Les journées d'études intitulées " Les services de référence, leur place dans les réseaux et systèmes d'information documentaire " étaient organisées par l'École supérieure d'Information documentaire de Genève qui forme, chaque année, pour toute la Suisse Romande, 25 bibliothécaires-documentalistes-archivistes. Cette formation s'étend sur 3 ans (2 000 heures) et comporte 7 mois de stage.
Parmi les 137 participants à ces journées d'études, il y avait quelques collègues français (seules les bibliothèques de Strasbourg, Metz, Grenoble, Aix-en-Provence et Valence étaient représentées). Nos collègues suisses - qui savent accueillir avec une extrême courtoisie et un sens de l'organisation remarquable - avaient pourtant choisi un sujet passionnant et qui suscite depuis quelques années un réel regain d'intérêt. A tel point que nos collègues estiment que la révolution technique risque de passer à côté de son objectif principal si nos utilisateurs " ne savent pas encore comment trouver l'information qui leur est nécessaire alors qu'elle est à leur disposition ". Autrement dit, après les nouvelles technologies, c'est la qualité des services qui doit retenir notre attention.
Ces journées ont été magistralement introduites par Marcelle Beaudiquez.
Au travers des différentes appellations (bureau de renseignements, service d'information, salle de bibliographie...), elle a tenté une définition large et neutre : il s'agit d'un espace disposant d'un bureau d'information, d'une collection d'ouvrages de référence, avec une personne en permanence.
Un service de référence :
Dans cet espace polymorphe, le bibliothécaire aura à alimenter le dialogue avec l'usager pour connaître le contexte précis de sa demande, évaluer le niveau de la recherche et surtout mettre en adéquation la réponse avec le besoin. La réussite d'un service de référence est faite de deux composantes : la compétence du personnel et la qualité des collections.
La tendance actuelle, qui s'ébauche nettement dans les projets de la Bibliothèque de France, est de créer de grands espaces d'information pour symboliser l'importance que l'on donne à cette fonction. La fonction de référence va de plus en plus s'y intégrer, afin que ce ne soit plus le lecteur qui se déplace vers les services de référence, mais que les services de référence soient là où se trouvent les usagers.
Un service de référence suppose un personnel suffisant. L'expérience a montré qu'un professionnel qui exerce une partie de son temps dans un service d'acquisition ou d'indexation voit mieux la finalité de son travail et se trouve plus motivé s'il en exerce l'autre partie au contact direct des usagers. Le profil idéal d'un bibliothécaire de référence est une bonne culture générale, une formation universitaire et une formation professionnelle, mais la motivation demeure essentielle. La compétence peut se traduire par " On n'est pas celui qui sait, mais qui sait comment on peut savoir ". L'esprit d'équipe est également indispensable : il doit être naturel de faire appel aux collègues. Il s'agit en fait de tout un état d'esprit qui se traduit par une attitude positive, dynamique et ouverte.
La tendance actuelle est d'ajouter aux collections de référence, les corpus littéraires. Mais surtout, la banalisation du support informatique a fait évoluer les ouvrages de référence : la formation à la recherche se fait de plus en plus par l'intermédiaire de la machine, donnant ainsi au lecteur les moyens de son autonomie (accès en ligne aux fichiers d'autorité, bibliographies spécialisées sur écran ...)
L'évaluation des services de référence va se faire grâce à l'observation de l'usager : on note ses questions, on observe ses déplacements, on l'interroge, on établit des statistiques détaillées et régulières.
Il faut remarquer que les usagers sous-utilisent souvent les services de référence. Il convient d'en faire la promotion dans la presse locale et professionnelle, dans le journal de l'université... Un bon service de référence peut devenir lui-même un formidable outil de promotion de la bibliothèque, une vitrine qui peut faire beaucoup pour son image de marque.
Celle tout d'abord de la Bibliothèque de la Faculté des sciences économiques et sociales de Genève, dirigée par Daisy McAdam. L'équipe des 18 professionnels réfléchit depuis de nombreux mois à la gestation d'un service de référence qui sera opérationnel fin 1992, dans de nouveaux bâtiments.
Tout a commencé par un triple constat :
Un service de référence doit être le pôle d'attraction de la bibliothèque, l'utilisateur doit être " intercepté ", d'où l'importance d'un mobilier esthétique et convivial qui signale à l'utilisateur : " Voici l'endroit où vous trouverez la réponse à vos questions ".
L'expérience de nos collègues R. Jaccard et J. Antille de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne est très riche d'enseignements. Depuis 1987, elles ont mis au point toute une série d'outils.
Le journal de bord consigne les éléments importants de l'entretien de référence : date, initiales du bibliothécaire, temps consacré, niveau de la question (par téléphone ou en présence du lecteur), la question posée, le code du sujet, l'appréciation de la réponse et enfin les observations éventuelles (instruments utiles, difficultés non résolues...)
Des grilles permettent d'évaluer le niveau de la question et la stratégie utilisée :
L'expérience de l'entretien de référence montre que souvent la question posée est oblique par rapport à la question de fond : il faut souvent la réorienter. La répétitivité de certains types de questions a amené les bibliothécaires à créer des guides bibliographiques spécialisés, une signalisation plus efficace grâce à des logos. Un désherbage plus systématique a découlé de l'observation des lecteurs déconcertés devant des étagères surchargées...
Pour les chercheurs les plus avancés on a réfléchi à l'accès aux ressources documentaires grâce aux réseaux informatiques académiques qui donnent l'accès aux bases de données commerciales, aux catalogues des bibliothèques, aux corpus littéraires (bases textuelles), aux conférences électroniques. Le service de référence, dans ce cas, s'oriente davantage vers un rôle de conseil.
