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    Conférence inaugurale

    Par Winston Roberts, coordinateur iFLA

    Je vais essayer, au cours de cette allocution, de passer en revue certaines questions qui animent actuel-ement les débats professionnels, afin de présenter en quelque sorte une « défense et illustration du métier de bibliothécaire. Vous comprendrez qu'en si peu de temps, et traitant d'un domaine si vaste, je ne peux qu'effleurer certains sujets, apporter quelques témoignages choisis. J'espère tout au moins y jeter un éclairage différent, disons « international

    Quel est ce métier ?

    Selon le dictionnaire, la notion de « métier renferme les notions de service, d'utilité, de travail reconnu. Parmi ses connotations, il y a celle du travail bien fait, de l'expérience, de la conscience « professionnelle et de l'engagement dans la société. C'est un mot de tous les jours, clair et sans prétention.

    Il décrit un ensemble de techniques, un savoir et une attitude commune à un groupe défini. S'agit-il d'un métier ou d'une profession ? Je vais employer le mot profession dans son acception générale : je pars du principe que le métier et la profession de bibliothécaire sont deux faces de la même médaille.

    J'observe que, selon le dictionnaire, le terme « métier doit son origine à une (con)fusion entre les termes ministère » et « mystère ». Est-ce un hasard ? Toujours est-il qu'un vrai métier, une profession, a quelque chose d'un « ministère », mais garde également une part de « mystère ».

    Comment le métier se définit-il ?

    Nous exerçons un métier de service. Ce métier a la noble tâche de rendre service à la société, et non pas de promouvoir la recherche pure dans un domaine abstrait du savoir. Il doit donc contribuer à tisser des liens entre les citoyens de cette société.

    (Il est intéressant de remarquer que, dans les pays de tradition « européenne », on a tendance à parler de chaque classe ou catégorie de bibliothécaire, d'agent ou d'assistant comme d'un « métier séparé; tandis que dans les pays de culture anglo-saxonne, le terme qui traduit « métier ne s'applique qu'aux métiers manuels. Il est devenu courant dans ces pays de parler de la « profession de bibliothécaire » ou de la « profession de spécialiste de l'information etc.)

    Les objectifs traditionnels du métier de bibliothécaire sont conçus et acceptés, grosso modo, dans la plupart des cultures. On pourrait formuler la conception traditionnelle des tâches de ce métier comme : la préservation du patrimoine, l'organisation et la transmission du savoir contenu dans les documents, dans le but d'appuyer l'éducation, la culture et le progrès économique de la société.

    Il s'agit évidemment d'un métier actif qui se voue à une mission, et qui tend à se transformer en profession. Mais en même temps, curieusement, on a la très forte impression que c'est un métier ou une profession qui éprouve sans cesse le besoin de se défendre, de justifier son action. Toutes les professions se remettent périodiquement en question : pour s'en convaincre il suffit de penser aux débats qui agitent la médecine, le droit, le journalisme... - des débats qui portent sur des questions de déontologie, de mission, et qui sont souvent le reflet de l'opinion publique.

    Il est vrai que l'éducation, la culture, l'économie sont l'affaire de tout le monde. « Tout le monde (le grand public, donc) sait vaguement que les bibliothèques et l'information sont nécessaires, mais ceux qui ne sont pas « dans la mêlée » ont parfois du mal à saisir en quoi consiste la spécificité et l'importance de la profession de bibliothécaire (ou du professionnel de l'information).

    L'aspect le plus frappant de notre profession, sans doute, est la très grande diversité des formes qu'elle revêt et des techniques qu'elle emploie, donc de ses aspects visibles. La diversité des spécialisations, la diversité des types d'institution où nous exerçons notre métier, la diversité des niveaux de formation exigés, sont tout simplement fonction de la diversité des publics et des clientèles desservis.

    Il y a des membres de notre profession qui se plaignent d'être mal compris, et qui voudraient qu'on leur apporte une définition précise de leur identité professionnelle. Certains remettent même en question le terme de "biblio-thécaire en disant que nous avons besoin d'un terme plus adéquat.

    Pourquoi tant de perplexité ? Peut-être sera-t-il possible de trouver un début de réponse en examinant cette question sous l'éclairage d'un certain nombre de débats qui se poursuivent actuellement. Je parlerai tout d'abord du débat sur la professionnalisation du métier ; ensuite, de ce qu'on pourrait appeler la querelle des généralistes et des spécialistes » et enfin de l'opposition entre « bibliothèques et « information ».

    Un métier ou une profession ?

    La professionnalisation de certains métiers est un phénomène connu. Cela peut provenir du désir bien humain d'obtenir un meilleur statut social ; et cela peut être imposé par l'évolution de la société. Quelques-unes des raisons en sont le désir des praticiens de se faire mieux accepter dans une société de plus en plus complexe, les responsabilités toujours plus grandes qu'ils doivent assumer (qui leur sont imposées par une législation complexe), l'évolution des techniques qui exigent de nouvelles formations adaptées, parfois plus longues et plus chères, la demande de diplômes de niveau universitaire. (Il y a eu, pendant les années 1960 et 1970, une prolifération de cours moins traditionnels, de diplômes de haut niveau, signe que les bibliothécaires, tout comme les membres d'autres professions, ont senti la nécessité de justifier de nouveau leur statut social.)

    Il est évident que le produit ou la matière que nous manions n'est pas neutre : les technologies de l'information, "l'interface » avec les utilisateurs et les questions de déontologie sont devenues si complexes que la réflexion est exigée à chaque pas. Un métier qui se tourne vers le monde, qui exige autant de réflexion sur sa finalité n'est plus un ensemble de techniques, mais se transforme inévitablement en profession.

    A nous de faire en sorte que le savoir, la conscience du « métier reste; et que les professionnels de l'information que nous formons puissent développer des compétences techniques alliées à la capacité de réfléchir sur le « pourquoi aussi bien que sur le « comment

    La « professionnalisation » me semble être intimement liée à l'action des associations professionnelles, et je reviendrai là-dessus tout à l'heure.

    La querelle des généralistes et des spécialistes

    On entend parfois dire qu'il existe dans notre profession des bibliothécaires généralistes et des spécialistes. Et on devine parfois que certains regrettent de « n'être que » des généralistes. Je crois que c'est un faux débat : on est toujours le « généraliste de quelqu'un. Mais qu'est-ce qu'on entend par ces termes ?

    Fait-on allusion au type de formation suivie ? Mais il est évident que tout bibliothécaire qualifié peut se prévaloir à la fois de certaines connaissances de base acquises pendant sa période de formation, et d'une expérience plus importante acquise dans des domaines de spécialisation en fonction de sa carrière et de ses intérêts personnels. Cela n'a rien de remarquable dans une profession aussi pluridisciplinaire que la nôtre. Tout professionnel ayant de grandes responsabilités est susceptible de posséder d'autres compétences - dans les domaines de la gestion et de la communication. Il est important de comprendre qu'une formation initiale, aussi bien conçue qu'elle ait pu être, n'est toujours qu'une première phase, et que l'expérience et les compétences qui se développent après cette formation initiale conditionnent l'évolution d'une carrière et les perceptions de sa valeur.

    Peut-être que, quand on parle de « généralistes » ou de « spécialistes », on pense au genre d'établissement. Mais le fait de travailler dans une grande bibliothèque municipale offrant un large éventail de services au public n'empêche pas nécessairement le personnel de se spécialiser s'il le désire (dans les services automatisés, dans l'accueil des enfants, etc.). De même, le fait de travailler dans une bibliothèque dite « spécialisée " (dans l'industrie ou l'administration, par exemple) oblige souvent le personnel, généralement assez réduit, à maîtriser toute une gamme de tâches qui n'ont a priori rien à voir avec la discipline dans laquelle la bibliothèque en question se spécialise.

