Depuis 1990, les actions de la Bibliothèque nationale dans le domaine de la formation continue se développent grâce à une augmentation significative des crédits. Au sein du Service du personnel, un bureau de la formation professionnelle continue organise chaque année plusieurs stages ainsi que les préparations aux concours. En raison de la spécificité et de la technicité de la formation dans le domaine de la conservation, la responsabilité pédagogique des stages "conservation-restauration" de la Bibliothèque nationale est assurée par la Direction technique qui a en charge la coordination des programmes de préservation dans l'établissement.
La vocation de la Bibliothèque nationale étant essentiellement patrimoniale, on pourrait considérer que toutes ses actions de formation concernent la gestion du patrimoine écrit. En fait, la Direction technique s'attache en priorité à développer les connaissances en matière de conservation matérielle des fonds. Depuis 1990, 100.000 F sont affectés annuellement à cette dernière opération.
Le programme de formation ainsi développé s'adresse à plusieurs catégories de personnels : les conservateurs et les bibliothécaires adjoints d'une part, les magasiniers d'autre part et problème spécifique à la BN, les agents des ateliers de restauration.
Depuis deux ans, l'accent a été mis sur la formation des magasiniers et des restaurateurs.
Les stages "magasiniers" sont des stages de sensibilisation et insistent sur la connaissance des techniques de fabrication des matériaux utilisés pour la réalisation d'un volume ainsi que sur les méthodes de façonnage des ouvrages. Cet aspect - essentiel si l'on veut apporter les meilleures solutions aux graves difficultés que posent le stockage et la manipulation de plusieurs millions de documents graphiques - est souvent méconnu des bibliothécaires et nécessite une remise à niveau des savoirs.
Les stages présentent donc la nature et les procédés de fabrication du papier, de la colle, du cuir... et tentent de mettre en lumière les processus de dégradation de ces matériaux au sein d'un livre. Sont exposées parallèlement les techniques de restauration ou de préservation qui sont développées dans les centres français et étrangers de conservation. Chaque fois que faire se peut, les interventions sont réalisées par des spécialistes de chaque discipline (ingénieurs papetiers, fabricants de parchemin, ingénieurs climaticiens) afin d'éviter au maximum les interventions de seconde main qui ne sauraient être aussi complètes.
Les méthodes pédagogiques utilisées essaient d'être le plus concrètes possible : vidéos, diaporamas sont complétés par des visites d'ateliers de restauration, d'installations de climatisation ou de désinfection et par des travaux pratiques : c'est ainsi que les stages à l'intention des magasiniers comprennent une journée de démonstration des méthodes de maniement, nettoyage et entretien des documents et d'usage des appareils de mesure des conditions climatiques (thermo-hygromètres). Cette familiarité avec le livre est particulièrement importante pour les personnels de service qui sont amenés, de par leurs tâches, à manipuler fréquemment les volumes, qui voient leur dégradation, qui par leur présence dans les magasins peuvent remarquer toute anomalie dans les conditions de conservation de la collection. On voit ici toute la nécessité d'une formation à la maintenance des ouvrages.
Les stages à destination des conservateurs et des bibliothécaires adjoints sont encore peu développés : l'option retenue est, à côté de stages de sensibilisation, l'organisation de cessions sur des sujets spécifiques tels que la désinfection (stage prévu pour la fin 1991).
Très peu de bibliothèques en France possèdent un atelier de restauration où sont employés des restaurateurs spécialistes : outre la Bibliothèque nationale, on peut citer la bibliothèque municipale de Toulouse, la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg et quelques bibliothèques universitaires. Le statut des restaurateurs spécialistes actuellement en vigueur prévoit l'accession au corps sur concours pour les personnels ayant cinq ans d'ancienneté dans un atelier de restauration relevant de l'Etat. La majorité des ouvriers relieurs de la fonction publique se trouvant à la BN, celle-ci s'est trouvée de facto centre de préparation au concours de restaurateur spécialiste d'autant qu'il n'existe pas en France d'écoles formant à la restauration de reliures (les seules formations en matière de restauration de documents graphiques sont la maîtrise de sciences et techniques à l'université de Paris 1 qui a une spécialisation "papier" mais rien en reliure et l'Institut français de restauration des oeuvres d'art - IFROA - qui s'intéresse exclusivement aux documents en feuilles). Par ailleurs, la masse des collections à traiter et la valeur des documents restaurés a imposé une formation et une remise à niveau constante des ateliers. Depuis plusieurs années, des cours sont ainsi organisés principalement en chimie et en histoire du livre.
