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Bibliothèques et bibliothécaires en Suisse

1999
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    Par Monique Lambert
    Robert Barth
    Gabi Schneider, Collab

    Bibliothèques et bibliothécaires en Suisse

    Cent ans d'association professionnelle, 1897-1997

    Berne : Association des bibliothèques et bibliothécaires suisses, 1997. 371 p.- ISBN 2-88108-470-2

    Fondée en 1897, l'Association des bibliothécaires suisses (ABS) est une des plus anciennes associations professionnelles européennes après celles de Grande-Bretagne (1877) et d'Autriche (1896). À l'occasion de son centième anniversaire en 1997, l'Association des bibliothèques et bibliothécaires suisses (BBS) a publié un ouvrage relatant, en allemand et en français, son histoire centenaire.

    C'est à Hermann Escher, alors directeur de la Stadtbibliothek de Zurich, que l'on doit l'idée de créer une association de bibliothécaires. Les débuts de l'ABS furent incontestablement alémaniques. Ce n'est qu'en 1904 que l'ABS fut invitée en Suisse romande (Neuchâtel) pour la première fois. La toute première assemblée organisée au Tessin (Locarno) se tint seulement en 1920.

    Au cours des premières décennies, la composition du Comité directeur de l'ABS démontrait clairement que les directeurs de bibliothèques universitaires étaient les véritables « meneurs » de l'association. Mais c'est aussi à eux que l'on doit d'importantes initiatives relatives aux bibliothèques de lecture publique : l'acte de fondation de la Bibliothèque pour tous de 1920 porte par exemple les signatures de trois universitaires directeurs de BU.

    C'est seulement en 1938 que les femmes furent représentées au Comité. Mais, après les élections de 1955, le Comité était de nouveau exclusivement masculin. Même en 1986, le Comité ne comportait qu'une seule et unique représentante féminine pour 14 hommes.

    Quant à la présidence de l'association, elle a généralement été alternativement francophone et germanophone. Aucun représentant de la Suisse italienne ou le la Suisse rhéto-romane n'a jusqu'ici occupé ce poste. Il a fallu attendre six décennies pour voir un directeur de bibliothèque d'études et de culture générale, et non un directeur de BU ou un représentant de la Bibliothèque nationale, à la tête de l'association. Ce n'est que lors de l'assemblée générale de 1996 qu'une femme, Marie-Claude Troehler, directeur de la bibliothèque municipale de Nyon, fut élue à la présidence.

    La domination des grandes bibliothèques à la direction de l'association avait des raisons pratiques, du moins jusqu'à ce que l'on eût engagé du personnel qualifié au secrétariat : étant donné l'inconsistance de la structure de l'ABS, seul un directeur ou un sous-directeur d'une grande bibliothèque, au mieux d'une bibliothèque de taille moyenne, pouvait assumer cette tâche qui nécessitait la collaboration d'un grand nombre de personnes.

    Pendant les premières années d'existence de l'ABS, les assemblées générales ne se tinrent pas chaque année. Elles constituaient avant tout une occasion de se rencontrer et d'échanger ses expériences avec des collègues d'autres parties du pays. En 1975, un membre proposa de combiner l'assemblée générale avec une journée de séminaire. En 1980, la manifestation statutaire se transforma en séance de travail. Depuis 1986, un nombre croissant d'exposants viennent proposer leurs produits dans le cadre des assemblées générales. Le nombre des participants a considérablement augmenté, passant de 17 en 1915, à 130 en 1950, et à près de 500 en 1990.

    La participation accrue des adhérents aux assemblées générales reflète l'évolution de l'effectif de l'ABS : 72 membres en 1912 (uniquement des hommes), 171 en 1936 (dont 33 femmes), 287 en 1950 (dont 92 femmes), 609 en 1971 (dont 321 femmes), 941 en 1983 (dont 651 femmes), 1 422 en 1992 (dont 950 femmes). C'est à peu près en 1970 que les femmes devinrent majoritaires au sein de l'ABS ; depuis les années 80, elles représentent même les deux tiers des membres. L'augmentation considérable du nombre de femmes est due d'une part à la multiplication des bibliothèques de lecture publique en Suisse, qui emploient essentiellement des femmes, et d'autre part à l'évolution de l'image des aides-bibliothécaires, une profession qui est devenue presque exclusivement féminine.