    Il est vrai qu'on parle couramment au-jourd'hui du secteur des bibliothèques spécialisées » ou « spéciales ", par quoi on entend (généralement) des bibliothèques qui n'ont pas pour vocation de servir le grand public mais plutôt une clientèle restreinte d'employés, de fonctionnaires, d'industriels, ou de chercheurs dans une discipline particulière. Ces bibliothèques se définissent par leur cadre institutionnel, par leur concentration sur un seul domaine du savoir, ou par la nature des services documentaires qu'elles rendent. Le bibliothécaire formé dans une autre tradition pourrait faire remarquer qu'en termes de public restreint desservi, ces bibliothèques ne sont pas plus « spécialisées qu'une bibliothèque scolaire, une bibliothèque de quartier à population multi-ethnique, ou une bibliothèque de prison. Les personnels de toutes ces bibliothèques « spécialisées » doivent posséder les mêmes compétences techniques de base, le même sens du contact humain et la même conscience professionnelle.

    Serait-ce un problème de terminologie qui cache en fait un problème existentiel ? Faut-il qu'un service de bibliothèque ou d'information soit baptisé « spécialisé pour que l'organisation qui l'accueille le prenne au sérieux, pour que la profession lui accorde plus de prestige ? Les employeurs ne font-ils confiance qu'aux diplômés ayant suivi une formation spécialisée ? Mais est-ce qu'on est fondé à croire qu'une formation spécialisée produit toujours de meilleurs spécialistes qu'une solide culture et une formation générale complétée par une expérience « sur le tas » et une formation continue ?

    Il est évident qu'il y a des différences, des courants, dans notre profession ; mais je crois que l'opposition « généralistes / spécialistes est dépassée. On pourrait avancer l'hypothèse que les différences vraiment significatives sont celles qui existent entre les personnels dont c'est la responsabilité première de conserver un fonds (en le rendant accessible), et les personnels dont c'est la vocation de fournir un service à un public défini en exploitant un fonds de documents ou d'information. Mais, encore une fois, la diversité de types de services de bibliothèques est si grande qu'on ne peut que schématiser.

    En fait, le défi auquel nous sommes confrontés est celui de l'adaptation de la formation professionnelle. La sélection et la formation doivent avoir pour objet de produire des professionnels à tous les niveaux ayant des connaissances de base et une capacité d'adaptation leur permettant de réagir aux évolutions de la profession et de se spécialiser, ou de changer de spécialisation, en connaissance de cause.

    La bibliothéconomie confrontée à l'information ?

    Il y a un débat sur la nature de la différence supposée entre les métiers des bibliothèques et ceux de l'information.

    Nous sommes tous concernés par la fourniture d'information autant que par la fourniture de livres. De nos jours, il n'y a pratiquement plus de grande bibliothèque publique qui n'offre un choix de documents numérisés aussi bien que de documents imprimés. Les plus grandes bibliothèques publiques offrent des possibilités d'interrogation de bases de données (en ligne toujours, certes, mais de plus en plus fréquemment sur CD-ROM). Les centres de documentation fournissent des informations grâce à la consultation d'ouvrages de référence aussi bien qu'au moyen de recherches dans des bases offertes par les grands serveurs internationaux se spécialisant dans l'information industrielle, financière et scientifique.

    D'ailleurs les grandes bibliothèques de recherche (nationales et universitaires) s'abonnent à ces mêmes services d'information, et fournissent elles-mêmes des bases accessibles sur d'autres serveurs.

    La FID (Fédération internationale de la documentation et de l'information) parle du concept du « professionnel moderne de l'information » - et a même publié en 1992 un recueil intitulé L'État du professionnel moderne de l'information (1) . Nous, bibliothécaires, devrions porter une attention particulière à ce document.

    Comment se définit l'information ? Un des auteurs (2) du recueil de la FID rappelle très justement la définition classique selon laquelle l'information est à la fois une activité et un produit : l'information est une denrée ayant une valeur définie et la bibliothèque est l'endroit où l'échange de ce produit a lieu.

    Que lit-on encore dans ce document ? Que l'information est nécessaire pour le développement économique et social, qu'il faut exploiter les nouvelles technologies de l'information, qu'il faut de nouveaux spécialistes dynamiques et agressifs possédant de nouvelles compétences ; qu'il faut dépasser les rôles et les responsabilités traditionnels du bibliothécaire, de l'archiviste, du documentaliste pour définir de nouveaux rôles dans des sociétés en pleine évolution. Enfin, qu'il faut un nouveau « profil du professionnel de l'information, formé selon un programme en prise sur les réalités sociales et économiques, bon gestionnaire, ayant le sens de la communication et de l'innovation, ouvert au monde en dehors de l'établissement où il (elle) travaille, capable de prévoir les besoins de la clientèle et d'y adapter l'information fournie.

    Conscient de la valeur économique de l'information, capable d'analyser le processus de transfert de l'information, capable d'évoluer au sein d'une entreprise commerciale ou industrielle et de faire comprendre aux décideurs le rôle et l'importance de cette matière première qu'est l'information, le « professionnel moderne » justifie pleinement ce titre et jouit d'une carrière et d'une rémunération en rapport.

    A la lecture de ce recueil, on peut être tenté de protester en disant que ce professionnel moderne existe aussi dans les bibliothèques, que ces programmes de formation existent déjà, dans les meilleurs établissements de formation, et qu'en fait un bibliothécaire compétent est un professionnel moderne de l'information, comme M. Jourdain parlait en prose. Mais nous ne devons pas oublier que cette heureuse situation n'est pas universelle.

    Il est juste de dire qu'il faut repenser l'image de notre profession, et de poser la question de la terminologie. Mais en revendiquant une autre définition de la profession par rapport à un savoir portant sur un autre mystère », l'information, ne risque-t-on pas de brouiller les cartes ?

    Le nom de « bibliothèque » n'indique « que le bâtiment où l'on travaille (comme certains se plaisent à le dire). Il n'empêche que le nom et ses dérives reflètent la position centrale du livre ou autre contenant. et son rôle dans la transmission des connaissances. Ce n'est pas seulement en changeant cette désignation qu'on maintiendra la dignité de la profession et l'estime dans laquelle elle est tenue par le public : c'est aussi en maintenant et en augmentant la qualité des services.

    Le terme bibliothécaire. peut très bien ne pas s'appliquer avec une force égale à toutes les branches modernes de la profession - la fragmentation d'une activité professionnelle en évolution est un phénomène connu ; mais cela ne veut pas dire pour autant que le terme n'a plus de valeur. Si certains le pensent, c'est que nous devons nous occuper sérieusement de rehausser notre image.

    L'image de la profession (du métier)

    Comment la profession est-elle perçue ?

    Dans un sens, nous sommes donc tous des professionnels de l'information. L'information est un bien culturel, une denrée et un produit ; elle est aussi un atout dans n'importe quelle stratégie, commerciale ou autre. Savoir trouver l'information, la maîtriser, la mettre à la disposition de la société, implique que l'on possède un ensemble de connaissances théoriques et pratiques qui devrait assurer au professionnel de l'information un certain prestige dans la société. On devrait pouvoir faire un constat très positif du statut et de la réputation de notre profession.

    Et pourtant, nous sommes, disent certains, « mal perçus par le grand public. Les conclusions de nombreuses études (3) tendent à confirmer qu'il existe un sentiment de malaise parmi les bibliothécaires qui sont profondément convaincus de la valeur de leur métier, mais en même temps conscients qu'il est sous-estimé par le public. Les opinions glanées dans de nombreux pays (du monde industrialisé aussi bien que des pays en développement) se recoupent parfaitement : ce sentiment d'être incompris est général. La profession jouit, paraît-il, d'une réputation assez curieuse dans l'opinion publique.

    On peut lire dans la presse professionnelle, sous la plume de nombreux auteurs, des critiques du manque de dynamisme des bibliothécaires dans leur vie professionnelle, et de leur incapacité de faire preuve d'initiative.

    Comment le public nous perçoit-il ? Qu'est-ce qu'il attend de nous ?

    Ces attentes diffèrent-elles d'une culture à l'autre, d'une région du monde à une autre ? Sûrement, tout comme les traditions culturelles, les systèmes d'éducation, le droit, et les niveaux de développement économique accusent de grandes divergences. Quelles sont donc ces différences de contexte, qui affectent la perception et les attentes du public ?

    Il n'est évidemment pas possible de faire une synthèse universelle, donc je ne citerai que quelques exemples choisis.

