M.-R. Cazabon (responsable de la formation des catalogueurs de l'Etablissement Public de la Bibliothèque de France - EPBF) et P. Le Pape (du réseau Nadal) ont tous les deux participé dans les années 1980 à l'administration de LIBRA, réseau bibliographique national aujourd'hui disparu, mais par qui UNIMARC a été introduit en France. Ils ont, à ce titre, initié de nombreux bibliothécaires à l'utilisation de ce format. M.-R. Cazabon a d'autre part été associée en 1991 à la traduction de ï UNIMARC Manual pour la fourniture et la relecture des exemples propres à cette traduction. De son côté P. Le Pape assure régulièrement des stages de catalogage en UNIMARC dans le cadre de l'association ariègeoise, "Equinoxe". Les deux manuels UNIMARC, publiés cet été, sont donc chacun le fruit d'une solide expérience pédagogique.
UNIMARC (UNIversal MAchine Readable Cataloguing) est présenté, dans les deux ouvrages, comme étant avant tout un format d'échange d'informations bibliographiques entre des établissements utilisant des formats de saisie de type MARC. Mais, sans doute à cause de son vif intérêt pour les travaux internationaux de l'IFLA, M.-R. Cazabon insiste sur la génèse internationale ci' UNlMARC, n'hésitant pas à rappeler les grandes étapes qui, à partir des années 1960, ont préparé sa naissance en 1977 : apparition des premiers formats bibliographiques aux USA et au Royaume-Uni ; élaboration de la norme ISO 2709 définissant la disposition des données sur bande magnétique pour l'échange d'informations bibliographiques ; mise au point des ISBD par l'IFLA ; développement des formats MARC nationaux dont le côté quelque peu anarchique est judicieusement exprimé par le titre du chapitre "BABELMARC". Est ensuite évoquée la mise au point, sous l'égide de l'IFLA, d'un UNIMARC Manual dont la dernière édition en 1987, a fait l'objet d'une traduction française en 1991 : le Manuel UNIMARC. Malgré le titre, il s'agit là du texte du format stricto sensu, émaillé d'exemples toujours tronqués, et en aucun cas d'un outil pédagogique comparable aux manuels faisant l'objet de cette analyse.
Est-il compatible de reconnaître en UNIMARC un format d'échange et de proposer aux collègues français un manuel de catalogage visant à les initier à la création de notices bibliographiques en UNIMARC? Si M.-R. Cazabon n'hésite pas à intituler un paragraphe "INTERMARC : format français" parce que c'est le format de saisie de la Bibliothèque Nationale, P. Le Pape explique comment le Ministère de la culture a fait le succès d' UNIMARC en France. Certes le Schéma directeur de l'information bibliographique reconnaît à la BN le rôle de fournisseur officiel de l'information bibliographique française, et condamne par là le premier réseau national en UNIMARC, LIBRA. Mais il impose aussi à la BN de convertir ses produits bibliographiques en UNIMARC pour les diffuser aux bibliothèques françaises. M.R. Cazabon reconnaît dans son "Etat des lieux en France" que le choix d' UNIMARC comme format du PANCATALOGUE, du CD-ROM de la bibliographie nationale, du Serveur bibliographique national, etc, justifie son propos qui est "de familiariser les professionnels, bibliothécaires et informaticiens, à l'analyse des notices en format UNIMARC et d'insister sur ce que l'on doit obligatoirement y trouver". P. Le Pape mentionne comment les Directions régionales des affaires culturelles incitent les bibliothèques de leur ressort à se conformer aux recommandations ministérielles dans le choix de leur format bibliographique et comment les fabricants de logiciels, obligés de prévoir l'importation et l'exportation de notices en UNIMARC ont été amenés à proposer la saisie des données en UNIMARC. Alors, "Cataloguer en UNIMARC ? Pourquoi pas ?" interroge P. Le Pape, qui écrit par ailleurs : "Pourquoi exiger de l' UNLMARC (en dehors du fait que c'est la mode) ? On ne sait pas toujours très bien ..."
Avant d'analyser ce qui fait l'originalité de chacun des 2 manuels publiés aujourd'hui, il faut souligner leurs points communs : ils incitent tous les deux leurs lecteurs à se reporter au Manuel UNLMARC auquel ils ne prétendent nullement se substituer ; ils se limitent au traitement des monographies et des publications en série imprimées ; ils informent sur ce que l'on peut attendre, ou craindre, du logiciel appliqué à UNLMARC dans un système donné, et notamment sur la difficulté de gérer les zones imbriquées, une des particularités de ce format ; ils "dénoncent" l'un et l'autre les différences entre Y" UNIMARC international" et Y" UNLMARC W ; ils s'appuyent chacun sur des exemples tronqués et sur un jeu d'une trentaine d'exemples complets où les choix de catalogage font l'objet de commentaires détaillés.
C'est dans leur approche pédagogique du format que les deux manuels diffèrent le plus. Tous les deux partent de la structure des ISBD(M) et (S), supposée connue, pour présenter celle â' UNIMARC, mais l'un respecte l'ordre des informations prescrit par le format et l'autre celui prescrit par les ISBD. M.-R. Cazabon suit, en gros, la progression du Manuel UNIMARC, dont elle facilite ainsi la lecture en parallèle, et commence l'apprentissage par le Label de notice, les blocs des numéros d'identification, des informations codées et des liens avec d'autres notices, c'est-à-dire par des données propres à UNIMARC et difficiles à appréhender pour un débutant. P. Le Pape commence l'initiation par la zone du titre et de la mention de responsabilité, première zone de l'ISBD familière à tout catalogueur, et termine par là où sa collègue a commencé. La boucle est bouclée dans les deux cas, à chacun de choisir la progression qui lui convient.
Sur un plan plus formel l'analyse des deux ouvrages appelle encore quelques remarques. M.R. Cazabon numérote subtilement ses exemples complets par la zone 001 d' UNIMARC, ce qui risque de passer inaperçu... Elle n'introduit pas chaque exemple complet par une liste des difficultés qu'il est censé illustrer, sans doute pour ne pas gâcher le plaisir du catalogueur ravi de les déceler tout seul, d'autant plus qu'il peut partir directement des pages de titre reproduites sans passer obligatoirement par la notice ISBD qui lui mâche en partie le travail. P. Le Pape fait les choix inverses et complète son manuel d'un index alphabétique qui en facilite la consultation.
Des erreurs ? La préparation de manuels tels que ceux-ci nécessite une telle minutie que l'on trouve fatalement des erreurs typographiques (un code mis pour un autre) ou des omissions (disparition d'un code de sous-zone) qui, hélas, risquent de dérouter les débutants. C'est gênant mais moins grave que de constater des erreurs de compréhension du format ou des normes. Ainsi M.-R. Cazabon fait, semble-t-il, un usage abusif du caractère de remplissage dans la zone 100 et commet une erreur à propos du ($f =) dans sa présentation des titres et mentions de responsabilité parallèles. P. Le Pape ne respecte pas le chapitre 2.1.3. de la norme NF Z 44 061 (auquel il fait pourtant référence) quand il aborde la struture des noms de personnes. Peut-être y en a-t-il d'autres, mais l'erreur est humaine et seul celui qui ne fait rien y échappe !
Il y aurait mille et une autres choses à dire sur ces deux manuels qui, on l'aura compris, ne se font pas concurrence puisque chacun correspond à une approche pédagogique originale. Il faut remercier les auteurs pour le travail accompli et les encourager à le poursuivre en consacrant un manuel au traitement des autres types de documents. Si une collaboration n'est pas envisageable, au moins peut-on souhaiter une répartition des tâches ? Simple suggestion.