    Jusqu'en 1938, l'ABS ne comptait que des membres individuels. Après l'assemblée générale de 1938, les personnes morales furent admises en qualité de membres. « Dans l'ensemble, la cohabitation des membres individuels et des membres collectifs au sein d'une même association, qui pouvait paraître insolite et qui nécessita une correction organisationnelle en 1991, s'est révélée efficace. » Avec les nouveaux statuts de 1991, les personnes physiques et les personnes morales constituent deux catégories distinctes au sein de l'association. Une assemblée paritaire des délégués, réunissant des représentants des deux groupes, constitue l'instance suprême. Le Comité, en tant qu'organe exécutif, a été réduit à un maximum de sept personnes, chacune d'entre elles étant responsable d'un secteur particulier. Au début de 1992, l'Association des bibliothécaires suisses (ABS) a été rebaptisée Association des bibliothèques et bibliothécaires suisses (BBS).

    Après s'être limitée à envoyer le procès-verbal des assemblées annuelles, l'association lança en 1915 - à l'occasion de son vingtième anniversaire - son propre périodique intitulé Bulletin de l'Association des bibliothécaires suisses. Cinq numéros furent publiés jusqu'en 1923. De 1925 à 1985, parurent les Nouvelles, sous forme de simples copies. En 1986, ces dernières furent remplacées par ARBIDO, organe commun des archivistes, des bibliothécaires et des documentalistes, à la demande notamment de l'Association suisse de documentation. Les textes sont en allemand, en français ou plus rarement en italien, avec un résumé dans une autre langue dans la mesure du possible.

    À la suite de cette étude de l'histoire du fonctionnement de l'association, l'auteur aborde ensuite successivement le développement des bibliothèques de lecture publique en Suisse après la Seconde Guerre mondiale, le rôle majeur de l'ABS dans la résolution des problèmes bibliothéconomiques (prêt inter, catalogage, conservation, automatisation...) comme dans la formation professionnelle (remise du premier diplôme ABS en 1939), l'évolution de la place des femmes dans les bibliothèques suisses, le profil exigé d'un (e) bibliothécaire diplômé (e) des années trente aux années « nonante » et les perspectives de carrière, les relations internationales, l'implication de l'ABS dans divers problèmes « politiques» (droit d'auteur, politique scientifique,.).

    Le dernier chapitre se penche sur l'histoire de l'ABS/BBS avec une approche analytique. L'auteur, Robert Barth, né en 1952, promène un regard critique peu indulgent sur l'attitude de ses aînés au sein de l'association.

    Les biographies de neuf personnalités marquantes du monde des bibliothèques suisses (5 hommes et 4 femmes) complètent l'ouvrage. On y trouve notamment celle de Jean-Pierre Clavel, fondateur et président de LIBER (Ligue des bibliothèques européennes de recherche) puis de l'EFLC (Fondation européenne pour la coopération des bibliothèques) et de REBUS (Réseau des bibliothèques utilisant SIBIL).

    Enfin des tableaux fort utiles donnent la liste des principales réalisations collectives en matière de bibliothèques, publiées par l'ABS ou d'autres organismes ; l'évolution du nombre des adhérents ; la liste des présidents depuis la fondation ; celle des assemblées générales de 1897 à 1997 ; les dates des différents statuts de l'association ou de leurs révisions.

    Pas moins de 401 notes, une bibliographie de plusieurs pages et une liste des abréviations utilisées complètent cet ouvrage, extrêmement dense, qui réalise le souhait exprimé en 1992 par Fredy Grôbli, chef de file des directeurs de bibliothèques universitaires : « la publication d'un ouvrage relatant l'histoire de la plus ancienne association de bibliothécaires du continent européen à l'occasion du centenaire de celle-ci en 1997 serait un Nobile officium ».