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    Par Jacqueline Gascuel

    La bibliothèque dans la cité

    Actes du colloque organisé par l'APPEL (association pour la promotion et l'extension de la lecture)

    Poitiers 4-7 décembre 1992. - Bibliothèque publique d'information, 1993. - ISBN 2-902706-65-0. Prix : 115 F.

    Un ensemble assez hétéroclite de communications de valeurs très inégales - plus de trente au total, regroupées autour de quatre thèmes : démocratie et bibliothèque, identité et bibliothèque, vie sociale et bibliothèque, politique de la cité et décentralisation. Chacun peut y trouver son miel. Pour ma part j'ai particulièrement apprécié la description du lecteur que fait Pierre Pachet, universitaire, sous le titre Bibliothèque et solitude - un avertissement aux bibliothécaires : "le bibliothécaire cherche à ordonner, à maintenir de l'ordre dans un immense troupeau relativement indocile, sans cesse augmenté d'acquisitions, menacé par des atteintes matérielles et dont la classification même ne peut demeurer intacte à cause de l'évolution des connaissances et de la production continue des livres ; alors que le lecteur veut profiter de cet ordre pour accomplir son propre trajet qui n'est que partiellement méthodique dans le meilleur des cas, et le plus souvent est capricieux." J'ai apprécié aussi la communication de Danielle Lamarque, conseiller référendaire à la cour des comptes, sur l'Evaluation du service public qui plaide pour raffinement de l'analyse (dépasser les seuls critères quantitatifs) et l'amélioration du pilotage de l'action publique (ou politique). Fort intéressantes sont également les deux communications de nos collègues de Glasgow et de Belfast, car elles illustrent bien le côté militant de la bibliothéconomie anglaise, profondément ancrée dans sa dimension sociale.

    Plusieurs communications n'ont pas été rédigées par leurs auteurs et la synthèse qui en est faite demeure sans grand intérêt, car trop rapide. Les comptes rendus d'expérience de terrain, parfois maladroits ou naïfs, portent témoignage de la vitalité des initiatives locales et de la perpétuelle remise en questions des méthodes d'intervention dans les secteurs difficiles. Comme si devait toujours être réinventée la promotion de la lecture, tonneau des Danaïdes d'une société dont les valeurs et les certitudes sont cruellement remises en question.

    Mais une communication me paraît justifier à elle seule la consultation de ce volume : le bilan de la décentralisation dressé par Dominique Arot. Après avoir rappelé les données du Rapport Vandevoorde (1981), il dresse le tableau de la situation, telle que la laisse percevoir l'exploitation des statistiques de 1990. Nous en publions ci-dessous deux extraits qui nous paraissent bien cerner les problèmes d'aujourd'hui : l'énorme effort de constructions, les indéniables difficultés de fonctionnement, le poids des qualifications professionnelles que voudraient bousculer les nouveaux statuts. C'est d'ailleurs ces mêmes préoccupations qui apparaissaient dans l'article de Dominique Arot que nous avons publié dans le Bulletin d'informations de l'ABF n°159.

    La bibliothèque dans la Cité

    Equipements La mise en place à partir de 1986 du système du concours particulier, surtout la seconde part consacrée à l'investissement, a indiscutablement accéléré le mouvement de création de nouveaux équipements. Après six années, un premier bilan peut-être tiré.

    Tout d'abord, cette procédure connaît un indéniable succès parce qu'elle est simple. Le caractère objectif de la base de calcul (les fameux 0,07 m2par habitant) permet d'annoncer presque sans délai un taux de participation de l'État et de nouer plus facilement le partenariat avec les élus. La répartition, ensuite, de ces crédits en enveloppes régionales avec un système d'abondement et de régulation entre régions évite les effets d'accordéon des années 1970.

    Le fait que ces crédits soient gérés au plus près et que les dossiers soient instruits sur le terrain même constitue un progrès évident sur le système centralisé antérieur. Les conseillers pour le livre et la lecture au sein des directions régionales des Affaires culturelles ont accompli un remarquable travail d'information des élus, aidés par la clarté du système, avec le précieux relais des bibliothèques départementales dans cette tâche de "propagandiste".

    Entre 1986 et 1991, c'est en moyenne 58 000 m2supplémentaires qui ont été financés ainsi chaque année. Concrètement en 1991, voici le détail d'utilisation de cette seconde part : 68 000 m2 construits, 197 constructions, 60 extensions, 150 équipements en mobilier, 97 informatisations et enfin 7 aménagements nécessaires à la conservation de fonds précieux. Au-delà de l'aspect positif représenté par la mise en service de nombreux mètres carrés supplémentaires, cette politique a stimulé une véritable recherche de qualité dans l'architecture publique. Les bibliothécaires ont appris à travailler avec les architectes, et inversement. La procédure de choix des maîtres d'oeuvre par concours s'est largement répandue.

