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    Intervention d'Evelyne Pisier (extraits)

    Par Evelyne Pisier, Directeur du livre et de la lecture

    La Direction du livre et de la lecture inscrit son action dans un paysage en constante évolution.

    Ainsi dans le domaine du patrimoine, je veux signaler deux éléments qui connaissent, en 1991, un essor particulier.

    Le premier est la déconcentration progressive des activités patrimoniales. Cette volonté se traduit par la création de postes d'une nature nouvelle : des conseillers patrimoniaux, affectés dans les DRAC, pour accompagner l'intérêt croissant des élus pour le patrimoine. Ils ont pour mission prioritaire d'établir un état des fonds anciens et de leur conservation. Les premiers résultats de leur travail seront un inventaire des fonds et la mise en place de plans régionaux de sauvegarde, adaptés aux problèmes spécifiques constatés sur place, et dont l'exécution sera négociée avec les collectivités locales. L'objectif à long terme est évidemment d'identifier et de rendre accessible au public, dans des conditions qui ne portent pas préjudice à leur intégrité, l'ensemble des fonds anciens qui constituent le patrimoine documentaire national.

    Le deuxième est la qualité remarquable des documents qu'il nous a été possible d'acheter ces derniers mois au bénéfice des bibliothèques municipales et qui viendront accroître le prestige des collections publiques. Le Ministère de la Culture attache beaucoup d'importance à la poursuite de cette politique, qui rencontre auprès des professionnels et des élus un accueil très favorable, et que le dispositif des FRAB, déjà opérationnel dans trois régions, doit progressivement développer au cours des prochaines années.

    (Mme Pisier a ensuite évoqué l'état d'avancement des travaux de la Bibliothèque de France et les chantiers entrepris pour préparer la "métamorphose" de la Bibliothèque Nationale : rétroconversion des catalogues, récolement des collections, accès en ligne de la base BN-Opale...)

    Le Réseau

    Autre grand chantier : le Catalogue collectif de France. Là aussi l'ambition est très haute : il nous faut un outil national pour la recherche permettant la localisation des ressources documentaires et débouchant sur leur fourniture.

    Cet outil doit commencer à fonctionner à l'ouverture de la Bibliothèque de France, et celle-ci a été chargée de le préparer. Il faut que, dès 1995, il soit riche : le Ministère de la Culture s'emploie à l'alimenter par la rétroconversion des catalogues de la B.N. et celle des notices de fonds anciens des bibliothèques municipales les mieux dotées. Total escompté : 6 + 2 = 8 millions de notices.

    Il reste à déterminer son organisation, le rôle des différents partenaires. Un comité de pilotage interministériel Culture/Education/Recherche va prendre des décisions. Nous souhaitons que les différentes politiques puissent s'harmoniser pour dessiner un dispositif qui permette à la fois d'utiliser au mieux les acquis incontestables de l'Education nationale en matière de catalogue collectif et de prêt, et de rendre le plus largement disponible l'apport des notices du Ministère de la Culture.

    L'articulation du travail en réseau est une nécessité, et aujourd'hui une possibilité technologique. La Bibliothèque de France a déjà précisé le profil de ces partenaires : des pôles locaux qui regrouperaient B.M, B.U et centres spécialisés. Pour notre part, nous serions favorables à ces coopérations territoriales que souhaitent, semble-t-il, un nombre croissant d'élus.

    Les plus grandes bibliothèques régionales doivent assurer vis-à-vis des autres bibliothèques le rôle de centre de ressources et prendre une part active dans la coopération régionale. Les bibliothèques centrales de prêt jouent ce rôle vis-à-vis des petites communes. L'action de la Direction du livre et de la lecture pour les bibliothèques est guidée par ce schéma.

    Il est donc nécessaire de trouver les moyens de la poursuite du développement en tenant compte de ces orientations. Nous réfléchissons actuellement à la transformation des procédures du concours particulier pour l'équipement : à la création d'un concours spécifique aux bibliothèques relevant des départements et d'une sous-enveloppe destinée à lancer un programme d'équipement et d'informatisation d'une dizaine de grandes bibliothèques en région. Avec ces bibliothèques et une douzaine d'autres, déjà équipées, nous comptons définir missions et services d'intérêt régional, pour établir un véritable réseau de Médiathèques régionales. Vous le voyez notre souci est de concevoir une politique des bibliothèques publiques qui tiennent compte des réalités et qui participe d'une cohérence globale en particulier autour des grands projets et en collaboration avec l'Education Nationale. C'est dans cet esprit que j'ai pris l'initiative de demander au Conseil supérieur des bibliothèques de travailler à l'élaboration d'une charte sur les bibliothèques qui puisse servir de base aux négociations à mener avec les élus et les autorités responsables à un titre quelconque de bibliothèques. Ce texte établira des principes essentiels dont le premier sera le droit des utilisateurs à l'information.

