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    Séance inaugurale

    Discours de Monsieur André Miquel

    Par André Miquel

    Madame la Présidente, Monsieur le représentant du Maire, Mes chers collègues,

    Je voudrais dans cet exposé assez bref et en deux parties parler d'une part des problèmes très généraux qui se posent à propos du thème de votre congrès et d'autre part vous donner quelques informations que certains d'entre vous attendent, je pense, sur le Conseil supérieur des bibliothèques.

    Quant à la première partie de cet exposé je ne me pose pas ici en spécialiste, vous l'êtes. Je voudrais plutôt vous faire part de quelques données très générales telles qu'elles sont ressenties en réalité par le chercheur.

    Il me semble que les thèmes qui tournent autour de ce débat général de l'informatisation des réseaux peuvent être regroupés en trois grandes rubriques que j'appellerai les données, les problèmes et les buts. Quant aux données j'en verrais trois : la première serait le croît constant de l'information nationale et internationale. De ce point de vue je crois que nous sommes tous d'accord pour estimer que le temps n'est plus où le savoir pouvait se diviser, que sa visée au contraire est générale. La deuxième donnée serait la multiplication des demandeurs, elle-même liée à une élévation du taux de la conscience, de la connaissance, de la culture, que ces demandeurs soient individuels ou collectifs. La troisième donnée qui découle naturellement des deux autres serait la multiplication des centres d'information. Tout cela banal et je n'y insiste pas.

    Quant aux problèmes, le premier qui nous est posé est celui de la totalité. Là encore une référence à un temps peut-être pas si lointain est tout à fait éclairante. Je dirai brutalement que le temps n'est plus où une bibliothèque pouvait légitimement aspirer à rassembler tout le savoir. A plus forte raison en serait-il d'un chercheur et notamment d'un chercheur isolé. Les vieilles formules sur lesquelles les gens de ma génération ont pu encore rêver ou les grandes figures comme Pic de la Mirandole appartiennent décidément je crois à un autre âge. D'où la seconde difficulté qui serait d'ordre quantitatif, je veux dire que le chercheur est placé devant un problème a priori insoluble celui d'un champ de connaissance à inventorier, champ qui ne peut être idéalement que total et d'autre part un tri nécessaire à opérer dans ce champ pour sa propre recherche et selon ses propres orientations. Le troisième problème ou la dernière difficulté qui serait d'ordre qualitatif est lié à l'amplification du savoir. En effet, même si ce savoir est réduit a priori par l'hypothèse de travail du chercheur à un champ, ce champ lui-même si réduit soit-il ne peut prétendre à l'exhaustivité et à ce moment là le problème qui se pose, le problème de la qualité cette fois du savoir, c'est le croisement de telle ou telle discipline avec des disciplines voisines ou peut-être lointaines qui peuvent l'éclairer. Ce serait, pour arriver au mot, ce serait le problème de l'interdisciplinarité et j'ajouterai pour le meilleur et quelquefois pour le pire.

    Quant aux buts enfin, il me semble que tout débat tournant autour de l'informatisation des réseaux doit prendre en compte trois principes : le premier ce serait d'assurer le voyage du document vers le lecteur et non pas l'inverse, de passer d'un système de communication que nous connaissons tous, qui nous a nourri et auquel nous sommes tous très attachés à un autre système, à une bibliothèque idéale, qui serait constitué à partir de la chaise même du lecteur et par consultation. Le deuxième principe ou le deuxième idéal serait d'arriver à une situation telle que le chercheur dans un délai raisonnable puisse bénéficier d'abord du renseignement bibliographique qu'il demande et ensuite dans un délai non moins raisonnable du document. Troisièmement et dernièrement, pour ce faire, il convient d'établir le maximum d'interconnexions possi-bles entre la demande, la banque de données et le prestataire du document d'où la nécessité qui fait l'objet de vos débats, de la mise en place d'un réseau national et international de l'information bibliographique.

    J'en arrive maintenant au Conseil supérieur des bibliothèques, de création, vous le savez, assez récente sous, je ne dis pas la tutelle, je dis sous la bénédiction de trois ministères : Education nationale, Culture et Recherche.