    Moyens de fonctionnement Pour être éligible [c'est à dire bénéficier d'une participation de l'Etat à ses dépenses de fonctionnement] une ville doit dépenser en fonctionnement autour de 40 F par habitant pour sa bibliothèque municipale. En 1986 48% des villes atteignaient le seuil d'éligibilité, 52 % en 1992. On peut donc considérer, et ceci est préoccupant, que presque la moitié des villes possédant une bibliothèque municipale lui consacrent un budget médiocre, ou tout à fait insuffisant.

    Autre sujet de préoccupation, le poids grandissant du poste budgétaire "personnel" au sein des budgets de fonctionnement. Ce poste "personnel", sur les quatre dernières années, se stabilise à hauteur de 80 %.

    Dans le même temps, ici et là, nous apprenons que des budgets d'acquisition sont revus à la baisse, y compris dans des villes-phares en matière de lecture publique. Je ne me risquerai pas à évoquer les problèmes financiers des collectivités locales, le rapport tendu, voire déséquilibré, entre transferts de charges et transferts de ressources. A la tribune et dans la salle se trouvent des spécialistes de ces questions. Je me borne ici à amorcer une réflexion, à réunir des indices, dont l'analyse nourrira nos débats d'aujourd'hui.

    Un chapitre est essentiel, c'est celui du personnel. Citant le rapport Vandevoorde, j'ai indiqué tout à l'heure un pourcentage de progression du personnel qualifié, c'est-à-dire des catégories A et B de la fonction publique, de 168% entre 1969 et 1981. Cette évolution est bien sûr significative. Il est vraisemblable aussi que dans ce domaine, nous partions de très bas.

    Cette augmentation s'est poursuivie, puisque pour les mêmes catégories de personnel entre 1980 et 1990, elle est de 105%. Rappelons qu'entre 1982 et 1985, la direction du Livre a mené avec réussite une politique incitative de soutien aux créations d'emploi avec des aides de l'ordre de 50% par emploi créé.

    Observons, si vous le voulez bien, l'évolution des emplois de catégorie A, les bibliothécaires de première et deuxième catégorie selon l'ancienne terminologie : 727 emplois recensés en 1980 ; 981 emplois recensés en 1983 ; 1066 emplois recensés en 1987 ; 1240 emplois recensés en 1990. Soit une progression de 70% sur 10 ans. Il semble que les villes portent une attention particulière à la qualité de l'encadrement de leur bibliothèque, et ce de manière croissante. Livrons-nous au même exercice avec la catégorie B, les bibliothécaires-adjoints toujours selon l'ancienne terminologie : 1 571 emplois recensés en 1980 ; 2 460 emplois recensés en 1983 ; 3 032 emplois recensés en 1987 ; 3 471 emplois recensés en 1990. Soit une progression de 120% en 10 ans. C'est évidemment l'emploi de base dans les bibliothèques municipales avec souvent une fonction de responsabilité dans les petites unités.

    Pour compléter ce constat, j'ai essayé de réunir quelques chiffres concernant l'embauche des agents de ces catégories A et B au cours de l'année 1991. Pour ce faire, j'ai étudié attentivement les offres d'emploi de la Gazette des communes, en veillant à ne comptabiliser qu'une fois les offres qui font l'objet de publications successives. Ma méthode est plus empirique que scientifique, j'en conviens, puisque certains recrutements ne font pas l'objet de publicité, mais il y a des indicateurs de tendance. Donc, en 1991, 15 annonces concernaient des emplois de bibliothécaire première catégorie, nouveaux conservateurs territoriaux, et 52 annonces concernaient des emplois de bibliothécaires deuxième catégorie, nouveaux bibliothécaires, soit pour l'ensemble de la catégorie A de la fonction publique territoriale/bibliothèques, 67 offres d'emploi. La progression moyenne annuelle depuis 10 ans étant d'une cinquantaine de postes, la tendance à l'embauche reste marquée.

    Pour les emplois de catégorie B, bibliothécaires-adjoints, assistants qualifiés ou assistants, j'ai dénombré pour 1991 196 offres d'emploi. La progression moyenne annuelle depuis 10 ans étant de l'ordre de 190 postes, on reste ici dans une tendance continue.

    Nous le voyons donc le personnel des bibliothèques a vu en nombre de qualification augmenter notablement depuis 10 ans. Et dans ce contexte de décentralisation les bibliothécaires ont joué un rôle très important dans le dialogue avec les élus pour impulser des politiques dynamiques...