Le service de référence a permis de mieux identifier les attentes des usagers. Des sondages ont montré que lorsque les usagers ont des difficultés, 60 % essayent de s'en sortir seuls, 20 % interrogent les services de référence. Beaucoup cependant souhaitent une formation générale. Aussi, la BCU de Lausanne est-elle en train de mettre sur pied un projet de formation des étudiants du 1er cycle (2 fois 2 heures en lre année).
Le travail de Public-info, service de référence et d'information documentaire de la BPI, accessible par minitel (3615 LIBE /BPI) est bien connu de nos collègues français. Il est le prolongement du Service SVP par téléphone, dont on connaît le succès ! Pour satisfaire la forte demande de documents primaires Publicinfo s'oriente de plus en plus vers la constitution et la communication de dossiers de presse sur l'actualité.
Cerner la demande par le biais de la formation de l'usager, telle est la grande idée du Centre de documentation de l'Institut d'études politiques de Grenoble que dirige Andrée Verdiel. La formation de l'utilisateur est l'occasion d'un contact privilégié. Qu'elle se fasse au moment où l'étudiant franchit pour la première fois la porte de la bibliothèque, ou autour d'une table, dans un séminaire, lorsque ces mêmes étudiants préparent leurs projets de mémoires.
L'approche " analyse de la valeur " inscrit l'utilisateur au centre du système documentaire. Il s'agit d'obtenir la meilleure adéquation possible entre l'offre et la demande d'information, le meilleur service pour le moindre coût. Un audit a eu lieu, il y a un an, pour restructurer les fonctions et les espaces documentaires en vue d'un management plus participatif.
Le rôle et l'image des bibliothèques municipales a changé depuis quelques années : le public ne leur demande plus seulement d'offrir des collections, mais de répondre à des besoins d'information. C'est cette évolution que la Bibliothèque municipale de Lyon a voulu suivre et dont nous a fait part Y. Weber. Par quelques exemples de questions posées au Service de documentation et de référence sur la région Rhône-Alpes (aménagement des rives du Rhône, panorama de la presse lyonnaise, industrie de la peluche en Rhône-Alpes, recherche d'ancêtres, liste des lycées lyonnais ayant une section " métallurgie ", etc...) c'est toute la diversité des besoins qui apparaît. Diversité de niveau des questions et de domaines concernés. La réponse à ces besoins d'information nécessite une collecte laborieuse et une quête incessante d'une grande variété de documents et d'outils de référence : encyclopédies, annuaires, cartes et atlas, catalogues d'expositions, tables de revues, plaquettes d'organismes, listes de travaux universitaires (difficiles à obtenir !). Deux cents répertoires et annuaires sont en libre-accès, mais aussi des dossiers de presse (200 sujets traités en permanence ou de manière ponctuelle, 40 000 articles conservés). Les dossiers de presse sont très consultés ! Le fichier des documents disponibles et des dépouillements de périodiques est consultable par minitel. Les bibliothécaires ont patiemment élaboré, depuis 15 ans, des fichiers de renseignements de toutes sortes : fichiers des romans dont le sujet se passe dans la région, fichier d'organismes et d'associations diverses (protection de la nature, mouvements pour la femme ...), liste des maires de Lyon, etc.
Ce travail de fourmi s'inscrit dans un réseau et des échanges avec l'environnement documentaire et institutionnel de la BM. L'édition annuelle d'une bibliographie comportant de 700 à 1 200 titres est adressée à environ 400 organismes. Les gens viennent à la bibliothèque, parce qu'ils savent que toute cette documentation de référence est conservée longtemps alors qu'ailleurs elle est souvent éliminée.
La constitution d'une panoplie d'outils documentaires est une tâche à la fois laborieuse et passionnante ! L'expérience de D. Cotte, consultant d'un centre de ressources d'information dans un groupe international de communication, l'atteste. Dossiers de presse, littérature grise, banques de données sont autant de moyens à mettre en oeuvre. Leur panachage et leur imbrication permettent seuls de répondre aux différents paramètres de la demande. Il est important de formaliser cette demande afin de normaliser la recherche d'information par l'élaboration de processus et déterminer une typologie des outils.
H. Fleisch, président du Centre suisse d'information en médecine et biologie, a plaidé en faveur des médecins qui ont besoin d'une information " hic et nunc " et non pas de ... références ! L'avenir est à la " work station " pour avoir les meilleurs spécialistes sur son bureau ! " Il faut que les bibliothèques s'adaptent si elles ne veulent pas devenir inutiles ". Développer des collections à des prix excessifs, ce n'est pas l'avenir. Il s'agit de construire un réseau électronique, améliorer le PEB, utiliser les cartes de crédit pour la facturation...
G. Bielsa , chef du bureau information européenne, Euro-desk, à l'Union des banques suisses, a pour sa part démontré l'importance de l'information auprès des 250 000 PME suisses sur le nouvel espace économique européen. On va vers les PME, parce qu'elles ne viennent pas vers les centres d'information...
Pour Pierre Pelou, directeur de la bibliothèque de l'ONU, les services de référence sont l'image que l'on donne de l'établissement dans lequel on est. Et nous sommes encore loin d'offrir à nos usagers tout ce que nous pourrions leur offrir !
C'est M. Gorin, rédacteur d'ARBIDO, qui a conclu ces journées. Les services de référence trouveront de plus en plus leur place au coeur des réseaux et l'usager au centre de nos préoccupations !