    Il est évident que les services de bibliothèques des pays les moins développés sont les plus sérieusement affectés par la crise économique endémique dans ces pays. Il ne convient pas d'analyser ici les raisons de cette crise, peut-être suffit-il de faire remarquer que dans un pays où la majorité de la population est analphabète, et où manquent les bibliothèques et les centres de documentation scientifique, les attentes du grand public ne sont pas très élevées. Ceci est d'autant plus vrai que dans de nombreux pays du tiers monde on voit toujours des services qui essaient de fonctionner selon des normes culturelles héritées d'anciennes métropoles coloniales.

    Dans beaucoup de pays d'Afrique, on constate des différences flagrantes entre la misère des grandes bibliothèques publiques et les bibliothèques plus modernes érigées en banlieue ou dans les petites villes, qui sont relativement mieux adaptées aux besoins de la population. Mais le manque de ressources économiques est partout dévastateur : les fonds vieillissent, la préservation physique des collections est irréalisable, l'informatisation est insuffisante, et la formation des personnels n'est plus à jour. Ce n'est que dans quelques rares bibliothèques que l'on note une situation favorable. Dans ces conditions, le grand public et les universitaires en Afrique doivent souvent se contenter d'un niveau de service qui serait jugé inacceptable dans un pays économiquement avancé.

    Pourtant, il y a eu des expériences heureusement réussies : par exemple, les CLAC (centres de lecture et d'animation culturelle), bien connus dans les pays francophones d'Afrique de l'Ouest. Des communications sur les CLAC ont été présentées de temps en temps à des congrès de 1TFLA (4) . En Namibie, pays indépendant depuis très peu d'années, avec une petite population éparpillée sur un vaste territoire, on a réussi à créer et à gérer un réseau de bibliothèques publiques et mobiles.

    Dans certains pays d'Asie du Sud et du Sud-Est, on remarque toujours l'influence des conceptions européennes de la bibliothéconomie, enseignées au temps de la colonisation, mais qui sont depuis longtemps intégrées dans une culture aux racines très profondes. La société attend bien des bibliothèques publiques qu'elles servent de phares de la culture, de temples de la lecture publique et accorde un respect certain à ceux dont c'est la vocation d'interpréter la parole écrite. L'Inde est un pays de grands contrastes : le respect accordé aux bibliothécaires n'empêche pas certaines des grandes bibliothèques publiques « traditionnelles de souffrir depuis longtemps d'un manque de ressources qui ne leur permet pas de remplir pleinement leur mission de conservation et de mise à disposition de documents ; tandis que les bibliothèques « spécialisées qui desservent un public d'universitaires et de chercheurs sont depuis trente ans en prise sur le progrès scientifique et surtout industriel.

    Il convient de noter qu'aux Philippines, en 1990, le gouvernement a voté une loi qui reconnaît le statut de bibliothécaire, réglemente l'exercice de la profession et les qualifications requises pour l'exercer. L'Association professionnelle nationale est chargée de mettre la loi en oeuvre : elle gère les concours d'accès à la profession, et a publié un code de déontologie. Ce qu'on est en droit d'attendre d'un bibliothécaire dans ce pays est évident à la fois pour les autorités et pour les utilisateurs.

    En Indonésie, on sait quel est le profil souhaité du bibliothécaire professionnel. Afin de promouvoir le développement des services et l'amélioration de l'image de la profession, les autorités ont organisé un concours au niveau provincial, puis national, pour trouver « le bibliothécaire modèle (5) ».

    Quant aux débats dans la profession en Amérique latine, on a observé ces dernières années les attaques de certains « rénovateurs contre ce qu'ils croient être les traditions vieillies de la bibliothéconomie traditionnelle et contre les programmes de formation qui ne sont plus tous en phase avec les réalités économiques et sociales de ces pays. Un des commentateurs les plus éminents, I. Paez Urdaneta (Venezuela) a publié les résultats d'une étude (6) sur les bases psychologiques et philosophiques de la formation professionnelle dans cette région, et il a conclu que c'est une vision d'ensemble qui manque.

    Un commentateur brésilien, A. Miranda, a observé il y quelques années (7) qu'il existe une grande inégalité entre les services (les centres de documentation et d'information) qui ont accès à la technologie moderne, et les autres qui n'y ont pas accès.

    Les pays des Caraïbes ont aussi hérité des traditions européennes, qu'ils ont adaptées. Les services de bibliothèques publiques et universitaires sont bons et les personnels bien perçus par le public. En plus, cette région marquée par l'exiguïté des territoires, par l'isolement géographique et par la multiplicité de ses langues et ses cultures, se taille une solide réputation pour la création et la gestion de réseaux informatiques qui permettent dans une certaine mesure d'abolir les distances et de faire circuler l'information entre les îles.

    Dans les pays ex-socialistes d'Europe de l'Est, on a assisté à un passage brutal d'une conception de la société à une autre, avec tout ce que cela implique pour la (re)formation des personnels, la remise en question de la valeur de certains fonds, le bouleversement de la production de livres et d'un système de prix stables. L'attente du grand public n'a peut-être pas beaucoup changé en termes du niveau de service attendu, mais le service a été dégradé (provisoirement, espérons-le) par la diminution des budgets et la hausse des prix de livres. L'attitude des autorités de tutelle a changé radicalement.

    Les Pays-Bas sont l'exemple type d'un pays économiquement avancé. Les bibliothèques publiques y jouent pleinement leur rôle dans la vie sociale et économique, et estiment avoir un devoir d'enseignement. Elles desservent une population dont le taux d'alphabétisation est élevé. L'infrastructure physique est remarquable et les personnels sont bien qualifiés. Mais des changements sont néanmoins en cours. Un rapport vient d'être publié sur le profil professionnel du bibliothécaire dans les bibliothèques publiques (8) Les bibliothèques de ce pays bien loti traversent en fait une période de remise en question : la recherche d'économies dans le budget accordé par l'État aux bibliothèques publiques et de recherche, un certain courant de pensée favorisant une plus grande autonomie des institutions, les évolutions démographiques, parmi d'autres facteurs, créent des incertitudes.

    En Grande-Bretagne, les orientations suivies depuis les années 1980 ont radicalement transformé le " paysage bibliothéconomique du pays. Les municipalités ont toujours l'obligation légale de fournir un service de bibliothèque financé sur les deniers publics, mais des réformes qui encouragent une gestion plus efficace ont ouvert la voie à la sous-traitance, à la limitation des heures d'ouverture des bibliothèques publiques et à l'augmentation du nombre des services payants. Les services offerts, et ce que le public est en droit d'en attendre, sont très clairement définis. Seulement, il n'est pas sûr que le grand public soit convaincu, ce public dont les attentes ont été formées en d'autres temps, par une très longue tradition de lecture publique.

    On pourrait prolonger cette liste indéfiniment : il y a autant de conceptions du rôle des bibliothèques dans la société qu'il y a de conceptions de la société ellemême. Dans un sens, on peut dire que tout le problème est là : dans de trop nombreux pays, les attentes du public vis-à-vis des bibliothèques, et les conceptions des décideurs, sont tributaires de conceptions vieillies. Rares sont les pays qui considèrent leurs bibliothèques comme des agents de la culture, comme des moteurs du développement.

    Le statut, la réputation et l'image de la profession

    L'IFLA a tenu un séminaire en 1992 sur le "problème de l'image de la profession. Ce séminaire, sous l'égide de la Table ronde sur la gestion des associations de bibliothécaires, était destiné principalement aux bibliothécaires des pays en développement, mais il a aussi permis de confronter les points de vue de ces pays avec ceux de collègues de pays plus fortunés.

    Il était frappant de constater, au cours de ce séminaire, combien de participants avaient le sentiment que, dans leur pays, le métier de bibliothécaire était sous-évalué. Ils étaient unanimes à penser que la mise en valeur de la profession passe par une meilleure formation professionnelle, une plus large publicité sur la réelle importance de la profession, et la création ou le renforcement d'associations capables d'être les porte-parole de la profession.

    Les conclusions provisoires d'une enquête de l'IFLA, sur « Le prestige, l'image et la réputation de la profession de bibliothécaire ont été présentées à ce séminaire. Cette enquête avait été menée parmi un certain nombre de professionnels (bibliothécaires) des pays en développement.

