Ce document, rédigé par une équipe de collaborateurs sous la direction de l'Inspecteur général Jean-Marie Arnoult, est l'aboutissement d'un processus commencé dans les années 1970 avec la grande enquête sur les fonds anciens des bibliothèques françaises (publiée en 1975). Cette enquête témoigne de l'inquiétude des responsables de l'époque face à un patrimoine dont on mesurait mal l'importance et que les conditions de développement de la lecture publique, alors au début de son essor, risquent de mettre à l'écart : certains projets de construction à l'époque envisageaient la scission entre les collections patrimoniales et la lecture publique.
C'est par une activité qui n'a cessé de se développer que la Direction des bibliothèques puis la Direction du livre a remis le patrimoine au premier plan des préoccupations des spécialistes, sans cesser d'allier les deux faces du problème : comment conserver en protégeant mieux pour continuer à communiquer ?
C'est ainsi que des recommandations sous la forme de notes techniques (17 au total jusqu'en 1994) furent publiée elles furent suivies en 1983 par « Conservation et mise en valeur des fonds anciens rares et précieux », en 1989 par l'étude du COSTIC sur la climatisation et en 1992 par les « Principes et méthodologie de la restauration ».
On peut considérer ce volume comme une étape supplémentaire faisant la synthèse des connaissances confrontées aux expériences des 30 dernières années.
Les quinze chapitres de l'ouvrage peuvent être groupés en trois grandes parties : les principes de base de la conservation et de la communication (29 pages), les principes de protection et restauration (27 pages), la reproduction des documents (26 pages). Les recommandations sur l'exposition des documents (3 pages) et les conseils sur les interventions d'urgence (17 pages), terminent le document. De nombreuses annexes et une iconographie soignée en font un outil d'information pratique.
Le premier chapitre expose les risques extérieurs de destruction des documents, les moyens de les mesurer et les principes de prévention à mettre en application. Les risques vont de la catastrophe naturelle à la pollution atmosphérique en passant par l'eau et la lumière. Certains risques sont rares sous nos latitudes mais leur fréquence n'est pas négligeable. Un bon environnement contrôlé en permanence (lumière, température, humidité) dans des magasins où la sécurité est présente (feu, eau et vol) permet de prévenir les risques, donc de limiter les interventions.
Les choses les plus simples étant parfois les plus oubliées, un court chapitre présente les bonnes conditions d'intervention quotidiennes sur les fonds anciens, le rangement, le dépoussiérage et l'entretien courant. Les gestes de base sont rappelés : rangement par format, pas de documents au niveau du sol, l'aspiration à sec plutôt que le nettoyage humide... Quelques conseils d'entretien simples y figurent, l'essentiel étant d'appliquer ces conseils avec régularité.
Parmi les actions de prévention, le conditionnement des documents sous pochettes ou dans des boîtes offre des avantages à un moindre coût que la reliure, il protège de l'usure mécanique aussi bien les documents en feuille que les documents déjà reliés (donc déjà protégés). Les modes de conditionnement et les matériaux employés sont présentés en fonction du type de documents à protéger. Le conditionnement est sans doute le mode de protection le plus simple et le plus économique ; il permet pour ces raisons d'intervenir à grande échelle sur les collections, en outre il est spécialement recommandé aux établissements qui ont peu de moyens.
Le meilleur antivol pour les documents anciens reste l'estampillage qui, appliqué judicieusement avec une encre indélébile, atteste de la propriété du document. L'apposition de la cote au titre sera complétée par une discrète étiquette collée à la colle de pâte ou figurant sur un signet dépassant du document. Toutes ces précautions ne peuvent prévenir totalement du vol car les systèmes antivol actuel ne sont pas applicables aux documents anciens : l'actualité récente nous l'a encore prouvé.
