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    Fonction publique et formation professionnelle

    Par Marcel Piquemal, professeur Université de Bourgogne

    La formation professionnelle est-elle différente pour la Fonction Publique de celle des autres travailleurs ?

    Oui et non. Oui, dans la mesure où l'on doit retenir la spécificité de la Fonction Publique de l'Etat, de la Fonction publique territoriale et de la Fonction Publique hospitalière, d'abord par rapport au secteur privé, ensuite entre elles. Non, si l'on admet que la formation professionnelle est, pour tous les travailleurs, conditionnée par la finalité de leur métier.

    Mais pour répondre en connaissance de cause aux questions posées, force est de mieux connaître le monde de la Fonction Publique, car, et l'observation est importante, sinon fondamentale, dans une négociation, par exemple statutaire, faut-il avoir en face les interlocuteurs compétents ; or, en ce domaine, l'observateur extérieur peut se demander si les discussions avec les ministères de la Culture et de l'Education nationale (autorités de tutelle) ne sont pas, en fait occultées par certains secteurs de la Fonction Publique ou du budget...

    Ces difficultés inhérentes à toute négociation, car il existe des secteurs administratifs amoureux du pouvoir technocratique, ne doivent pas être une cause d'abandon et de déception, mais au contraire une source de travail dans la mesure où l'on défend une cause que l'on estime juste.

    La situation statutaire, garantie essentielle

    Le statut général et les statuts particuliers, traduction de la situation juridique des fonctionnaires constituent le résultat d'une longue évolution historique de la Fonction Publique française. Il en fût déjà question dans d'autres débats de l'ABF. Inutile de rappeler leurs caractères.

    Mais dans le grand brassage de ce monde, dont celui des bibliothèques reçoit peut-être plus que d'autres, les lames de fond parce qu'il est écartelé entre la Fonction Publique de l'Etat et la Fonction Publique territoriale, (si l'on excepte le secteur privé) il est bon de rappeler quelques notions de fond.

    Agents publics nous sommes, agents publics nous devons demeurer, car nos missions d'intérêt général, pour tous les citoyens, nous confèrent un rôle unique. Cela signifie que la tradition administrative qui est la nôtre demeure fidèle au statut. Le principe en est connu.

    Mais, dans la discussion, on s'égare. Il est de bon ton, souvent, de vilipender la rigidité des statuts. Faux, ils sont malléables à merci. Ce n'est que la gestion technocratique, soucieuse de ne rien toucher à ses pouvoirs, qui peut le faire croire, aussi serait-il vain de rechercher ailleurs des solutions idéales. Car il faut savoir qu'il n'y a pas le paradis du secteur privé, plus que l'enfer du secteur public, ou inversement.

    Ce que l'on doit changer, c'est la loi de nature, c'est le contenu des statuts. Il faut tenir compte des métiers, des filières que les technologies nouvelles favorisent, des relations hiérarchiques nouvelles, des méthodes modernes de gestion. Tout cela ne remet en rien en cause les fondements traditionnels des statuts.

    Comment en effet, prévoir des normes d'avancement, offrant les garanties de règles générales en dehors des règles administratives ? De même, pour les rémunérations, les recrutements, les obligations, bref, tout ce qui fait l'ensemble de la vie administrative ? Cela s'appelle la carrière. Or, il faut savoir que les grandes entreprises adoptent des règles identiques. Ce rapprochement n'est pas le fait du hasard, mais plus simplement le constat de la nécessité de cheminements similaires. Que l'on discute d'un statut de bibliothécaire adjoint ou d'une convention collective le concernant, le problème est le même. Il faut le savoir pour l'Europe qui se construit. Alors pourquoi changer ? Ce qu'il faut changer dans nos mentalités et dans nos concepts, c'est la notion de grade qui peut trotter dans nos têtes. Incontestablement, le grade est lié à l'emploi. Mais il reste à savoir s'il s'agit du tandem emploi-grade ou du tandem grade-emploi. La valeur et le contenu des statuts particuliers sont à ce prix.

    Partons de définitions : l'emploi est entre autres qualifications, l'affectation d'un agent à un poste de travail ; le grade est le titre juridique donnant vocation à remplir un ou plusieurs emplois de nature similaire. Lier le grade à l'emploi, c'est fonctionnaliser le grade, donc conditionner son existence, et par conséquent l'avancement, à l'existence de cet emploi. Accepter l'existence du grade précédant l'existence de l'emploi ou indépendamment de son existence, revient à envisager des normes de progression régulières non liées au pyramidage des postes. Cette dernière règle a été la dominante du droit français.

    Sans doute faut-il lier l'accès au grade à nombre de conditions dont l'existence évolue en fonction des données sociales, économiques, technologiques, car la connaissance du management ne doit pas être un vain mot. Mais tout cela ne peut conduire à accepter une fonctionnalisation du grade, et la distinction grade-emploi doit être maintenue comme une règle statutaire fondamentale.

    Sur ce point le plus sage est de considérer que la situation statutaire, même si cela doit prendre en compte nombre de modifications indispensables demeure la garantie essentielle des agents publics. Cela étant, que devient la formation professionnelle ?

    La liaison statut-formation

    Sous le vocable formation professionnelle se profilent, on le sait, plusieurs types de formation : initiale, post-recrutement et, par certains côtés, permanente. Ces points communs à toutes demeurent cependant les liens avec le statut.

    Une formation professionnelle adaptée doit certes préparer à l'emploi. Mais si l'emploi est lié au statut ou plus exactement en dépend, cette formation est alors conditionnée par le grade de l'agent, tant sur le plan juridique que sur celui du contenu. Dans le monde aussi complexe, sans doute est-il de mise d'être prudent. Mais le maintien des critères et des diplômes universitaires demeure essentiel ; rien ne se fera de valable sans l'apport de tous, d'autant qu'avec la création des équivalences de diplômes sur le plan européen, le renforcement des relations entre la Fonction Publique et l'Université s'avère indispensable.

    Tout finalement, tourne autour du statut. Même, de manière primaire, il apparaissait indispensable de le dire. Voilà qui est fait.