    Parmi les commentaires recueillis, on lit :

    • que les bibliothèques manquent de ressources financières ;
    • que les bibliothécaires sont insuffisamment formés ;
    • que les bibliothèques manquent de prise sur la vie économique et sociale de la communauté desservie ;
    • qu'il y a un manque de reconnaissance de la profession (souvent perçue comme étant < féminine »), donc le statut du professionnel est relativement bas.

    Il convient de signaler aussi d'autres études sur la sociologie de notre profession qui ont paru récemment dans les actes d'un symposium tenu à Budapest, au début de 1994. Les réflexions sur l'image de la profession (encouragées par l'IFLA et d'autres associations) et les conclusions qui en ont été tirées ont été rapportées par la presse professionnelle de nombreux pays.

    Nous savons tous que l'image populaire de notre métier est assez décevante - il n'y a pas besoin d'insister sur les caricatures que nous avons tous lues. Il est vrai aussi que l'image du lecteur dans la bibliothèque n'est pas forcément plus réjouissante, Anne-Marie Chaintreau nous l'a rappelé dans une communication sérieuse et drôle au congrès de l'IFLA l'année dernière à Barcelone (9) .

    L'image de la profession ne peut pas manquer de produire une certaine auto-sélection des étudiants demandant à suivre les cours de formation. On sait que les écoles de formation sont parfois tentées d'accepter des étudiants pas vraiment motivés, qui obtiennent finalement des diplômes médiocres, et ne trouvent que peu de débouchés. Si, en plus, les débouchés sont dans des bibliothèques ayant peu de ressources, où il n'y a que peu de distinction entre les tâches vraiment professionnelles » et les autres, la démotivation et la dé-professionnalisation du personnel sont rapidement (mal) perçues par les utilisateurs et les employeurs. C'est un cercle vicieux.

    Comment améliorer l'image de la profession et celle que nous avons de nous-mêmes ?

    Une meilleure image viendra d'une plus grande reconnaissance de la valeur de notre travail, la reconnaissance de son aspect « métier » et de son aspect « profession ».

    J'avance la proposition que cette reconnaissance passera par quatre actions : une attention permanente à l'augmentation de la qualité des prestations, l'adaptation des formations, le renforcement des associations professionnelles, et l'adoption d'une approche marketing » pour faire passer notre « message professionnel.

    La qualité des prestations

    Qu'est-ce que la " qualité " ? Sur le plan technique, l'attention à la qualité dans un service de bibliothèque peut porter sur de nombreux éléments : ceux que les usagers perçoivent directement et ceux qu'ils ne perçoivent pas. Parmi ces éléments il y a, pour ne prendre que quelques exemples, la politique des acquisitions, la qualité des notices dans une base de données, l'accueil du public (l'attitude du personnel, la gratuité ou non des services, les heures d'ouverture), le niveau de formation des personnels, etc.

    La qualité dans un service d'informa-tion-documentation peut également porter sur des temps de réaction très courts, la présence d'un personnel qualifié dans les disciplines concernées pour effectuer les recherches documentaires, la sélection, l'interprétation et la présentation des documents ou de l'information, la tarification, etc.

    Il va sans dire qu'il est impossible de porter un jugement sur la qualité d'un service sans pouvoir se référer à des objectifs définis à l'avance, à un plan stratégique, ou aux objectifs de l'établissement dont le service en question fait partie. Ces objectifs ne concernent pas directement la gestion interne (l'administration) mais la prestation de service.

    Divers organismes, y compris les associations professionnelles, peuvent être impliquées dans la formulation des objectifs d'un service de bibliothèque. Le contrôle de la qualité technique implique que l'on puisse définir tout d'abord des critères en fonction du type de service, du statut de l'établissement, et le type de public ; et puis que l'on définisse des indices (ou des « indicateurs ») se rapportant aux critères. Il est évident que certains de ces critères et de ces indices peuvent varier selon le contexte économique ou social. Ils peuvent, par exemple, s'appliquer différemment aux pays développés et aux pays en développement. De nombreuses études ont été publiées, d'autres sont en cours : peut-être convient-il de mentionner ici l'étude menée actuellement sous l'égide de l'IFLA pour déterminer des mesures de la qualité s'appliquant aux services de bibliothèques universitaires (10) .

    L'étude de N. Moore, Mesurer la performance des bibliothèques publiques (11) , préparée par l'IFLA et publiée par l'Unesco en 1989, a connu un succès certain. Les critères et les procédures de mesures proposés dans ce document ont été testés « sur le terrain dans de nombreux pays, en Norvège, aux Fidji, au Canada et en Colombie, pour ne citer que quelques exemples.

    A part les aspects techniques, il ne faut pas négliger l'importance de la qualité en termes de « professionnalisme », que l'on pourrait définir ainsi : la fourniture d'un service dans le respect de la déontologie professionnelle.

    Le maintien de la qualité implique une attitude positive de la part des personnels, et que l'on s'occupe de leur formation continue en fonction de l'évolution des besoins du service.

    L'adaptation des formations

    Je n'ai pas l'intention d'entreprendre ici une analyse comparative des différents cours de formation offerts. L'état de la formation professionnelle de nos jours est amplement analysé et commenté dans toutes les revues professionnelles. Ce qui est remarquable, c'est qu'il semble être question dans de nombreux pays de faire face à une crise : crise d'identité du métier pour lequel on forme les étudiants, débat sur le nombre et le contenu des formations, manque de débouchés pour les diplômés, et ainsi de suite.

    Dans ces conditions, dans les formations longues, il est essentiel de porter l'accent sur l'acquisition de connaissances de base, une culture générale et le développement d'une attitude « professionnelle ». A partir de ces bases, les futurs bibliothécaires pourront s'adapter à l'évolution de leur profession.

    Dans les services de bibliothèque de la plupart des pays, les catégories de personnel se résument grosso modo à une catégorie d'agents techniques, une catégorie d'assistants qualifiés et une catégorie de cadres (soit des scientifiques, soit des gestionnaires).

    Les formations courtes (initiales, pour les agents techniques, et de conversion, pour les diplômés) doivent toujours être remises à jour suivant l'évolution des techniques. Ces formations doivent répondre aux attentes des employeurs - ce qui implique que les responsables de la formation professionnelle les définissent en consultation avec les employeurs.

    Il est souhaitable que les formations initiales et moyennes consistent en un tronc commun de bibliothéconomie, d'informatique, d'archivistique, de sciences de la communication, des métiers du livre et de l'information - suivi de cours facultatifs de spécialisation.

    Les cours destinés à ceux, scientifiques ou administratifs, qui pourront accéder aux postes de direction, doivent comprendre : les principes de gestion, l'informatique, etc.

    Le brassage des idées et le maintien à niveau des compétences seraient aussi le résultat d'un plus grand effort à l'échelle internationale pour obtenir un accord sur l'équivalence des diplômes.

    Il faut des enseignements pour former des spécialistes dans tous les domaines, des restaurateurs aux informaticiens. Les pays avancés ont suffisamment de ressources économiques pour offrir toute la gamme des formations, parfois même dans des centres spécialisés. Dans certains pays en développement, en revanche, ce choix serait un luxe. Ces pays ont besoin tout d'abord de sauver leurs bibliothèques. Des spécialistes de ces pays estiment qu'il est urgent de mettre à jour le profil du bibliothécaire ; mais il n'est pas aisé de créer des cours de formation moderne au niveau national avant d'avoir déterminé les objectifs du service qu'on veut moderniser et les besoins en personnels qualifiés, défini les tâches de chaque niveau et le contenu des formations, examiné le nombre de débouchés prévu dans le plan national correspondant, et trouvé le moyen de financer une formation à haut contenu technologique.

    Cet effort est si difficile et si coûteux qu'on a trouvé parfois la solution en la création de cours régionaux de sciences de l'information / bibliothéconomie dans des institutions desservant toute une région. Pour ne citer que quelques exemples : c'est le cas de l'Asian Institute of Technology (AIT) à Bangkok, de l'université du Pacifique sud à Nouméa, de quelques universités dans les pays arabes, et c'est le cas des écoles de bibliothéconomie de quelques grandes universités africaines (telle l'université du Botswana), soutenues par l'aide au développement fournie par des pays européens.