Si la communication des documents patrimoniaux reste une nécessité pour la recherche, les conditions de son fonctionnement doivent être bien définies dans un lieu approprié, avec des documents contrôlés et estampillés, un contrôle de l'identité des lecteurs et une stricte surveillance pendant la consultation. Ces contraintes ne sont pas des consignes exagérées pour la communication de manuscrits ou tout autre document précieux.
La reliure des livres usagés fait l'objet d'un rappel succinct des consignes à respecter pour que le patrimoine courant soit aussi préservé pour l'avenir.
Le dossier de la restauration aborde cet aspect de la protection des documents sous l'angle du traitement des documents uniques. Toute opération doit être réversible, respecter l'identité et l'intégrité du document. C'est une attitude très récente : dans les années 1950, la restauration faisait souvent disparaître des témoins précieux de l'histoire des documents.
La protection des journaux fait l'objet d'un chapitre mérité : cette documentation, si riche pour l'histoire de la vie quotidienne depuis plus d'un siècle, pose de nombreux problèmes de conservation, dus pour l'essentiel au papier de mauvaise qualité sur lequel il est imprimé.
Un chapitre est consacré globalement aux collections iconographiques, si nombreuses et si variées : estampes, cartes et plans, cartes postales et autres photographies. Un bon conditionnement et un nettoyage correct sont les seules mesures réalisables dans les bibliothèques, les opérations plus lourdes seront assurées par des spécialistes. La reproduction de ces documents reste la meilleure protection pour leur communication.
Enfin, les disques (en vinyle et compacts) et les bandes magnétiques ne sont pas oubliés ; on trouvera des conseils pratiques pour leur stockage et leur conservation : trois chapitres exposent avec force détails techniques les principes de reproduction et de numérisation des documents patrimoniaux, les conditions de conservation et de communication de ces nouveaux documents ne sont pas oubliées.
Le chapitre consacré à l'exposition et à la présentation temporaires des documents rappelle les principes concernant la protection et la sécurité des objets ainsi que les détails de la procédure pour le prêt des documents à des établissements étrangers.
Une longue notice est enfin consacrée aux procédures nécessaires pour faire face aux accidents : s'il n'y a plus de risque de destruction massive par les guerres depuis plus de 50 ans, aucun établissement n'est à l'abri d'une fuite d'eau sur sa toiture pendant un orage, de l'éclatement d'une canalisation, de champignons qui envahissent les magasins... La liste des accidents survenus dans les bibliothèques ces vingt dernières années est impressionnante et ce n'est pas parce que le bâtiment est neuf et bien conçu selon les principes modernes de sécurité qu'un accident ne peut survenir : Jean-Marie Arnoult et Philippe Vallas, qui ont tous deux dirigé le centre de Sablé, étaient les mieux placés pour rédiger cet article.
La prévention reste nécessaire : c'est le meilleur moyen de limiter les conséquences matérielles et financières d'un sinistre. L'exposé des mesures à prendre en cas d'incendie, d'inondation et d'infestation est largement détaillé dans ses aspects les plus pratiques.
Une série d'annexés énumèrent entre autres les procédures à suivre pour les acquisitions et les restaurations des documents patrimoniaux.
Plus qu'un exposé des principes optimaux de conservation du patrimoine des bibliothèques, il s'agit d'un traité pratique sur la protection de toutes les collections diverses et variées présentes dans nos établissements. La richesse des informations contenues dans ce copieux ouvrage et leurs descriptions pratiques en font un outil de travail au quotidien. Il doit devenir l'instrument de base de la conservation et le manuel pratique de formation de nos futurs collègues.
De cet ensemble, plus riche encore qu'une première lecture le laisse paraître, on retiendra le principe d'une démarche progressive de la conservation qui évite au maximum les solutions lourdes, trop radicales, (souvent) coûteuses et la mise en évidence d'une évolution récente de la conservation et de la protection des documents : elle est aujourd'hui entièrement partagée entre les spécialistes et les responsables des collections patrimoniales car une bonne conservation doit prendre en compte le contexte et les spécificités de chaque établissement.