    La Formation des bibliothécaires

    Une période s'achève où cette formation a pu progresser de façon harmonieuse, se développer dans ses contenus et dans ses méthodes et se consolider dans ses structures. Toutefois, la réforme du CAFB mise en place en 1989 a dû rester en retrait de l'objectif pourtant avoué de revaloriser le niveau officiel de ce diplôme et d'intégrer sa préparation dans l'Université.

    Une nouvelle période va s'ouvrir avec l'application des statuts de la filière culturelle territoriale. Je n'ignore pas les interrogations et les inquiétudes, qui sont nombreuses : les changements qu'apportent ces nouveaux textes pris en application du cadre législatif défini par la loi de 1984 sont importants. Rappelons les acquis de ce statut général.

    Le principe de parité avec la fonction publique d'Etat : parité dans la définition, le recrutement, la formation entre corps d'Etat et cadres d'emplois territoriaux équivalents.

    Ce principe de parité a trois effets qui constituent un progrès considérable par rapport à la situation antérieure :

    • la revalorisation statutaire des personnels territoriaux ;
    • la possibilité d'une mobilité entre les deux fonctions publiques ;
    • la possibilité d'une mobilité entre des emplois relevant de collectivités territoriales différentes.

    Mais même si parmi vous, les territoriaux sont les plus nombreux, je n'oublie pas les autres, les conservateurs, bibliothécaires-adjoints et magasiniers d'Etat. Leurs nouveaux statuts vont prochainement paraître, permettant notamment une amélioration très significative pour les actuels bibliothécaires-adjoints. Quant aux conservateurs, la revalorisation de leur statut sur le modèle de celui des conservateurs du Patrimoine sera bientôt effective et très importante. Ce qui n'est qu'un juste retour des choses, au début de ce siècle les conservateurs de musées demandaient un alignement sur les conservateurs de bibliothèques. Ce que nous pouvons dire aujourd'hui sur ces nouveaux textes, et en particuliers sur le volet "Formation" qui nous occupe ici, n'est plus tout à fait de l'ordre de la fiction, pas encore de celui de la réalité. Nous sommes dans un temps qui permet l'émergence de projets tenant compte de ces nouvelles conditions.

    Jusqu'à présent, la formation a été l'affaire des professionnels : organisée, gérée, et dispensée par eux. Et si cette formation a fait ses preuves, on en connaissait pourtant les limites résultant essentiellement du manque de moyens.

    La mise en place des centres régionaux rénovés a constitué une étape importante. Dotée de moyens sans précédent, gérée par des personnels affectés aux centres, devenant donc des formateurs professionnels, la formation des bibliothécaires a évolué de façon considérable et s'est ouverte à l'intervention d'universitaires et de professionnels du livre.

    Cette évolution va évidemment de pair avec l'importance croissante accordée par les employeurs, et en particulier les collectivités territoriales à la formation, comme élément de la gestion des ressources humaines.

    L'implication croissante des employeurs dans la formation est donc la conséquence directe d'une évolution faisant de la formation une activité :

    • exigeant des moyens financiers ;
    • stratégique pour l'employeur ;
    • prise en charge par des professionnels de la formation ;
    • reconnue comme un droit de l'agent.

    C'est cette évolution que reflètent les statuts territoriaux, et à laquelle ils essaient de répondre par :

    • le principe de la formation initiale d'application pour les catégories A et B ;
    • le principe de la formation continue pour tout agent ;
    • la prise en charge de la rémunération, pendant la formation, par l'employeur ;
    • l'organisation et la prise en charge des coûts de la formation par le CNFPT qui est une émanation des collectivités territoriales.

    L'application de ces principes ne va pas sans poser des problèmes, et des aménagements seront sans doute nécessaires.

    Mais la principale difficulté est l'ajustement entre le dispositif de formation existant et les nouveaux dispositifs prévus par la loi et les statuts particuliers.

    Certes la formation actuelle a fait ses preuves ; elle est d'une excellente qualité technique et la réforme de 1989 l'a encore améliorée. Mais elle a aussi quelques faiblesses : la connaissance de l'environnement professionnel, c'est-à-dire du fonctionnement des collectivités territoriales est peu poussée, de même que la connaissance des autres services culturels d'une collectivité. C'est pourtant une des compétences indispensables à acquérir.

