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Les Femmes et les métiers du livre en France de 1600 à 1650

1999
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    Par Moud Espérou
    Roméo Arbour

    Les Femmes et les métiers du livre en France de 1600 à 1650

    Chicago, Paris : Garamond Press et Didier Érudition, 1997.- X-314p. (Studies on Montaigne and the Renaissancé).-ISBN 1.890333.01.8.

    Roméo Arbour, professeur émérite à l'Université d'Ottawa, ouvre un nouveau chapitre de l'histoire du livre au croisement des études féministes et des travaux sur les éditeurs-imprimeurs du XVIIe siècle. Spécialiste de la littérature française du XVIIe siècle, il s'intéresse à la diffusion des oeuvres littéraires et aux acteurs de cette diffusion : libraires, éditeurs, imprimeurs et relieurs, tous gens du métier du livre.

    Nous connaissions l'existence de quelques veuves célèbres qui avaient repris l'entreprise de leur mari ; Henri-Jean Martin, dans sa thèse Livre, pouvoirs et société à Paris au XVIIe siècle, avait déjà posé quelques jalons pour Paris. Dans l'Histoire de l'édition française, t. Il, Le Livre conquérant, il consacre un long paragraphe à Denise de Marnef, Barbe de Mascon et quelques autres encore. qui, aux alentours de 1550, ont poursuivi les activités de leur mari pendant quelques années. Des études, articles et thèses ont paru récemment sur la place qu'ont tenue les femmes dans les métiers du livre aux XVIeet XVIIIesiècles. En revanche pour le XVIIesiècle, les recherches sont quasiment inexistantes. Roméo Arbour tente de combler cette lacune dans cet ouvrage qui se présente « à la fois comme une réflexion sur leur présence et leur action dans le métier du livre, et surtout, comme un essai d'histoire documentaire, fondé sur les ouvrages qu'elles ont imprimés ou édités, les contrats qu'elles ont signés devant notaire ».

    De 1600 à 1650, 208 femmes ont édité, imprimé ou vendu des ouvrages ; parmi elles, 161 ont édité, imprimé pour leur propre compte, sans associé ; 43 seulement n'ont pratiqué le métier qu'un an ou deux ; mais elles étaient 61 à l'exercer pendant plus de 10 ans et même 15 d'entre elles pendant plus de 25 ans. Ces veuves, souvent jeunes et filles de libraires-éditeurs, qui succédaient à leur mari en véritables chefs d'entreprise, s'appuyaient sur l'expérience d'un compagnon pour la partie technique d'impression ou d'édition et sur un employé ou leurs filles pour la tenue de la boutique. La gravure d'Abraham Bosse dans la 1re édition de La Galerie du Palais de Corneille est un témoignage de leur présence et de leur activité dans la boutique de libraire. Il est difficile de connaître la contribution exacte des femmes à la réalisation des ouvrages publiés, aux choix des oeuvres ou de faire un inventaire complet des ouvrages qu'elles ont imprimés ou édités. Elles devaient gérer l'héritage familial pour leurs enfants ; les contrats que nous possédons montrent qu'elles ne se contentaient pas de tenir les livres de comptes. Elles étaient des femmes d'affaires avisées et ne s'engageaient pas inconsidérément dans une nouvelle entreprise éditoriale : elles suivaient habituellement les mêmes orientations que leur mari. Toutefois, quelques-unes unes eurent des carrières personnelles originales : Marie Vanderpiet choisit d'éditer 100 ouvrages d'auteurs français, anglais, italiens, espagnols et grecs. Parmi les 241 ouvrages sortis de sa maison entre 1639 et 1650, Denise de Courbes, veuve de Jean Camusat, fit paraître en 1647, en association avec Pierre Le Petit, la 1re édition des Méditations métaphysiques de Descartes et les Remarques sur la langue française de Vaugelas. Neuf d'entre elles s'engagèrent dans « cette frénésie qui s'est emparée brusquement des auteurs et des presses » au moment de la Fronde ; elles affichèrent « un curieux alliage de hardiesse, de courage, d'habileté, d'imprudence et peut-être d'inconscience du danger» en publiant pamphlets et libelles contre Mazarin.

    Cette analyse sur le travail des femmes libraires-éditeurs est suivie d'un répertoire où chaque notice est présentée, conformément à la tradition bibliographique, selon l'ordre alphabétique du nom du mari. Ce répertoire qui permet d'apprécier davantage la place des femmes dans les métiers du livre est aussi un bon outil bibliographique : chaque notice, complétée éventuellement par quelques renseignements biographiques, recense les ouvrages, imprimés, édités, vendus par les femmes, seules ou en association ; pour chacune des oeuvres, le ou les noms des associés, la date de parution, le format, le foliotage et la cote de la bibliothèque qui la possède sont mentionnés. En appendice, Roméo Arbour présente quelques actes notariés, contrats d'association ou de fin d'association, de désistement ou de vente.

    On ne saurait que trop recommander ce livre à ceux qui ont une vision sommaire de la place des femmes dans la société d'Ancien Régime et aux spécialistes d'histoire du livre, qui préciseront ainsi leurs connaissances sur la première moitié du XVIIesiècle.