Merci à l'ABF qui perpétue chaque année la tradition de faire le point avec les ministères ayant la tutelle des bibliothèques. Je voudrais remercier aussi la ville de Dunkerque pour son accueil très chaleureux, reflet d'une tradition de bien-vivre dans les pays du Nord. Nous vivons actuellement une période de croissance exceptionnelle de l'enseignement supérieur en France. Les effectifs étudiants vont en effet passer d'environ 1,2 million cette année à 2 millions dans une dizaine d'années. Déjà 400 000 étudiants supplémentaires sont attendus d'ici 1993.
Ce développement des effectifs est observé partout et est encore plus accentué dans la région Nord-Pas-de-Calais et dans certaines régions de l'Ouest. Face à cette croissance, l'ensemble du pays a pris conscience qu'il fallait faire un effort considérable,' programmé sur plusieurs années.
Le Président de la République a eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises : l'éducation est la première priorité nationale.
Dans ce contexte, de nombreuses questions surgissent : comment accueillir ces étudiants supplémentaires ? Quelles sont les pédagogies à mettre en oeuvre ? Comment programmer les nouvelles constructions ? Comment aménager les futurs campus et comment insérer la vie universitaire dans la ville ? Comment tenir compte du développement de l'enseignement supérieur dans l'aménagement du territoire ?
L'enseignement supérieur, secteur qui reste de la compétence juridique de l'Etat et dont une bonne partie du financement est un financement d'Etat, évolue vers une déconcentration .
Comment se traduit cette évolution des responsabilités ?
Tout d'abord, et ceci est essentiel, le ministère cesse de financer les universités ligne par ligne. Nous allons vers une dotation globale de fonctionnement.
Les présidents d'université auront davantage un pouvoir d'arbitrage et de répartition des moyens financiers. Simultanément est mise en place une politique de contrats sur quatre ans fondée sur les projets des établissements. L'Etat et les universités se mettent d'accord sur des objectifs et les moyens de les financer sur plusieurs années. Voilà pour le contexte général.
Face à ces enjeux essentiels, et ayant revu ses méthodes (on travaille autant sur les objectifs que sur les critères quantitatifs), le ministre de l'éducation nationale a été conduit à réorganiser la tutelle de l'enseignement supérieur. Cette réorganisation s'est traduite par la création d'une direction chargée de l'aménagement du territoire universitaire, de la carte universitaire et de la mise en place de la politique contractuelle. La direction de la programmation et du développement universitaire (DPDU), dirigée par Armand Frémont, antérieurement recteur de l'académie de Grenoble, comprend quatre sous-directions.
La sous-direction des bibliothèques a pris la suite de la DBMIST en reprenant l'essentiel de ses missions, à l'exception des musées pour lesquels a été créée une mission, et le personnel dont la gestion et le suivi statutaire ont été confiés à la direction des personnels de l'enseignement supérieur (DPES). Les missions actuelles de la sous-direction des bibliothèques, dans le cadre global de la politique d'aménagement universitaire, sont : de construire le réseau documentaire, de faire des services communs de la documentation un élément fédérateur des universités, de situer la documentation et les bibliothèques dans une pédagogie nouvelle (l'enseignement de masse impliquant une place croissante du travail personnel).
La sous-direction des contrats, dirigée par J.R. Cytermann, est chargée des schémas de l'enseignement supérieur, de la mise en place de cette politique contractuelle et de la répartition des moyens de fonctionnement. La sous-direction des constructions, dirigée par J. Cabanieux, étudie la programmation et les projets de construction des universités nouvelles ; cette sous-direction comprend, une mission campus dont le rôle est de faire des propositions sur l'insertion de l'université dans la ville.
Quatrième et dernière sous-direction, la sous-direction des établissements, dirigée par M.F. Moraux, chargée de tous les aspects juridiques et statutaires et dont l'objectif particulier est la modernisation de la gestion des universités.
Enfin, a été créée une mission spécifique pour les musées, dirigée par Serge Chambaud, dont l'un des objectifs est de rénover les quatre grands musées de l'éducation nationale : la grande galerie du Muséum, le CNAM, le Musée de l'homme et le Palais de la découverte. Cette mission a également la tutelle des museums d'histoire naturelle.de province.
Pour en revenir aux bibliothèques, notre démarche s'insère naturellement dans cette politique d'aménagement, de développement universitaire et de politique contractuelle.
La mission documentaire est vue, dans les projets universitaires, comme une des fonctions essentielles de l'enseignement supérieur, et nous nous intégrons aussi dans la préparation des schémas d'aménagement et de développement de l'enseignement supérieur.
Le ministre de l'éducation nationale a, en effet, demandé aux préfets de région et aux recteurs de proposer un certain nombre d'orientations pour chaque région, à charge pour le préfet et le recteur de consulter l'ensemble des partenaires : collectivités locales et présidents d'université.
Cette démarche est en route et va se traduire par des schémas régionaux. D'ici quelques mois, un schéma national sera défini et publié par le ministre.
