Index des revues

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    Conservation et coopération internationale

    Le programme PAC de l'IFLA

    Par Marie-Thérèse Varlamoff, dir Bibliothèque nationale de France

    Les directeurs de bibliothèques nationales réunis à Vienne en 1986 lancèrent un cri d'alarme concernant l'état des collections dans la plupart des institutions et ont décidé d'inscrire la conservation parmi leurs priorités. D'après des études récentes sur les quelque quatre milliards de documents conservés dans les BN et BU d'Europe, 25 °/o seraient menacés, voire incommunicables. La situation est identique dans tous les pays industrialisés. Elle est encore bien pire dans les pays en développement. Manque de moyens financiers et en personnel, diversité et nature même des documents, acidité du papier, émergence de nouveaux médias et rapide obsolescence des technologies et des équipements, notamment en matière de numérisation, expliquent en partie cette situation désastreuse : la méconnaissance ou le désintérêt pour ce qui était considéré jusqu'alors comme le domaine des spécialistes font que la conservation a trop longtemps été une préoccupation mineure dans les bibliothèques. L'IFLA (Fédération internationale des associations de bibliothèques et des bibliothécaires) a donc décidé de créer un programme spécifique : le Programme fondamental sur la conservation et la préservation (Core Programme on Preservation and Conservation), plus simplement appelé le PAC. Ce programme fonctionne en réseau, avec un centre international installé à la Bibliothèque nationale de France à Paris et six centres régionaux répartis à travers le monde.

    Le centre international impulse la politique générale du programme et coordonne les activités des centres régionaux. Il publie trois fois par an une revue International Preservation News en trois langues, (anglais, français, espagnol) distribuée gratuitement sur simple demande par le biais des centres régionaux, et vient de créer une collection International Préservation Issues dont le premier numéro IFLA Principles for the Care and Handling of Library Material est paru en 1998 avec le concours du Council on Library and Information Resources. La traduction en français est en cours.

    Les centres régionaux sont implantés à :

    • Paris, Bibliothèque nationale de France (pour l'Europe de l'Ouest, l'Afrique et le Moyen-Orient) ;
    • Washington, Bibliothèque du Congrès (pour les États-Unis et le Canada) ;
    • Caracas, Bibliothèque nationale du Venezuela (pour l'Amérique latine et les Caraïbes) ;
    • Tokyo, Bibliothèque de la Diète (pour l'Asie centrale et orientale) ;
    • Canberra, Bibliothèque nationale d'Australie (pour l'Océanie et l'Asie du Sud-Est) ;
    • Moscou, Bibliothèque des littératures étrangères (pour l'Europe de l'Est et la CEI).

    Chaque centre gère de façon autonome la politique de conservation la mieux appropriée aux spécificités de sa région, son bon fonctionnement reposant sur le dynamisme de son directeur et sur les liens ténus et multiples qu'il aura su tisser avec les différentes bibliothèques de sa région.

    Certains centres opèrent en étroite collaboration. C'est le cas par exemple du Centre de Washington qui a édité en espagnol et en anglais une charte sur les différents modes de conservation adaptés aux différents supports. Cette charte sera envoyée à plus de 3 000 bibliothèques d'Amérique latine.

    Le Centre de Caracas vient de terminer la réalisation d'un cédérom de plus de 3 000 photographies des XIXeet début du XXesiècles, représentant les faits marquants de l'histoire latino-américaine et des Caraïbes. Ce cédérom, produit en collaboration avec l'UNESCO, illustre les mutations de la société dans 25 pays du continent sud-américain.

    Le Centre de Paris a principalement étendu son activité sur le continent africain et participé à la création du JICPA (Comité mixte IFLA/CIA pour la préservation en Afrique). Dans ce cadre, il a organisé plusieurs ateliers de formation pour les restaurateurs ou les cadres instructeurs. Ces ateliers sont dispensés en anglais, français, arabe ou portugais suivant les pays concernés.

    Le Centre de Canberra poursuit une politique très active sur la préservation des documents numérisés. Son champ d'activité étant géographiquement étendu et très dispersé, il communique avec ses différents partenaires par le biais d'Internet, sur lequel il propose un cours de formation très complet.

    Le Centre de Tokyo organise chaque année des rencontres sur la conservation et effectue régulièrement des sondages sur l'utilisation du papier permanent.

    Ces deux derniers centres travaillent également sur la sauvegarde de médias spécifiques à leur région, comme les manuscrits sur feuilles de palmiers.

