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    Les métiers de la librairie

    Par Philippe Gintrand, directeur du Centre de formation de commerciaux en librairie Epemay

    E 1préalable, je tiens à situer mon intervention dans le cadre d'un témoignage. Je ne suis pas libraire mais un professionnel de la formation.

    Avec mes collègues, nous recherchons l'équilibre entre la demande très diversifiée de la profession et le concept de librairie que l'on veut défendre. Nous sommes confrontés à des choix pour déterminer une orientation et définir un programme d'enseignement. La formation est bien l'outil d'une politique d'entreprise et les responsables du Centre de formation d'Epernay ont décidé de défendre le concept d'une librairie avec un fonds assez important permettant un véritable choix, et où le libraire, soucieux de sa gestion, serait en mesure de proposer un service dans toute sa dimension commerciale et culturelle.

    Nous proposons donc un programme qui tient compte de cette double approche, avec des enseignements thématiques, découverte des rayons et une connaissance des moyens commerciaux disponibles en librairie. Nous choisissons des stagiaires ayant suffisamment de balises culturelles pour être réellement motivés par le monde du livre (niveau BAC ou BAC + 2) et ayant des aptitudes commerciales.

    Le diplôme CFCL est en cours d'homologation BAC + 2. L'intégration professionnelle est satisfaisante, puisque nous sommes amenés à refuser des propositions d'emploi.

    Les autres possibilités de formation dans la librairie sont :

    • L'ASFODELP : émanation de différents organismes professionnels, cette association doit répondre à des besoins très divers et a donc des difficultés à les satisfaire tous correctement. Deux diplômes sont préparés : le CAP de librairie-papeterie-presse et le Brevet professionnel de librairie. L'ASFODELP propose aussi des stages de formation continue de deux ou trois jours sur des points spécifiques.
    • L'Institut de promotion commerciale de Lyon (IPC) : la formation dure un an avec une approche particulièrement commerciale de la librairie.
    • LTUT de Bordeaux : (formation en deux ans). Dans le cadre d'une filière du département des carrières de l'information et de la communication, cet IUT avait la particularité jusqu'à l'année dernière de proposer aussi une formation de bibliothécaires. Il est évident qu'une telle opportunité a dû faciliter une approche interprofessionnelle entre futurs bibliothécaires et futurs libraires.
    • L'IUT de Créteil : nouveauté de l'année, cet IUT propose, dans le cadre d'un contrat de qualification, une formation spécifique à la FNAC. Cette formation est organisée par le département de techniques de commercialisation, qui n'est donc pas de même nature que celui de Bordeaux.
    • L'Université de Mulhouse propose une option librairie à la licence ès lettres. C'est une formation sur un trimestre.

    Voilà donc rapidement dressé le panorama des formations spécialisées en librairie, c'est insuffisant dans un secteur en pleine mutation où la formation n'est pas encore le juste reflet de la diversité de la demande.

    Devant les difficultés connues de l'ASFODELP, certains parlent d'un Institut national aux métiers du livre avec une coordination ASFORED (pour l'édition), ASFODELP (pour la librairie). Pour avoir essayé de travailler avec l'ASFODELP, je pense que ce qui contribue à scléroser la formation dans ce secteur en évolution est la difficulté à admettre le pluralisme. Il est important que les structures de formation puissent agir avec des objectifs différents et il faudra réaliser rapidement combien est vitale cette diversité.

    Je ne voudrais pas vous ennuyer avec des propos qui peuvent sembler spécifiques à la librairie mais ces différentes questions ne me semblent pas étrangères aux difficultés rencontrées dans les échanges interprofessionnels. On parle de divergences et de convergences. Peut-être par excès d'optimisme, j'ai plutôt tendance à percevoir de nombreuses convergences.

    Tout d'abord : les libraires et les bibliothécaires ne sont-ils pas des prescripteurs de lecture ?

    Une étude réalisée par l'Institut national de la recherche pédagogique révèle qu'ils ont la même influence. Sur 1914 enfants et adolescents interrogés : 7% sont influencés par les libraires contre 8% par les bibliothécaires. Ensuite, les libraires et bibliothécaires ne doivent-ils pas avoir une même connaissance du monde éditorial?

    Les librairies et les bibliothèques peuvent être tous deux de véritables lieux d'échanges culturels, espaces de vie en faveur de la lecture. Ceci étant, il faut avouer que deux structures qui n'ont pas les mêmes objectifs, la même politique peuvent avoir des difficultés à agir ensemble.

    Si un libraire conçoit son rôle uniquement sur le plan commercial, il ne participera pas activement à l'animation culturelle de sa ville. De même qu'un bibliothécaire qui ne pense qu'à son rôle de conservateur peut avoir des difficultés à travailler en synergie avec un libraire qui serait soucieux de sa vocation culturelle. J'allais oublier un préjugé tenace relatif à l'aspect commercial de la librairie.

    Je rappelerai juste une chose : le bénéfice net des libraires ne dépasse pas 4% du C.A. Ne nous étonnons pas si les fast-foods prennent la place des librairies dans les centres-villes. La formation peut être une réponse à cette indispensable et urgente connection interprofessionnelle. Il est possible et souhaitable que les bibliothécaires et les libraires se perfectionnent ensemble, organisent des sessions communes de formation sur la connaissance thématique des rayons, la communication, l'économie du livre...Les thèmes, quant à eux, ne manquent pas, les différences structurelles sont un faux problème. Et, nous avons un même combat à mener en faveur de la lecture.