Le constat a été dressé par la commission présidée par André Miquel, du retard considérable pris, en France, par les bibliothèques de l'enseignement supérieur. Ce retard s'est manifesté dans énormément de domaines : emplois, moyens documentaires... Les orientations proposées par André Miquel au ministre de l'éducation nationale ont été retenues et constituent les principaux axes de notre politique. Les moyens attribués aux bibliothèques (BU, BIU, CADIST) sont passés de 95 millions en 1987 à 198 millions en 1990 et vont être portés à 224 millions en 1991. C'est donc une importante progression des moyens qu'il nous faudra poursuivre pour atteindre les objectifs définis par la commission Miquel. L'utilisation de ces moyens a été affectée au développement des collections, du libre-accès et à la modernisation des locaux. L'essentiel des constructions universitaires s'est fait entre 1955 et 1970, à un moment, où le libre-accès n'était pas encore suffisamment développé et nous avons beaucoup de locaux à aménager pour qu'il soit rendu possible. Un effort particulier va porter sur l'extension des horaires d'ouverture, grâce à des créations d'emplois mais aussi au moyen d'heures de monitorat de bibliothèque. Cette année, 100 000 heures de monitorat ont été distribuées. Un autre volet de notre action est la reprise des constructions de bibliothèques qui étaient interrompues : des projets se préparent à Amiens, Angers, La Réunion. Il y a des programmes plus avancés à Paris VIII Saint-Denis et Chambéry. L'objectif défini par le ministre est de construire 35 000 places supplémentaires de bibliothèque. En liaison avec Jacques Cabanieux de la sous-direction des constructions, nous allons prochainement lancer un groupe de travail sur les constructions de bibliothèques qui associera des architectes, des urbanistes, des universitaires et des bibliothécaires. Enfin, rien ne se faisant sans le personnel, les créations d'emplois ont repris : 79 au titre des créations de 1990, 140 au titre de 1991. Par ailleurs, vous savez que, depuis un moment, la direction du personnel (DPES), travaille à des réformes statutaires. Ce que je peux dire, en plein accord avec nos partenaires ministériels, c'est que l'on peut considérer que le dossier du personnel scientifique est bouclé bien que le texte ne soit pas encore paru au Journal Officiel. Il reste encore des étapes, (Comité technique paritaire, Conseil d'Etat) mais l'accord des partenaires est acquis sur l'essentiel. Le personnel scientifique des bibliothèques va être aligné sur celui du patrimoine.
Autre dossier sur lequel nous avons avancé bien difficilement, celui des bibliothécaires-adjoints. Sur ce point, je sais que l'Association des bibliothécaires français est réservée sur l'arbitrage qui a été récemment rendu. Il propose une architecture en deux corps : un corps B revalorisé selon les accords du protocole du 9 février 1990 (accords dits Durafour) et d'autre part, un deuxième corps classé suivant un classement indiciaire intermédiaire (dit Cil). Le Cil est un corps classé à bac + 2. Des mesures de reclassement sont prévues chaque année dont 20% en 1991. Sont également prévues des mesures indemnitaires, l'utilisation des dispositions relatives aux nouvelles bonifications indiciaires pour la catégorie B type. Les promotions internes en catégorie A seront élargies. Il s'agit notamment de rendre possible la mise au concours, pendant trois ans, de 50% des postes au titre du concours interne. (1) (1)
Un autre objectif est de construire et renforcer le réseau documentaire qui est le thème de votre congrès. Nous avons, à ce sujet, trois niveaux d'intervention :
Les acquisitions. Vous savez qu'il existe de grandes bibliothèques spécialisées qu'on appelle des CADIST, chacune dans un grand domaine disciplinaire. Nous avons décidé d'intensifier et de renforcer ce réseau, d'abord en augmentant ses moyens (on est passé de 12 millions à 15 millions et nous espérons atteindre les 18 millions dès 1991) puis en l'étendant ( deux nouveaux CADIST ont été créés, l'un en géographie, l'autre en histoire médiévale).
Les catalogues collectifs. Vous savez que le ministère de l'éducation nationale a réalisé un catalogue collectif national de périodiques qui associe l'ensemble des partenaires de la documentation. Ce catalogue qui était accessible par terminal va l'être par minitel sur le 3617(1) à partir de novembre, au tarif de 120 francs de l'heure. Nous avons lancé par ailleurs, un catalogue collectif d'ouvrages universitaires qui a reçu le nom de Pancatalogue. Montré en maquette à l'IFLA en 1989, il va être ouvert à titre expérimental avec une vingtaine de bibliothèques, à la fin de cette année. Nous soutenons également avec la Bibliothèque Nationale, un projet collectif RAMEAU, permettant d'interroger par sujet les catalogues auxquels nous avons consacré des moyens importants. Par ailleurs, l'informatisation des bibliothèques se poursuit.