    Enfin le Centre de Moscou, créé fin 1997, s'est vu confier la lourde tâche d'organiser un réseau de spécialistes et de responsables à travers l'Europe de l'Est et l'ex-Union soviétique. Face à une situation très dégradée, sa préoccupation première a été de définir les besoins et les moyens d'intervention. La diffusion de l'information et des publications par le biais de traductions ainsi que l'organisation de rencontres ont été les points forts de ces premiers mois de fonctionnement.

    Mais l'activité du PAC ne se limite pas à ces initiatives locales et ciblées. Une politique plus large est menée par le Centre international avec l'aide de tous les centres régionaux. Partant du principe fondamental que l'union fait la force, le PAC s'associe le plus souvent possible à d'autres organisations internationales ou à d'autres instances de l'IFLA pour mener à bien des projets d'intérêt général. Il serait trop long d'établir la liste de ces collaborations. Nous en citerons donc seulement quelques-unes à titre d'exemples.

    En novembre 1997, après trois ans de campagne, de réunions et de discussions acharnées, la Conférence générale de l'UNESCO a enfin adopté une résolution sur l'utilisation du papier permanent pour les publications officielles de ses États membres. Il faut souhaiter que cette mesure soit suivie d'effet, ce qui résoudrait en partie, pour les générations futures, le problème crucial qu'a posé l'utilisation des papiers acides.

    Le PAC, le centre régional de Canberra en particulier, participe activement au programme de l'UNESCO « Mémoire du Monde » dont il a rédigé les principes directeurs et pour lequel il a réalisé diverses enquêtes.

    Avec le Conseil International des Archives, l'IFLA, par l'intermédiaire du PAC, a créé le JICPA (Comité Mixte IFLA/CIA pour la préservation en Afrique) pour mieux cerner les besoins en conservation et pour trouver des solutions réalistes compte tenu des spécificités des différentes régions du continent africain.

    Enfin, pour faire face aux trop nombreuses destructions de bibliothèques dues aux conflits armés ou aux catastrophes naturelles, l'IFLA s'est associée au CIA (Conseil international des archives), à l'ICOM (Conseil international des musées) et à l'ICOMOS (Conseil international des monuments et des sites) pour créer le Comité international du Bouclier Bleu (CIBB). Il est bien évident que le PAC ne pourra à lui seul prétendre prendre en charge la responsabilité de ce nouveau projet et qu'il devra obtenir l'adhésion de l'ensemble des bibliothèques qui, chacune à titre individuel, peuvent un jour se trouver confrontées à un désastre. Le rôle de ce comité international ne se limite pas à l'intervention en cas de crise mais se veut surtout préventif et consiste à établir des directives pour limiter autant que faire se peut les conséquences souvent dramatiques provoquées par les conflits ou les désastres.

    Au cours de l'année prochaine, le PAC organisera avec l'ECPA (European Commission on Preservation and Access) et la Bibliothèque royale des Pays-Bas une conférence européenne sur la gestion de la conservation. Le passage de la théorie à la pratique et les implications économiques des stratégies de conservation seront parmi les thèmes clefs. Le PAC prend également une part active à l'organisation du préséminaire sur la sauvegarde du patrimoine oral qui aura lieu à Bangkok en août 1999 avant le congrès de l'IFLA. Enfin, une collaboration UNESCO, PAC, UAP (Programme de l'IFLA sur l'accès universel aux publications) est en cours pour mener une enquête sur les grands programmes de numérisation dans le monde et les stratégies et recherches en cours pour sauvegarder les documents numérisés. Cette étude devrait permettre grâce aux liens Internet d'établir une liste des collections numérisées.

    Le PAC s'est également associé à la Mission pour la recherche et la technologie du ministère de la Culture et de la Communication pour produire en collaboration avec l'UNESCO et son programme « Mémoire du Monde » un cédérom déclinant les causes de dégradation des différents supports et les façons d'y remédier.

    Pour mener à bien ces différents projets le PAC, qui ne dispose d'aucunes ressources propres en dehors d'une aide de la BNF et de l'IFLA pour son fonctionnement administratif, doit rechercher des financements extérieurs. Son efficacité repose essentiellement sur sa visibilité et sur sa force à convaincre et à sensibiliser ses partenaires potentiels de l'importance qu'il y a à conserver les documents pour continuer à les communiquer. Mission essentielle des bibliothèques, la conservation est l'affaire de tous, des autorités gouvernementales jus-qu'aux lecteurs en passant par tous les acteurs de la chaîne du livre : éditeurs, imprimeurs, libraires et personnels des bibliothèques.