    Mais, inversement, je dirai aux employeurs et au CNFPT : certes cette connaissance de l'environnement professionnel, cette capacité à dialoguer est capitale et doit être développée, mais la formation technique, verticale, pourrait-on dire par rapport à cette formation horizontale ne l'est pas moins.

    Sachons donc réunir nos compétences et nous associer pour parfaire ces deux types de formation.

    J'ai évoqué essentiellement les problèmes qui vont se poser aux centres régionaux. Je précise que l'ENSB sera chargée de la formation des conservateurs territoriaux et que nous comptons sur elle pour poursuivre dans une voie où elle est déjà engagée (élèves associés, recrutés par des collectivités territoriales, formation continue diplô-mante...).

    J'encourage votre association, dont le diplôme de formation élémentaire va être homologué, à poursuivre ses efforts pour le maintien et le développement d'une formation professionnelle de qualité.

    Un autre aspect mérite également une réflexion approfondie : il s'agit de la formation continue.

    Le principe de la formation continue a été réaffirmé dans la circulaire de Michel Rocard du 23 février 1989.

    Celle-ci rappelle le rôle privilégié de la formation continue pour la valorisation professionnelle des agents, et surtout pour l'adaptation de leurs qualifications aux évolutions des missions et des métiers.

    Dans un paysage bibliothéconomique en pleine mutation depuis une dizaine d'années, avec l'informatisation, l'émergence de technologies nouvelles, l'élargissement du champ d'activité et des compétences des bibliothécaires, et aussi la prise de conscience de la diversité des publics à satisfaire, on a pu constater une croissance spectaculaire des demandes de stages, de journées de formation, un peu tout azimut... mais on a vu émerger aussi un foisonnement de partenaires de formation.

    Parmi ceux-ci, on relève aussi bien les partenaires "obligés" que les partenaires "offrants " ou "prestataires". Les partenaires que je qualifie "d'obligés" sont ceux qui sont liés de par leur statut à une obligation de formation et c'est le cas du CNFPT, de la Direction du livre et de la lecture, de la DPES... Les partenaires "prestataires" quant à eux proposent leurs services, soit dans la continuation de leurs missions premières, et c'est le cas des Centres régionaux de formation ou de l'ENSB, soit dans le cadre d'une politique de coopération, pour répondre à la demande pressante des bibliothèques. Dans cette dernière catégorie, on trouve les Associations de coopération, le Centre national de coopération des bibliothèques publiques...

    Tous, nous oeuvrons pour satisfaire les besoins des personnels, mais alors que la formation continue tend à se structurer, que se définissent des objectifs qui orientent le plan de formation en fonction des besoins des services et non plus seulement de ceux des agents, qu'on note un souci croissant d'évaluation des formations, il devient important de se concerter et que chaque acteur clarifie ses responsabilités premières et ses avantages spécifiques.

    En ce qui concerne la Direction du livre et de la lecture, deux facteurs vont entraîner une restructuration nécessaire :

    • la baisse des effectifs des personnels d'Etat dans les B.C.P. avec l'exercice du droit d'option, et la baisse corrélative de ce budget.
    • le renforcement nécessaire de l'échelon régional ou interrégional amorcé avec la nomination de responsables inter-régionaux de formation dans les DRAC.

    Il nous appartiendra de mieux identifier la formation continue des personnels d'Etat. Elle est pour nous une obligation légale mais aussi un élément de notre politique de gestion des ressources humaines. Elle doit être cohérente avec le sens que nous donnons aux mises à disposition de conservateurs dans des établissements relevant de collectivités locales. Or, ce sens évolue avec la loi du 28 novembre 90. Désormais, à tous les niveaux, le droit commun c'est la présence de bibliothécaires territoriaux. Les conservateurs d'Etat seront mis à disposition dans des conditions plus précises, sur profils, sur projets, pour incarner le soutien délibéré de l'Etat à une politique locale ou à des services qui vont au-delà de l'utilité locale. Pour des personnels moins nombreux, la formation continue pourra être plus personnalisée, mais aussi mieux adaptée à la définition de leur rôle qui sera celui de faire le lien entre le national et le local.

    Je ne méconnais pas pour autant l'importance et la diversité des besoins en formation continue de tous les autres bibliothécaires, qu'ils exercent en collectivités locales ou dans d'autres ministères, et l'une des priorités de la Direction du livre et de la lecture est de réfléchir à une évolution du CNFPT pour répondre à ces besoins.

    Mon espoir est que toutes ces évolutions majeures : l'apparition d'un établissement-phare, le lancement de ces grands programmes de mise en valeur de nos ressources documentaires, le regain d'intérêt pour la lecture, la multiplication des réseaux, la valorisation des statuts et de la formation, soient saisies comme autant de chances par les bibliothécaires.