    Mais le modèle ne réussit pas toujours. De nouveaux programmes ont bien été créés en Amérique latine dans les années 1980, et il convient de noter le succès du Programme régional créé à l'université Simon-Bolivar au Venezuela. Mais le directeur de ce Programme a lui-même noté que le même enseignement dans un programme à vocation régionale ne peut pas avoir le même impact à travers toute la région, dans des pays qui diffèrent tant dans leurs structures socio-économiques et culturelles et dans leur perception politique du développement (12) . Il note également qu'il est difficile d'obtenir le financement nécessaire à la création de nouveaux cours universitaires au niveau national pour un groupe professionnel dont le profil est si flou.

    Pour en revenir aux attentes

    Il semble évident que les compétences attendues des personnels dans ces diverses catégories relèvent d'abord de la maîtrise des techniques (les compétences traditionnelles adaptées à l'utilisation des technologies modernes), puis d'un comportement et d'une attitude « professionnels ». Pour les postes à contenu scientifique, on peut exiger - en plus des connaissances de la discipline choisie - des capacités d'analyse, de gestion au niveau d'un service, une certaine affinité avec l'informatique, un profil de formateur, et le sens de la communication et de l'accueil du public. Pour les postes de direction, on exige aujourd'hui surtout des capacités de gestionnaire, un talent de chef politique et une large vision de la mission de l'organisation.

    Ce n'est pas peu demander, et l'on constate en effet dans beaucoup de pays que les autorités de tutelle chargées de pourvoir des postes au sommet des grandes bibliothèques se tournent parfois vers des gestionnaires chevronnés venus des entreprises ou de la haute fonction publique, et même de l'industrie.

    Les attentes des employeurs pèsent lourd dans la définition des cursus de formation. Il y a une opposition entre la nécessité pour une profession de définir ses propres objectifs, et la nécessité d'obéir aux lois du marché (en l'occurrence, la politique du gouvernement ou des entreprises, qui influent sur la demande de services de bibliothèques et donc sur l'offre d'emplois). Nous devons impérativement rester à l'écoute de nos usagers, qui sont en même temps nos employeurs, en tant que contribuables.

    Les associations professionnelles et les écoles de bibliothéconomie (ou les centres de formation) doivent se mettre en avant, faire valoir leur aptitude à être les interlocuteurs des employeurs et des gouvernements. Ce dialogue a lieu en France, et les avis des associations sont pris en compte.

    La réflexion en cours aux Pays-Bas vise à renforcer la position du bibliothécaire qualifié dans les bibliothèques desservant le grand public, par le moyen d'une analyse approfondie de ce qui constitue les tâches, à divers niveaux, de ces personnels. Les résultats de cette analyse permettront de mieux défendre le statut des bibliothécaires dans les négociations avec les employeurs et d'améliorer l'image du bibliothécaire dans l'esprit des usagers ; mais ce qui est même plus important, l'étude permettra de mieux définir :

    • l'impact des services (aspects externes) ;
    • l'efficacité des services (aspects internes) ;
    • les besoins en personnels aux différents niveaux ;
    • le contenu des formations, en accord avec les directions des écoles de formation.

    La définition d'un profil optimal implique que les personnes acceptées dans les cours de formation des écoles doivent être celles qu'on estime susceptibles de répondre à ces critères, et que les écoles ne doivent pas accepter d'inscriptions simplement pour des raisons économiques.

    Il semble que le profil de la profession ait changé depuis quelques années - ou qu'il est en train de changer, et pour le mieux. La sélection des étudiants s'en ressentira. On peut en conclure que l'expérience et le jugement des écoles de formation et des associations professionnelles, ensemble, doivent être décisifs dans la définition des programmes et des objectifs de formation.

    Le rôle de la formation continue aura de plus en plus d'importance à l'avenir. Ce genre de formation est la plus apte à permettre aux personnels déjà expérimentés de prendre la mesure des changements techniques intervenus. La formation continue entreprise dans l'établissement même est souple et s'adapte aux besoins de petits groupes. Paradoxalement, en même temps que les évolutions techniques rendent nécessaire un recyclage professionnel, les pressions économiques auxquelles les bibliothèques sont soumises ne leur permettent pas toujours d'arracher leurs personnels à leurs tâches principales pour leur faire donner - ou suivre - de telles formations. Cela est vrai surtout des petites bibliothèques ou centres de documentation. Pourtant c'est essentiel, et l'efficacité du personnel en dépend. Ce genre de formation est même d'autant plus efficace que le nouveau savoir est immédiatement mis en application, et que les étudiants . sont motivés parce qu'ils voient l'utilité de ce qu'ils apprennent.

    A l'échelle internationale, des efforts sont faits pour encourager une réflexion sur les méthodes et les objectifs de la formation professionnelle et continue. Les spécialistes IFLA de la formation professionnelle ont tenu plusieurs séminaires de réflexion au cours des dix dernières années. Il convient de noter en particulier le séminaire pré-conférence de Londres (1987) qui a réuni de nombreux spécialistes des pays en développement, et qui a permis de faire le point sur la situation dans ces pays. Ce séminaire a voté des recommandations portant sur la nécessité d'harmoniser les programmes de formation de bibliothécaires, de spécialistes de l'information et d'archivistes, en précisant les méthodologies à appliquer et le contenu des programmes. Il a également adopté des recommandations sur la formation continue des enseignants, sur l'équivalence des diplômes et sur la déontologie commune aux trois professions.

    La Table ronde de l'IFLA sur la formation professionnelle continue a été créée en 1985. Elle a tenu sa deuxième conférence en 1993 (13) , et sert de forum de débats sur les politiques et les techniques de formation continue. Elle permet de confronter les expériences de collègues de pays en développement et de pays avancés.

    Le renforcement des associations professionnelles

    Le rôle des associations n'est pas seulement de satisfaire le besoin très humain d'appartenir à un groupe. Les associations ont essentiellement la vocation de s'occuper de :

    • la déontologie ;
    • de la défense de leurs membres, des objectifs de la profession et de la liberté intellectuelle ;
    • la définition du contenu de la formation professionnelle ;
    • la coopération avec les associations d'autres pays et avec celles qui représentent d'autres professions.

    La déontologie

    De nombreuses associations nationales ou sectorielles ont étudié et publié un code d'éthique professionnelle. Le code de la Library Association de Grande-Bretagne (14) , publié il y a plus de dix ans, met l'accent sur l'obligation des membres de se comporter d'une façon qui ne jette pas le discrédit sur l'Association, de maintenir leurs connaissances et compétences professionnelles à jour, de fournir un service de bonne qualité, de remplir leurs obligations contractuelles, de refuser la discrimination dans leurs rapports avec les usagers, de respecter la confidentialité.

    Un comité de l'American Library Association vient de terminer une longue consultation sur la révision de son code d'éthique. Un nouveau texte provisoire a circulé en 1994 (également sur l'IN-TERNET). Il met l'accent d'un côté sur la qualité du service rendu, le refus de la censure, la confidentialité et l'impartialité dans l'exercice du devoir professionnel et, d'un autre côté, sur la défense des collègues et de la profession, le maintien des compétences des professionnels, le désintéressement.

    Les nouvelles associations démocratiques des pays de l'Est européen ex-socialistes ont publié des informations sur leurs objectifs et leurs statuts. C'est le cas notamment de l'Association des bibliothécaires de Lituanie, refondée en 1989, et de la nouvelle Association des bibliothèques slovaques, fondée en 1992.

    Et il ne faut pas oublier que l'American Library Association déclare que sa mission est de remplir le rôle de leader « pour le développement, la promotion et l'amélioration des services de bibliothèque et d'information et pour la profession de bibliothécaire afin de mettre en valeur le savoir et d'assurer l'accès à l'information pour tous (15) ».

    Le respect de la déontologie et le concept de « professionnalisme » sont intimement liés, on l'aura compris.

    Il est intéressant de constater que le souci de la qualité du service rejoint quelques-uns des points repris dans certains codes de déontologie. En Grande-Bretagne, la Library Association a publié une Charte des bibliothèques en 1993, et publiera en 1994 un document normatif sur les services fournis par les bibliothèques publiques (16) . En France, la Charte des bibliothèques a paru en 1992 (17) . Bien que ces deux textes ne soient pas tout à fait semblables, ils parlent tous les deux du rôle culturel des bibliothèques, du droit d'accès à l'information, de la formation des personnels.

