'on pourrait qualifier d'études et de recherche et sortir de ces missions de base qui pour l'instant accaparent l'essentiel de nos moyens.

    Commentaire

    Sur le déséquilibre du réseau, Philippe Debrion et Marie-Claude Brun ont souhaité intervenir. À Saint-Quentin, on a plutôt assisté au phénomène inverse: l'ouverture de la médiathèque a créé une dynamique. Les autres bibliothèques de la ville n'ont pas eu une baisse de fréquentation au contraire et pour certaines il y a eu un effet de demandes. Le souhait était d'avoir à peu près le même service qu'à la médiathèque centrale qui n'est pas une centrale.

    À Chambéry, le réseau comporte cette centrale, plutôt bien taillée pour une ville de cette importance, puisqu'elle offre 6 000 m2, dont 4 500 m2 accessibles au public et une seule annexe de quartier de 300 m2. Cette annexe est dans un quartier périphérique, uneZUP, qui fonctionne un peu comme une petite ville. Elle marche très très fort et depuis deux ans nous faisons des efforts pour qu 'elle soit agrandie et nous avons l'assurance que très prochainement, il se fera une extension à 1 300 m2. Cette annexe n a pas du tout souffert de la présence de la bibliothèque centrale. Les gens vont parfois aux deux, mais les habitués de l'ancienne petite bibliothèque restent fidèles, trouvent qu'on y est plus accueillant... Les deux sont tout à fait complémentaires. D'ailleurs, dans la nouvelle construction nous envisageons de moduler et de ne pas avoir les mêmes services qu'à la centrale. Par exemple, nous n'y ferons pas de vidéothèque, nous ferons par contre des services aux enfants, des services d'aspect plutôt social d'accueil de groupes que nous n'avons pas dans la bibliothèque centrale.

    1. L'artothèque est morte avant d'avoir existé. En écoutant les diverses interventions, on pense à une nécropole des artothèques ... retour au texte

    2. Le mercredi et le samedi, après deux ans de fonctionnement, nous dépassons fréquemment les 2 500 entrées. La médiathèque centrale a fait 340 000 entrées en 1994. retour au texte