    Le Conseil, sous ma Présidence, comprend d'abord 2 vice-présidents : Michel Melot que beaucoup d'entre vous connaissent et que je n'ai pas besoin de présenter et Pierre Jolis qui est un médecin universitaire, professeur à l'Université de Paris VII et qui dirige le département d'anesthésie-réanimation à l'hôpital Beaujon. Deux vice-présidents donc qui assument, je le dis dans une espèce de confession, l'essentiel du travail, ce qu'ils font avec un enthousiasme, une compétence et un dévouement auxquels je me plais à rendre publiquement hommage.

    Sous cette troïka présidentielle, nous trouvons :

    • Six membres nommés sur la proposition du ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, dans l'ordre :
    • Monsieur Edouard Brezin, professeur à l'école normale supérieure ;
    • Monsieur Claude Jolly, directeur de la bibliothèque de la Sorbonne ;
    • Monsieur Alfred Jost, ancien collègue du Collège de France et aujourd'hui Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences ;
    • Monsieur Jacques Le Goff, directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales ;
    • Monsieur Pierre Nora, directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales ;
    • Monsieur Denis Pallier, Inspecteur général des bibliothèques.

    Ensuite six membres nommés sur proposition du ministre de la culture :

    • Madame Françoise Danset, chargée de mission à la Direction du livre et de la lecture ;
    • Monsieur Pierre Botineau, Directeur de la bibliothèque municipale de Bordeaux ;
    • Monsieur Claude Cherki, patron des éditions du Seuil ;
    • Monsieur Jean Gattegno, délégué scientifique à la Bibliothèque de France ;
    • Monsieur Jacques Julliard, directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales ;
    • Monsieur Emmanuel Le Roy Ladurie, administrateur général de la Bibliothèque nationale.

    Trois membres nommés sur proposition du ministre de la recherche :

    • Madame Nathalie Dusoulier, directeur de l'INIST ;
    • Monsieur Franck Laloe, directeur de recherche au C.N.R.S ;
    • Monsieur Guy Pouzard, délégué à l'information scientifique et technique au ministère de la recherche.

    Enfin trois membres nommés sur proposition conjointe des trois ministres et qui représentent les collectivités locales :

    • Monsieur Jean-Pierre Fourcade, Conseiller régional de l'Ile de France ;
    • Monsieur Charles Josselin, Président du Conseil général des Côtes d'Armor ;
    • Monsieur Jacques Rimbault, maire de Bourges.

    Ce conseil répond je crois à une longue attente. Le rapport Varloot-Gattegno avait déjà insisté sur la nécessité de le mettre en place au plus tôt, la commission des bibliothèques universitaires que j'avais eu l'honneur de présider en compagnie notamment de votre collègue Monsieur Renoult, avait insisté dans le même sens et le bureau national de votre association avait également préconisé la création de cet organisme si mes souvenirs sont exacts à la date du 24 octobre 1989 par un texte que certains de vous connaissent.

    Ce que nous appelons entre nous la charte du Conseil supérieur des bibliothèques adoptée à l'unanimité de ses membres reprend dans une large part ces voeux et notamment ceux qui avaient été émis par votre bureau national. Le texte n'en est pas très long et je me permets de vous le lire :

    "Compte tenu des responsabilités qui lui sont confiées et dont il a pleinement conscience, le Conseil supérieur des bibliothèques a compétence, au delà des administrations traditionnellement en charge des bibliothèques, pour l'ensemble des champs des bibliothèques et de la documentation. Il examine tout problème soulevé par les politiques de lecture et de documentation, tant au niveau de l'Etat et des collectivités territoriales qu'au niveau européen et international, ainsi que la situation des secteurs restés en marge de ces politiques.

    Autorité indépendante, déliée de tout pouvoir de décision et entièrement consacrée à la recherche de solutions d'intérêt national qui doivent favoriser le développement général des bibliothèques et des circuits documentaires, prenant en compte, d'autre part, la dispersion et le cloisonnement des centres de décision, le Conseil supérieur des bibliothèques examine l'ensemble des problèmes communs à la documentation et veille à la cohérence des politiques documen-taires.