    Le besoin s'est fait sentir de temps en temps d'un code de déontologie universellement reconnu par les associations internationales représentant les professions des bibliothèques, des archives et de l'information. C'était d'ailleurs une des recommandations du séminaire IFLA de Londres (1987) sur l'harmonisation de la formation dans ces professions.

    Pourtant, un tel code commun n'a pas encore vu le jour. L'IFLA ne publie pas elle-même de code déontologique. Lorsque la question a été posée, on a estimé que cela ferait double emploi avec les codes (nationaux) existants. On peut toutefois entrevoir les grandes lignes ou les éléments d'un code dans la déclaration de politique à long terme de l'IFLA (18) .

    L'IFLA vient également de préparer le nouveau texte du Manifeste des bibliothèques publiques, qui doit être publié par l'Unesco. Ce Manifeste est le fruit d'une large consultation internationale.

    Tenant compte de la nouvelle situation des bibliothèques publiques, il met l'accent sur la responsabilité de ces bibliothèques de fournir avec impartialité un service de haute qualité professionnelle, en fonction d'objectifs et de normes clairement définis. Il parle du droit des citoyens à l'information à des fins de développement social et culturel ; mais il parle également de l'importance économique des services de bibliothèque et d'information, des ressources et des politiques qui doivent sous-tendre ces services, de la formation des personnels et de l'exploitation des possibilités offertes par la technologie.

    Dans le texte provisoire de ce Manifeste, on peut lire : « La lecture est la clef de la connaissance et de l'information. Aussi est-il important d'encourager, dès la petite enfance, le développement des habitudes de lecture. C'est pourquoi la bibliothèque publique se doit de fournir des services propres à favoriser et à améliorer la pratique de la lecture, à vaincre l'illettrisme des adultes et contribuer ainsi à combler l'écart entre bien et mal informés (19) . »

    La formation

    Dans la plupart des cas, la formation en tant que telle ne semble pas être du ressort des associations professionnelles. Leur rôle se limite normalement à :

    • la définition des compétences requises dans l'exercice du métier ;
    • la consultation avec les autorités de tutelle et les écoles sur les modalités de la formation ;
    • le contrôle de certains types de formation et la délivrance de diplômes.

    En ce qui concerne la définition des compétences, je voudrais simplement citer deux exemples récents des activités d'autres associations nationales européennes.

    Tout d'abord, aux Pays-Bas, le NBLC a défini (dans son rapport sur le profil professionnel) ce qui constitue actuellement l'essentiel du contenu des tâches des personnels des bibliothèques de lecture publique. Ce rapport donne quelques indications sur les orientations à venir. L'accent sera mis sur une meilleure adaptation de l'offre de services à la demande. Concernant la formation des personnels, il est probable qu'on portera l'accent sur le bibliothécaire comme intermédiaire, conscient du droit du public à l'information et sur les compétences en matière de communication et de gestion. Compte tenu de la professionnalisation du métier de bibliothécaire, on essaiera de mieux exploiter le grand nombre de personnels diplômés et de faire en sorte que les programmes de formation tiennent pleinement compte des besoins.

    En Grande-Bretagne, la réglementation sur les nouvelles National Vocational Qualifications est entrée en vigueur, et les associations de bibliothécaires assument leur responsabilité de surveillance de la délivrance de ces qualifications.

    Selon les pays, cette consultation entre les associations et les autorités de tutelle peut porter sur :

    • le nombre des postes à pourvoir dans différents types d'établissement, selon les politiques en vigueur ;
    • le contenu des formations en fonction d'objectifs professionnels.

    Les associations ne doivent pas dicter leur loi aux écoles de formation, qui sont autonomes ou dépendent de l'État ou des collectivités. Il n'empêche que les associations ont un rôle à jouer dans l'homologation de cours de formation. Aux États-Unis, l'ALA homologue 59 cours de formation dans des collèges divers (y compris un petit nombre au Canada).

    Il y a relativement peu d'associations de nos jours qui délivrent des diplômes à la suite d'enseignements ou de formations qu'elles offrent elles-mêmes sans l'aide d'établissements spécialisés. En revanche, certaines associations délivrent à leurs membres un certificat de compétence fondé sur l'accomplissement d'un stage ou d'un cours suivi ailleurs ou sur le « contrôle continu du travail quotidien pendant une période définie.

    A ce propos, une initiative britannique vaut d'être signalée : c'est l'encouragement aux personnels des bibliothèques d'assumer une grande part de responsabilité pour leur propre développement professionnel, de suivre un parcours d'études et de réflexion tout en travaillant, et d'en faire le bilan en rédigeant leur propre Professional Development Report.

    La défense de la profession

    La défense des objectifs et du statut de la profession est, on le sait, un des principaux objectifs d'une association. Une association n'est pas un syndicat ; pourtant, le désintéressement n'exclut pas de défendre les carrières des membres qui ont le droit de voir leurs compétences et leur engagement reconnus. L'importance des bibliothèques n'est nulle part contestée, mais la reconnaissance du rôle essentiel joué par la profession de bibliothécaire n'est jamais gagnée d'avance. Le propre d'une association est d'obtenir cette reconnaissance en mettant en évidence la valeur du travail professionnel ; et il est évident que le niveau de rémunération consentie aux différentes catégories de personnels constitue, dans l'ensemble, une jauge de la valeur que la société accorde à la profession.

    Les codes de déontologie promulgués par les associations imposent à leurs membres l'obligation de fournir un service de qualité au(x) public(s) pour qui le service existe, et cela sans aucune discrimination à l'encontre de quelque groupe que ce soit. Dans le cas d'un service de bibliothèque de recherche ou d'un service de documentation destiné à une clientèle restreinte, cela ne pose généralement pas de problème - sauf peut-être dans le cas de politiques d'acquisitions contestées et même de censure flagrante.

    Dans le cas des bibliothèques publiques, les directions et les personnels sont parfois confrontés à des choix difficiles : acheter ou non des documents controversés, enfreindre soit le principe du libre accès à l'information, soit celui de la non-discrimination. C'est un dilemme. Mais quelle que soit la solution trouvée, les professionnels qui seraient attaqués en justice (ou même physiquement - cela s'est vu) pour avoir agi en toute bonne foi et conformément à la déontologie sont en droit de s'attendre à ce que leur association les défende.

    Toutes les associations démocratiques prennent position contre la censure, et pour la liberté d'expression et de publication - mais contre toute "publication " ou expression d'une opinion qui incite à la violence ou à la discrimination. La recherche du dialogue ne doit jamais faire oublier que la Déclaration des droits de l'homme impose des obligations à tous.

    Notre profession a aussi pour objectif la défense du libre accès à l'information, mais dans le respect des lois sur la propriété intellectuelle. Et au cas où les associations estiment que ces lois doivent être adaptées, elles font des propositions dans ce sens. Depuis le début des années 1980, les associations de nombreux pays de l'OCDE ont eu l'occasion de défendre énergiquement auprès de leurs gouvernements la nécessité de tenir compte, dans des projets de loi, des intérêts des consommateurs face au lobby des propriétaires de droits. En conséquence, dans ces pays, la législation actuelle permet une utilisation « loyale de l'information à des fins de recherche, mais la bataille n'est jamais gagnée.

    Le dialogue des bibliothèques avec d'autres organisations faisant partie de la chaîne du livre, sociétés d'auteurs, maisons d'édition, sociétés de distribution, peut parfois buter sur des malentendus. Il est du ressort des associations de négocier avec ces partenaires.

    Signe du temps, les associations des pays de l'Union européenne ont bien vu le danger de ne pas s'engager dans certains débats, et de ne pas faire entendre leur voix, de sorte qu'ils ont créé un bureau pour les représenter auprès de la Commission européenne.

    Nous savons qu'à l'issue du débat sur le droit de prêt en Europe, les associations ont dû accepter une réglementation dont elles contestent certaines dispositions. Il est de l'intérêt de chaque pays d'adopter une politique nationale de promotion de la lecture qui respecte le droit à l'information, tout en respectant les droits des créateurs de l'information.

    Autre signe du temps, l'OMPI discute actuellement de la préparation d'une révision de la convention de Berne. Certaines ONG (dont l'IFLA) sont représentées aux auditions, mais notre profession a du mal à faire entendre sa voix face aux propriétaires de droits.

