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Et je nageai jusqu'à la page (vers un atelier d'écriture)

1993
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    Par Hugues Vanbésien, BM de Beauvais
    Elisabeth Bing

    Et je nageai jusqu'à la page (vers un atelier d'écriture)

    3e édition. - Paris : Ed. des Femmes, 1993. - ISBN : 2 7210 0445.

    C'est à partir de son expérience d'enseignante, en 1969, auprès d'enfants "caractériels" qu'Elisabeth Bing met au point l'atelier d'écriture.

    Cette réédition reproduit le texte original, avec dessins et textes d'enfants. La postface relate brièvement la suite de sa démarche et son extension à des adultes. Ce livre se présente plus comme une relation d'expérience à forte teneur autobiographique que comme un ouvrage théorique. A ce titre, c'est d'ailleurs un monument très daté. exemplaire de la mouvance soixante-huitarde, et d'une certaine écriture. La théorie n'en court pas moins tout au long de l'ouvrage, l'atelier d'écriture reposant sur un ensemble de postulants psychanalisants et libertaires.

    Il s'agit d'une pédagogie alternative, cherchant à rompre l'aliénation crée par l'école, génératrice de souffrance et de violence en retour. Le "déconditionnement" effectué, la pratique de l'écriture rend la parole au sujet, et celui-ci à son désir. l'écriture est conçue comme anamnèse. Le pédagogue ne transmet pas de savoir. Il fournit un cadre relationnel - à commencer par son propre vécu d'enfant. Il organise des rencontres libératrices - en particulier avec des textes "catalytiques" (mythe d'Icare et de Dédale, poèmes de Mallarmé, de Kafka, de Rilke. Claude Simon. Francis Ponge et al.). et des circonstances propices qu'on appellera exercice faute de mieux : il s'agirait plutôt de postures (le Nommé, l'Aleph de l'espace limité, le Labyrinthe...). Et tout au long du processus, il prête son concours de lecteur à la lecture du producteur de textes.

    Le lecteur appréciera la théorie bingienne, objectera le cas échéant contre le postulat du langage ou de la littérature libératrice (sort-on jamais des codes et des valeurs, de la culture en fait ?), contre la réduction psychologisante des conditions sociales. Il devra cependant en saluer la cohérence, le questionnement et l'exigence. On voit bien, d'ailleurs, ce qui peut séduire des bibliothécaires dans ce manifeste qui fournit un cadre théorique au plaisir de l'écriture et de la lecture proche d'une certaine approche de la littérature et de la psychanalyse.

    A contrario, les ateliers d'écriture qui se sont banalisés un peu partout, ne sont bien souvent que des succédanés très dégradés. L'atelier d'écriture (marque déposée) est une entreprise de longue haleine (plusieurs années dans tous les cas) qui ne peut se mener au sein d'une institution ("on n'institutionnalise pas une expérience intérieure"). Que dire de ces pseudo-ateliers de quelques séances, projets d'action éducative ou même animations de bibliothèque tellement à la mode auprès des DRAC, des inspections académiques et des auteurs nécessiteux en attente de percevoir leurs droits sur le prêt.