Des changements se préparent dans la profession de restaurateur spécialiste puisqu'un nouveau statut dit "des métiers d'art" qui comprendra les restaurateurs de documents graphiques est en cours d'élaboration au Ministère de la Culture. Les modes de recrutement, de ce fait, vont évoluer. De son côté, le Ministère de l'Education nationale travaille à un brevet des arts de la reliure, premier diplôme de niveau secondaire dans le domaine de la reliure (jusqu'à présent n'existait qu'un CAP). Ces évolutions statutaires qui viennent s'ajouter aux avancées techniques de la profession contraignent à revoir en profondeur les programmes mis en place jusqu'à présent à la Bibliothèque. Il devient de plus en plus nécessaire de familiariser les restaurateurs avec de nouvelles méthodes de travail, en particulier avec la recherche de documentation et d'informations et avec l'expression écrite, seul moyen pour eux de valoriser leur savoir.
Grâce à l'augmentation du budget de la formation continue, quelques initiatives ont déjà pu être prises, notamment la participation de restaurateurs à des cessions de formation organisées à l'étranger ou dans d'autres établissements : c'est ainsi qu'en 1990, un agent de la BN a participé à un stage international de deux mois mis sur pied par l'UNESCO à Venise. Parallèlement, la Direction technique de la BN travaille à l'élaboration d'un programme de formation pluriannuel des ateliers : des enquêtes auprès des personnels tentent de définir avec la plus grande précision les matières à privilégier et les méthodes pédagogiques les plus adaptées.
Tous les efforts menés pour l'amélioration de la profession de restaurateur n'auront de sens que si parallèlement on sensibilise les bibliothécaires à la question de la restauration : le gestionnaire de la collection doit connaître le livre en tant qu'objet afin de pouvoir dialoguer avec le restaurateur, juger de ses choix et apprécier ses travaux. Le Conseil national scientifique du patrimoine des bibliothèques publiques a patronné la rédaction d'un manuel de restauration à l'usage des bibliothécaires ; cet ouvrage ne présente pas les techniques de restauration mais est destiné à aider à la mise en place au sein d'un établissement d'un plan de remise en état des documents. Sa parution est prévue pour la fin 1991.
Pour des raisons administratives, les stages organisés par la BN sont ouverts au seul personnel de l'Etablissement. Des procédures sont à l'étude pour ouvrir ces cessions à des agents de bibliothèques municipales ou de bibliothèques universitaires dans la limite des places disponibles. En revanche, la BN peut mettre son expérience et ses structures d'accueil au service des autres bibliothèques. C'est ainsi que les Ateliers de restauration accueillent régulièrement des relieurs ou des encadreurs relevant de la Fonction Publique d'Etat ou territoriale. Il a été décidé de ne pas accepter en formation des restaurateurs privés : ne pouvant accéder aux nombreuses demandes qu'elle reçoit, la BN ne peut pas privilégier tel atelier plutôt que tel autre et fausser de cette manière les règles de la concurrence. Par ailleurs, des stages "clef en main" sont organisés pour d'autres administrations, le plus souvent au Centre de conservation de Sablé dans la Sarthe.
Enfin, la BN joue un rôle dans la formation des bibliothécaires et des restaurateurs au niveau international. Outre les stagiaires étrangers reçus dans les ateliers de restauration à la demande d'organismes publics ou de l'UNESCO, le château de Sablé est le siège du programme PAC pour l'Europe de l'Ouest, le Proche et Moyen Orient et l'Afrique francophone. Créé en 1984 au sein de l'IFLA, le programme "Preservation and conservation" (PAC) a pour mission d'aider au développement et à la diffusion de techniques permettant de lutter contre la détérioration des documents de bibliothèque. L'un des points forts du programme est la circulation des informations et la mise sur pied d'actions de formation. La direction PAC est installée à la Bibliothèque du Congrès de Washington et les actions à l'échelon local sont menées par des centres régionaux (Leipzig, Caracas, Tokyo...). C'est dans ce cadre que le centre de Sablé reçoit des stagiaires venant pour la plupart des bibliothèques nationales du Maroc, d'Algé-rie et de Tunisie.