    Il est évident que le droit d'accès à l'information suppose que les bibliothèques soient en mesure d'obtenir tous les documents qu'elles estiment nécessaires. Toutes les associations professionnelles pensent avoir le devoir de défendre les budgets des bibliothèques et leur pouvoir d'achat qui a un impact direct sur le libre accès à l'information.

    Les relations internationales

    Les associations ont évidemment un rôle important à jouer dans ce domaine. Elles sont bien placées pour aider leurs homologues à l'étranger - par la diffusion d'informations sur les politiques professionnelles, par des accords de jumelage qui permettent d'organiser des stages, des programmes de dons de livres, des échanges de personnels, etc. Ces activités peuvent se mener avec tous les pays, mais présentent un intérêt tout particulier dans le cas d'échanges avec les associations des pays en développement.

    Il y a des activités qui tombent dans le domaine des relations internationales : les négociations sur l'équivalence des diplômes, la gestion des accords de coopération.

    Aucune association ne peut consacrer plus qu'une part très restreinte de ses ressources à ces activités, qu'elle doit toujours justifier auprès de ses membres ; mais elle peut les justifier en faisant valoir que les intérêts d'une profession sont forcément internationaux, même si les associations professionnelles sont des collectivités aux statuts réglés par des lois nationales.

    La gestion des associations

    Les associations doivent aussi se gérer d'une manière efficace et démocratique. L'importance des statuts d'une association, c'est qu'ils permettent aux membres de s'exprimer démocratiquement, à l'association de suivre une politique claire et à la profession de défendre son identité professionnelle.

    Le Programme général d'information de l'Unesco a publié des Principes directeurs pour la gestion des associations professionnelles d'archivistes, de bibliothécaires et de documentalistes, préparé par R. Bowden sous l'égide de l'IFLA (20) . Ce document important a été traduit dans de nombreuses langues. Il définit le rôle des associations dans la défense de la profession et du professionnalisme, pose les principes de l'organisation et de l'administration et ceux d'une bonne gestion financière des associations, propose les services professionnels qui peuvent être fournis et une définition des politiques qui peuvent guider les associations. Enfin, il propose un « règlement intérieur modèle ».

    La Table ronde de l'IFLA sur la gestion des associations continue à mener une réflexion et à diffuser informations et conseils sur ce sujet. Ce groupe organise une série d'ateliers dans différents pays pour expliquer et commenter les principes directeurs de R. Bowden. Avant le récent atelier en Hongrie, en mars 1994, on a recueilli des informations sur les statuts des nouvelles associations démocratiques des pays de l'Europe de l'Est. Il ressort de certains de ces documents que les nouvelles associations apprennent à se gérer autrement dans la nouvelle situation.

    Le marketing de la profession

    Il ressort de tout ce qui précède que l'amélioration de l'image populaire » du métier de bibliothécaire passe par une sensibilisation du public. Mais l'enjeu est trop important pour en rester aux actions cosmétiques ».

    La profession tout entière (les associations en tête) se doit d'insister sur la valeur économique des services d'information et sur l'importance des services de bibliothèque pour l'éducation, donc aussi en fin de compte pour l'économie nationale.

    La profession doit se mettre mieux en valeur, mais aussi écouter. Pourquoi le marketing de la profession est-il si important ? Parce que le marketing ne veut pas dire « la vente ». Ce vocable bizarre signifie, pour une profession orientée vers le service :

    • savoir quels sont ses propres objectifs ;
    • savoir quelles sont les ressources disponibles pour les atteindre ;
    • savoir quels sont les besoins et les objectifs des utilisateurs (actuels et surtout potentiels) ;
    • savoir comment les satisfaire ;
    • savoir comment évaluer et améliorer le service fourni.

    On n'oblige plus les clients à chercher les coordonnées des ouvrages qu'il leur faut dans des tiroirs de fiches catalographiques - bien qu'il y ait peut-être certains d'entre nous qui regrettent le bon vieux temps. De la même manière, on doit écouter notre public lorsqu'il s'agit d'améliorer notre service sur le plan humain : meilleur accueil dans les bibliothèques, meilleur accès à distance aux catalogues par la télématique. De la même manière encore, les associations doivent rester à l'écoute de leurs membres.

    Une approche « marketing de la profession, la mise en évidence de son importance économique, correspond aussi à la défense des membres.

    Prévoir les évolutions à venir

    Un métier ne survit qu'en s'adaptant, mais pour bien s'assurer de la survie de son métier, il faut savoir prévoir les évolutions à venir. Quelles sont les tendances actuelles qui vont se poursuivre et créer des enjeux pour notre profession, à l'échelle internationale ?

    La défense du droit de l'accès à l'information

    Et l'encouragement à la mise en oeuvre - bien dosée - des moyens techniques actuellement disponibles qui ouvrent l'accès à l'information. Mais il s'agit en même temps de ne pas être dupe, de regarder le coût de ces moyens nouveaux, leurs effets sur notre public.

    Dans tous les pays industrialisés, l'expérience du travail en réseau et de l'interrogation de bases de données fournies par des serveurs nationaux et internationaux est depuis longtemps acquise par les bibliothèques de recherche et les plus grandes bibliothèques publiques. Les avantages de ces moyens technologiques dans la mise à disposition de documents sont connus et reconnus.

    Les bibliothèques sont maintenant confrontées à d'encore plus grandes possibilités d'exploitation et d'interconnexion de ces outils merveilleux que sont les réseaux télématiques. Mais il serait sage, avant de se lancer sur les « autoroutes de l'information de se souvenir qu'elles sont chères (et de ce fait toujours inaccessibles aux petites bibliothèques) et ont des effets imprévisibles sur le comportement de leurs utilisateurs. La profession doit étudier soigneusement les coûts de ces services, la valeur des informations qui circulent, et leurs implications pour la déontologie.

    Les avantages et les inconvénients ? Il est évident que ces réseaux offrent la possibilité de resserrer les liens entre les membres de la profession. S'ils posent des problèmes, ceux-ci ne sont pas fondamentalement nouveaux, mais plutôt des problèmes connus apparaissent sous une forme plus aiguë.

    Par contre, les technologies de l'information ouvrent d'autres possibilités, déjà en exploitation, de communication professionnelle et de publication électronique - en abolissant la distance et en permettant d'adapter le tirage d'une publication à la demande. Mais il est faux (évidemment) de dire que le livre imprimé va disparaître.

    On a compris quelles en sont les implications dans le domaine de la propriété intellectuelle et comment la profession doit réagir. Essentiellement, nous devons concilier la défense du droit à l'utilisation loyale de l'information (dans un but culturel) et le respect des lois sur la propriété, tout en continuant à faire valoir que ces lois tendent à protéger les plus forts.

    La préservation du patrimoine

    Nous sommes tous conscients aujourd'hui des dangers qui menacent notre patrimoine - national ou international. Des plans de sauvegarde se trouvent mis en application depuis longtemps ou sont à l'ordre du jour des associations, des grandes bibliothèques ou des gouvernements. On sait à peu près quels sont les moyens techniques à mettre en oeuvre - bien qu'on sache moins comment financer des actions de sauvegarde à très grande échelle.

    L'enjeu est double : pour la profession dans son ensemble de réfléchir sur les critères de sauvegarde (puisqu'il faut choisir entre ce qu'on peut et doit sauver et ce qu'il est moins important de sauver, vu que le temps et les moyens nous sont comptés) et pour chaque professionnel de rester conscient des actions simples qu'il peut pratiquer quotidiennement pour préserver les documents « patrimoniaux » dont il est responsable.

    La reconnaissance de la valeur économique de l'information

    Et la prise en compte de cette évidence dans l'opération des services et la formation des personnels.

    La défense du rôle culturel des bibliothèques dans l'éducation et le combat contre l'illettrisme

    Et la prise en compte de ce rôle dans les politiques culturelles : les professions du livre, des bibliothèques et de l'information doivent combattre toute attitude et toute politique qui aillent à l'encontre des principes de la lecture publique et de la gratuité. Nous avons l'obligation de permettre à tous les membres de la communauté (majorité et minorités comprises) d'avoir accès au savoir. Cela entraîne des actions d'alphabétisation, des campagnes de publicité.