Une carte de l'informatisation vient d'être publiée ; elle en précise le bilan. Vous pouvez l'obtenir au ministère de l'éducation nationale, auprès de la sous-direction des bibliothèques. L'informatisation du prêt est quasiment réalisée pour l'ensemble des établissements universitaires. Pour la fonction catalogue, des progrès sérieux sont accomplis. Cet automne, va être ouvert le premier catalogue collectif local du quartier latin qui associe la Sorbonne, Sainte-Geneviève et Cujas, au sein d'un même CD-ROM. Dans cette réalisation, nouvelles technologies et partage des ressources sont parfaitement associés.
Le réseau de fourniture de documents. Les bibliothèques universitaires se partagent avec le CNRS le marché des fournitures de documents via le prêt entre bibliothèques (PEB). La modernisation de ce réseau se renforce, notamment par la mise au point d'un logiciel sur micro-ordinateur (MICRO-PEB) et nous commençons à songer à l'ouverture de ce réseau vers l'extérieur ainsi qu'aux problèmes de paiement automatique qui y seraient associés. Sur le plan de la fourniture de documents, la DPDU a également travaillé à un projet expérimental de fourniture numérisée de document, le projet FOUDRE.
Enfin, avec le concours de la CEE, la DPDU et le SUNIST sont associés, dans le cadre d'un projet pilote, avec la Grande-Bretagne (projet LASER) et les Pays-Bas (Réseau PICA) pour développer le prêt entre les pays européens.
Pour réaliser cette politique 'de réseau, le ministère de l'éducation nationale poursuit sa coopération avec de nombreux partenaires. Bien entendu, la Bibliothèque de France est l'un de ces partenaires dans plusieurs secteurs : la politique documentaire (le rôle des CADIST en particulier), la fourniture de documents (prêt entre bibliothèques), la localisation des documents (catalogues collectifs). Nous sommes convenus avec la Bibliothèque de France, de nous associer pour réaliser ensemble un centre technique du livre dont la mission sera la conservation et la sauvegarde des documents. Cet établissement sera construit dans la région parisienne. Le ministère de l'éducation nationale travaille, bien entendu, avec le Conseil supérieur des bibliothèques, avec le ministère de la culture, avec le ministère de la recherche, par exemple, dans le cadre du schéma directeur de l'information bibliographique.
Dernière mesure que je puis annoncer, c'est la réforme de l'ENSB.
Vous savez que c'est un dossier qui est ancien et qui n'avait pu aboutir malgré bien des tentatives. Cette fois, un accord de l'ensemble des partenaires ministériels est également acquis. Certes, le parcours n'est pas terminé. Il reste encore les étapes que j'évoquais tout à l'heure. Cependant, dès la rentrée 91, va être mise en place cette nouvelle école dont la scolarité sera portée à dix-huit mois. Elle sera dotée d'un statut d'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, ce qui lui permettra de développer la recherche. C'est une condition très importante de développement de la profession de bibliothécaire que d'accueillir des enseignants-chercheurs.
En conclusion, je voudrais faire trois observations. La première consiste à souligner l'effort sans précédent accompli pour les bibliothèques. Le chantier de la Bibliothèque de France est un des projets les plus marquants de ce siècle . L'effort pour les bibliothèques universitaires est tout à fait exemplaire. Je pense qu'il revient au représentant du ministre de la culture de rappeler ce qui est fait pour les bibliothèques publiques.
Deuxième observation : dans mes nouvelles fonctions, je vérifie que le travail sur les bibliothèques est un travail de fond qui doit se poursuivre sur plusieurs années. Il nous appartient, par conséquent, de tenir bon sur les objectifs que nous croyons essentiels. Je prends deux exemples : le CCN, n'est pas seulement la réussite de l'administration actuelle ou de la précédente, mais la réussite de toute une équipe s'appuyant sur un ministère qui a tenu bon sur les objectifs. Le CCN a été lancé en 1983 mais ce sont des décisions antérieures qui l'ont permis. Il aura fallu sept ans pour réussir une entreprise comme celle-ci. Si je prends un autre dossier, celui de l'ENSB, il a fallu également de très nombreuses années, la ténacité de Jean Gattegno, de Denis Varloot, et d'autres pour que nous arrivions au but. On ne réussit donc pas dans un domaine culturel comme celui-là uniquement sur le cour terme et je le dis aussi en pensant aux statuts.
Troisième observation : je sais que par rapport à cet effort sans précédent, il nous faut mieux informer le grand public, afin qu'il comprenne mieux ce qui se réalise ; c'est notre devoir vis-à-vis de la nation à partir du moment où un effort est fait pour des équipements culturels. Le monde bibliothécaire est malheureusement trop méconnu du public malgré les efforts faits. Nos pratiques et nos actions restent un peu mystérieuses. Ce que je souhaite, c'est essayer de contribuer, au ministère et avec les bibliothécaires, à mieux faire connaître ce qui est fait.
Nous n'avons pas reçu en temps voulu le texte de l'intervention de Monsieur Ricard qui représentait Madame Pisier, directeur du Livre.
Notes de la rédaction