    Le Conseil supérieur des bibliothèques est une instance de réflexion, d'harmonisation, d'initia-tive et d'arbitrage.

    C'est un lieu privilégié d'écoute des responsables et utilisateurs des réseaux documentaires et services de lecture, un lieu d'accueil, de discussion et de promotion des idées novatrices.

    Son rôle principal est d'orientation, de suivi et d'évaluation des politiques publiques.

    Il s'oblige à une concertation régulière avec tous les organismes concernés, à commencer par l'Inspection générale des bibliothèques jusqu'aux collectivités non représentées es-qualités. Il élabore et publie un rapport annuel.

    Il se réserve d'intervenir si se trouvait en cause l'application des principes constitutionnels en matière de droit à l'information, à la formation, à la culture, à la libre communication des pensées et des opinions ; si des mesures lui paraissaient contraires à la coopération nationale et européenne ; si les législations en vigueur et les actions publiques lui paraissaient entraîner des abus ou des effets pervers caractérisés.

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    Remerciements

    Il peut servir d'arbitre sur des points contestés entre des partenaires qui feraient appel à lui comme à un comité de déontologie.

    Après examen des dossiers qui lui ont été soumis et des enjeux documen-taires actuels, le Conseil supérieur des bibliothèques juge prioritaires :

    • l'amélioration de l'information bibliographique et l'élaboration de services collectifs nationaux ;
    • l'évaluation et la rénovation de la formation professionnelle, la politique de recrutement des personnels, l'harmonisation de leurs statuts ;
    • la coordination entre les projets de la Bibliothèque de France, de la Bibliothèque Nationale et des réseaux auxquels elles seront reliés ;
    • les relations entre les bibliothèques françaises et les bibliothèques étrangères, notamment européennes ;
    • l'établissement d'une carte de ressources et des besoins des bibliothèques et autres centres documentaires ;
    • la conservation du patrimoine imprimé.

    Pour le bon exercice de sa mission, le Conseil supérieur des bibliothèques demande aux Ministères concernés que lui soient soumis pour avis les projets de textes législatifs et réglementaires, ainsi que de directives européennes.

    Le Conseil supérieur des bibliothèques entend remplir auprès de l'opinion publique une fonction régulière d'information, d'explication et de sensibilisation aux enjeux nationaux dont il a la charge."

    Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, la vocation du Conseil n'est pas de traiter de problèmes particuliers de personnes ou d'établissements.

    Sa vocation se situe au niveau le plus large national, européen ou international. Le Conseil remettra, je pense à la fin de l'année, aux trois ministères concernés, son premier rapport annuel d'activité et pour ce faire il a mis en place des commissions notamment, sur les bibliothèques des structures universitaires délocalisées, sur les bibliothèques scientifiques et spécialisées, sur l'Europe, sur les statuts et la formation des personnels, sur les services collectifs nationaux, sur le droit de copie dans les bibliothèques, sur les établissements scolaires, et sur le dépôt légal.

    Ces commissions ont été entendues par le Conseil dans ses séances plénières.

    Le Conseil a rendu des attendus qui ont déjà été enregistrés et pour certains suivis d'effet. Notamment sur le catalogue collectif : les résultats du Conseil ont été avalisés par la dernière réunion inter-ministérielle du 14 septembre, notamment sur la nécessité d'informatiser et de lier les réseaux et enfin sur le statut et la formation des bibliothèques et aussi sur l'école nationale supérieure des bibliothèques.

    En conclusion, je pense que la question que vous vous posez est celle de l'avenir de ce Conseil. Je dirai que le Conseil est jeune, qu'il se forme, qu'il entend peu à peu développer ses activités avec l'aide de tous ceux qui s'intéressent aux problèmes des bibliothèques et de la documentation. Je crois qu'en six mois à peine d'activité il s'est déjà fait connaître et je vous prie de compter sur son président et ses deux vice-présidents pour que l'on entende de plus en plus parler du Conseil.

    Je vous remercie.