    Cela signifie la défense de nos objectifs professionnels contre un certain état d'esprit ou climat d'opinion qui aurait pour effet l'appauvrissement des services de bibliothèques actuels sans les remplacer par d'autres services répondant aux mêmes objectifs - des effets totalement négatifs, donc.

    L'action en faveur des pays en développement

    Les associations et les institutions des différents pays peuvent, selon leurs moyens, agir directement, soit soutenir activement les autres organisations - gouvernementales et non gouvernementales - qui ont plus de moyens et dont l'action vise à améliorer les conditions socio-économiques dans ces pays.

    Ce n'est pas de l'idéalisme, mais de l'entraide pratique et nécessaire. Le monde moderne de l'information est très petit, et nous sommes interdépendants les uns des autres.

    Un haut responsable du PNUD a dit très clairement, dans une réunion de l'Unes-co-PGI à Caracas en mars 1993 (21) , qu'un pays peut très bien avoir atteint un haut niveau de développement industriel sans pourtant que son niveau de développement social ait suivi. La pauvreté est flagrante dans de nombreux pays dont les indices de développement industriel sont pourtant favorables - et c'est la pauvreté qui menace la paix sociale. Les politiques d'éducation et d'action culturelle doivent tenir pleinement compte du fait que l'information est un facteur de développement ; mais si les professionnels des bibliothèques et de l'information ne mettent pas en avant cette vérité évidente, elle risque de ne pas être comprise.

    Les implications ?

    La profession doit faire mieux que s'adapter, elle doit prévoir, réfléchir sur les vrais enjeux, et agir. Une collaboration stratégique se révèle nécessaire pour défendre les objectifs des associations dans le secteur des bibliothèques et de l'information. Effectivement, des évolutions sont en cours :

    • dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine, l'IFLA, le CIA et d'autres ONG collaborent avec l'Unesco dans l'élaboration de programmes « Mémoire du monde » ;
    • la collaboration internationale entre les professions des bibliothèques, des archives et l'information est de nouveau à l'ordre du jour, puisqu'il est question d'une réunion en octobre de cette année (au cours du congrès de la FID à Tokyo) pour examiner la possibilité d'une approche commune des professions au niveau international pour défendre l'accès à l'information.

    Conclusions

    Quel sera demain le métier du bibliothécaire ? Quel sera le dénominateur commun entre les professionnels des pays riches et ceux des pays pauvres ?

    On peut voir dans les différentes chartes nationales des bibliothèques, et dans le Manifeste pour les bibliothèques publiques, quelques indications des diverses options professionnelles des associations.

    Au fond, le métier de demain n'aura pas changé de mission culturelle, mais il exigera de ses praticiens une formation encore plus rigoureuse et des compétences nouvelles. Les conditions économiques dans le monde de demain seront sûrement encore plus dures qu'au-jourd'hui. La composante technologie appliquée de la formation professionnelle sera rigoureuse.

    Les emplois seront moins assurés, moins confortables ; mais par contre ils offriront de nouvelles possibilités d'épanouissement professionnel - à une condition : que les professionnels sachent exploiter les nouvelles technologies et ne pas s'en détourner.

    Un plus grand rapprochement ou une plus étroite collaboration entre les associations pourra en être une conséquence. Seules, réunies au niveau national, ou au sein de l'IFLA, les associations pourront définir quels sont leurs objectifs prioritaires communs, quelles sont les formations requises, quelles sont les politiques à suivre.

    Quelles ressources seront disponibles pour atteindre ces objectifs ? On ne nous apportera pas ces ressources sur un plateau d'argent. La profession et ses associations devront apprendre à mieux connaître les organisations qui sont susceptibles de les aider, et peut-être même à mieux connaître leur public.

    Texte révisé, La Haye, juillet 1994

    1. State of the Modern Information Professional 1992-1993: an international view of the state of the information professional and the information profession in 1993-1993 / Compiled by the FID Spécial Interest Group on Roles, Careers and Development of the Modern Information Professional (FID/MIP). - La Haye, FID, 1992. - (FID 701). retour au texte

    2. Rosza, Gyorgy. "Information policy in [the] new circumstances of [a] region of Central and Eastern Europ with spécial regard to Hungary", in State of Information Professional, p. 99-104. retour au texte

    3. Status, Image and Réputation of Librarianship: a report of an empirical research undertaken on behalf of IFLA's Round Table for the Management of Library Associations / by Hans Prins and Wilco de Gier. - La Haye ; IFLA/NBLC, 1993. 85 p. D'autres études sont publiées dans les recueils suivants : le recueil de la FID(op. cit. note 1) ; The Future of Librarianship. Proceedings of the 2nd international Budapest symposium, January 1994 / Ed. R. Verwer et al. - Amsterdam : Hogeschool van Amsterdam, 1994. retour au texte

    4. Sagna, Rémi. Diffusion de l'information en milieu rural africain : l'exemple des centres de lecture et d'animation culturelle (communication 62. Africa. F. présentée au congrès de l'IFLAà Barcelone, 1993). retour au texte

    5. Permadi, Paul. News from National Library of In-donesia in CDNLAO Newsletter, n° 20, janvier 1994. retour au texte

    6. Paez Urdaneta, Iraset. "To Experience a Connection; in Search of a New Information Professional for Latin America", in State of the Modern Information Professional..., op. cit., pp. 33-53. retour au texte

    7. Carvalho de Miranda, A.L. "The Rôle of Professionnalisme in Curriculum Development for Information Personnel: the Case of Brazil", in Harmonisation of Education and Training Programmes for Library, Information and Archivai personnel. Proceedings... - Mùnchen : Saur, 1989. (IFLA Publications n° 49). retour au texte

    8. Beroepsprofil bibliothecaris openbare bibliotheken. - La Haye : NBLC, 1994. retour au texte

    9. Chaintreau, Anne-Marie. Lecture, lecteurs et bibliothèques dans la fiction au xxesiècle (communication n° 52-READ-F présentée au congrès de l'IFLAà Barcelone, 1993). retour au texte

    10. Performance Mesurment in University Libraries Par un groupe de travail de la section IFLA des Bibliothèques universitaires, sous la direction de Mme R. Poil, Bu de Munster (Allemagne) [En préparation]. retour au texte

    11. Moore, N. Mesurer la performance des bibliothèques publiques. - Paris : Unesco, 1989. (PGI89/WS/3). retour au texte

    12. Paez Urdaneta, I. « The Development of the RGPIS at Simon Bolivar University : Learnings [sic] and Perspectives ». In Journal of Education for Library and Information Science, vol. 32, n° 1/2 (1991), p. 66. retour au texte

    13. Continuing Professional Education and IFLA: past present, and a vision for the future. Papers from the IFLA CPERT Second World Conférence on continuing professional education for the library and information science professions / Edited by B. Woolls. - München : Saur, 1993. (IFLAPublications n°66/67). retour au texte

    14. Guidance Notes on the Code of Professional Conduct. - London : the Library Association, 1986. (disponible auprès de l'Association). retour au texte

    15. ALA. Mission statement ; cité dans ALA Handbook of Organization. retour au texte

    16. "A Charter for Public Libraries". Texte disponible auprès de la Library Association, Londres. retour au texte

    17. Charte des Bibliothèques. - Paris : Association du Conseil supérieur des bibliothèques, 1992. (Extrait du Rapport du président pour l'année 1991). retour au texte

    18. Statement of Long Term Policy, 1991 ». (Publié dans la brochure Le Programme à moyen terme de l'IFLA 1992-1997, disponible auprès du secrétariat de l'IFLAà La Haye.) retour au texte

    19. Citation du Manifeste Unesco pour les bibliothèques publiques, version révisée de 1994. (Texte remis par l'IFLAau Programme général d'information de l'Unesco en mai 1994.) retour au texte

    20. Bowden, Russell. Principes directeurs pour la gestion des associations professionnelles d'archivistes, de bibliothécaires et de documentalistes. - Paris : Unesco/PGI et UNISIST, 1989 (PGI89/WS/ll). retour au texte

    21. Kliksberg, B. Conference. In Meeting of Experts for the Definition of regional Information Strate-gies in Latin America and the Caribbean (Caracas, March 2-4 1993). Final report. - Caracas : Unesco-PGI, 1993. (PGI/LAC-93/2). retour au texte