Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓
    Par Alain Pecquet, BM de Saint-Quentin
    Michel Sineux, dir

    Musique en bibliothèques

    Les supports musicaux et la documentation musicale

    Ed. du Cercle de la Librairie, 1993 (Bibliothèques) - ISBN 2-7654-0514-X. Prix : 230 F

    La musique : un enjeu pour les bibliothèques. Nul ne pourra plus ignorer, après avoir lu cet ouvrage, avec quelle intensité la musique interpelle les bibliothécaires. Sous un titre paradoxal, semblant hésiter entre un fait constaté, une revendication, une interrogation, une exclamation, Michel Sineux et ses collaborateurs ont réussi à concilier les impératifs documentaires d'un manuel, dont les synthèses sont toutes remarquables, et la liberté des questionnements qui, au-delà de la spécificité de la musique, recoupent les enjeux actuels de notre profession.

    Pour exemple, le chapitre consacré à la législation de la propriété artistique, sous la forme très commode d'un répertoire alphabétique, donne clairement accès à un sujet que la revue Ecouter voir a abordé régulièrement depuis son numéro 2, de janvier 1990.

    Les "outils de la recherche discographique" sont une belle leçon de bibliographie, démontrant également l'attention portée hors de nos frontières aux collections patrimoniales. De même, il faut signaler un très bel historique de l'édition musicale. Les autres chapitres concernent tous les aspects techniques des discothèques en particulier la médiathèque musicale au quotidien, l'histoire des techniques du son, l'édition phonographique, la vidéo musicale...

    Rappelons que les discothécaires ont été parmi les premiers à sensibiliser le public sur les dangers que représente la copie pour l'édition phonographique, à donner priorité à l'écoute de la musique sur la qualité du support microsillon, enfin à poser, de manière certes très draconienne, une politique d'acquisition des documents sonores. Le temps est loin de la première édition du manuel du discothécaire, en 1971, qui préconisait de constituer un fonds de disques en réaction à l'offre du marché de l'édition phonographique (c'était aussi l'époque où certains producteurs déposaient un exemplaire de leurs éditions à la Discothèque de France). Cette fameuse pyramide inverse avait toutefois le mérite de poser clairement la discothèque comme "foyer de culture et lieu de découverte". On a depuis étendu cette mission de promotion, qu'il serait dommage de cantonner à un seul genre musical.

    Ce qui résiste à l'examen de la situation de la musique, soi-disant "mal-aimée" dans les bibliothèques publiques, c'est la place et les moyens qui lui sont accordés depuis près de vingt ans (12 à 15 % des crédits de documentation générale dans un cadre normal). Par ailleurs, l'argument d'une rotation moyenne des documents sonores plus importante que celle des livres doit être relativisé et mis en regard de la date de création et de l'importance des fonds.

    Si ces moyens sont aux yeux des musiciens insuffisants, ils sont loin d'être négligeables par rapport à d'autres domaines non moins importants. Moyens à juger à l'aune de ceux concédés par l'Education nationale. On attend encore le Jules Ferry de la musique alors que les enfants ne demandent qu'à chanter et que bien des adultes regrettent de ne pas avoir appris à lire et à pratiquer la musique. C'est surtout, à quelques exceptions près, dans les bibliothèques universitaires, où la carence est effarante, les conservatoires et les bibliothèques d'écoles que la musique semble la "mal-aimée" des bibliothécaires.

    Les auteurs, sans pour autant conclure, réfléchissent à toutes les possibilités d'instaurer des centres musicaux, en tenant compte des situations locales. N'est-ce pas en prenant appui sur toutes les discothèques de "terrain", dont beaucoup sont encore à implanter, qu'il serait possible de concevoir des centres musicaux travaillant en lien avec les conservatoires et rattachés aux bibliothèques à vocation régionale , à l'instar de la Discothèque des Halles, fruit d'une réflexion et d'une politique intelligentes mais reposant d'abord sur le réseau de discothèques des quartiers de la Ville de Paris qui ont effectué, en 1990, environ 80 % des prêts de phonogrammes.

    Il est vrai que dans nombre de bibliothèques, le support a imposé sa loi au détriment d'une véritable section musique et que rares sont encore les fonds de musique imprimée mis en place en collaboration avec les discothécaires.

    En définitive, les discothécaires ne sont plus les incompris que l'on croit, le support n'étant plus pour les bibliothécaires une étrangeté et la musique a bien sa place dans les bibliothèques publiques. Les conditions sont remplies pour une réflexion partagée sur la prise en compte des demandes en documentation musicale des usagers : la meilleure façon d'y répondre est d'interpeller toutes les institutions chargées de la promotion de la musique.