Index des revues

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    Par Jacqueline Gascuel
    Viviane Cabannes, Dir
    Martine Poulain, Dir

    L'action culturelle en bibliothèque

    Paris : éd. du Cercle de la librairie, 1998. (Bibliothèques) ISBN 2-7654-0709-6.- 220 F

    Un ouvrage très attendu. En effet, les écrits sur les actions culturelles menées par les bibliothèques sont rares et à ma connaissance une seule étude à tenté une synthèse, celle qu'a éditée la Bibliothèque publique d'information : Animation en bibliothèque : hasard ou nécessité ?- et qui présente le compte rendu d'un colloque organisé en 1995. L'ouvrage, publié aujourd'hui sous la direction de Viviane Cabannes et Martine Poulain, se veut beaucoup plus complet, à la fois réflexion théorique et prospective, bilan des politiques d'animation des différents types de bibliothèque, conseils pratiques. Il peut aussi s'appuyer sur des travaux récents et décisifs dans le domaine de la sociologie de la lecture : travaux qui s'inscrivent dans la logique d'une conception sociographique, prenant le relais d'une conception politique de l'animation culturelle.

    Dans la première partie, intitulée « Politiques culturelles en bibliothèque, missions et contextes », des universitaires ou des responsables du développement culturel construisent une réflexion à facettes, tant sur la mise en « exposition » des documents, que sur le public (public savant ou versus public profane) ou les « médiateurs ». Les propos s'entrecroisent : si Evelyne Lehalle présente les nouveaux médiateurs des musées, Roland Schaer met en évidence les parentés entre les deux institutions, avant d'affirmer la spécificité de la mise en exposition de l'oeuvre écrite, pendant qu'Anne Kupiec tente de définir la fonction des médiateurs du livre, fonction imprécise, aux contours tout à la fois civiques et culturels. D'entrée de jeu, Joëlle Le Marec souligne que « le musée et la bibliothèque sont des institutions qui diffèrent profondément dans leur rapport à la collection et au public... », mais retrouvent par la suite une certaine convergence dans leur évolution récente, face à l'irruption du public ou plutôt des publics, la démocratisation de la culture ne se faisant plus seulement « par référence au savoir savant », mais aussi « par la prise en compte du savoir sauvage ».

    La deuxième partie, « territoires et trajectoires », se recentre sur les bibliothèques, de la plus puissante d'entre elles, la Bibliothèque nationale de France, aux bibliothèques pour enfants en passant par les équipements des universités ou des collectivités territoriales. On pourra passer rapidement sur l'historique des animations de la Bibliothèque publique d'information ou le récit des opérations initiées par la Bibliothèque départementale de prêt de l'Ardèche, quelle que soit par ailleurs la qualité du travail accompli par ces deux établissements. En revanche, on s'arrêtera sur les deux chapitres qui proposent une approche à la fois de la trajectoire et du territoire : celui de Marie-Pierre Dion sur les bibliothèques municipales et celui de Caroline Rives sur les bibliothèques pour enfants, ou secteurs enfants des bibliothèques municipales. Ils proposent une réflexion féconde et rigoureuse, enrichie d'une abondante moisson de citations, dont je me garderais de tenter la synthèse !

    Les chapitres consacrés à la « mise en oeuvre » sont très utiles... Parfois même, on y souhaiterait un peu plus de précisions techniques : pourquoi dire que la rétribution des intervenants peut prendre la forme d'honoraires, de salaire ou de cachet, si on ne précise pas les différences entre ces trois formes de rétribution ? Pourquoi parler de contrat sans évoquer les principaux points abordés dans ce type de contrat ? Les auteurs ont voulu éviter le piège qui consisterait à présenter un « livre de recettes » qu'il n'y aurait qu'à appliquer. Mais il faut se rappeler que trop de collègues n'ont pas à leur disposition un service juridique, ou administratif, qu'ils doivent se débrouiller presque seuls, se montrer vigilants et compétents... dans un domaine où ils ont peu été formés. Et c'est bien à cet impératif de formation que l'ouvrage veut répondre. Échappent à cette imprécision les deux derniers chapitres sur l'animation autour des nouveaux supports, l'audiovisuel et Internet : on perçoit que leurs auteurs, respectivement Dominique Margot et Jean-Didier Wagneur, ont une grande maîtrise de leur domaine de spécialisation.

    Une remarque pour terminer, l'ouvrage ne répond pas à la question, pourtant existentielle : les bibliothécaires aiment-ils faire de l'animation ? En font-ils par hasard, par nécessité... ou par goût ? Et quand ils abritent la pauvreté de leur activité en matière d'action culturelle derrière le manque de locaux, sont-ils tout à fait sincères ? Et sont-ils bien informés de l'histoire de leur bâtiment ? Marie-Pierre Dion rappelle les chiffres de l'enquête de 1995, selon laquelle un tiers des bibliothèques municipales ne disposerait pas de salle pour « l'heure du conte », la moitié pas de salle d'exposition et les deux tiers pas de salle de conférence. Pour ma part, je suis convaincue que dans la plupart des cas ces salles ont existé, mais que nos collègues (ceux d'aujourd'hui ou leurs prédécesseurs) les ont transformées, sans trop de regrets, en salles de consultation multimédia, de documentation pédagogique, de ressources pour les adolescents... ou en bureaux du personnel. Les salles d'animation étaient visiblement sous-utilisées, alors que de nouveaux besoins se faisaient de plus en plus pressants.