Index des revues

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    Par Marc Chauveinc, Inspecteur général
    Gérald Grunberg, dir
    Jean-Sébastien Direction du livre et de la lecture, collab
    Dupuit, préf

    Bibliothèques dans la cité

    Guide technique et réglementaire

    Paris : Le Moniteur, 1996. - 452 p. 111. ISBN 2-281-1221-7. Prix : 740 F.

    Cet ouvrage est une réédition largement remaniée de La Bibliothèque dans la ville, ouvrage célèbre et fondamental publié en 1984, sous l'impulsion de Louis Yvert et la direction de Marie-Françoise Bisbrouck.

    Quand on connaît l'évolution des constructions de bibliothèques publiques en général et leur développement particulier en France depuis dix ans, on peut regretter que cette publication ait subi un si long retard. De mauvaises relectures, un manque de supervision avaient laissé passer un tirage indiffusable qu'il a fallu refaire. C'est dommage, car les bibliothécaires avaient, et ont toujours, un urgent besoin d'un manuel les aidant à maîtriser la programmation et le processus de construction ou de rénovation de leur bibliothèque. Cette publication est donc plus que bienvenue. Elle vient, de plus, compléter l'ouvrage de Marie-Françoise Bisbrouck sur les bibliothèques universitaires paru en 1993, l'ouvrage descriptif paru la même année, Bibliothèques, une nouvelle génération: dix ans de constructions pour la lecture publique, Un espace pour le livre de Jacqueline Gascuel et de nombreux articles cités dans la bibliographie. C'est dire que l'édition française sur les constructions commence à s'étoffer.

    Pour Gérald Grunberg, qui a rédigé l'introduction et dirigé la rédaction, il n'est plus nécessaire de visiter les bibliothèques étrangères car les réalisations françaises sont désormais nombreuses et intéressantes. Les changements intervenus depuis dix ans dans la lecture publique sont importants et modifient l'approche des nouvelles constructions : expérience acquise, décentralisation et concours particulier, nouveaux médias, électronique, lutte contre l'illettrisme, nouvelle approche économique et organisationnelle, ambition architecturale, etc. Cette ambition architecturale signifie qu'après des décennies de constructions violettes ", effacées et sans grâce, les architectes cherchent à produire des bâtiments plus spectaculaires. Gérald Grunberg termine son introduction en fournissant deux clés de lecture pour l'ouvrage : fournir des connaissances techniques, décrire de façon détaillée les fonctions de la bibliothèque afin de faciliter les choix du programme. L'aspect bibliothéconomique de la programmation a été privilégié.

    L'ouvrage est ensuite découpé en six parties dont la première fixe le cadre général, en commençant par une histoire des bibliothèques publiques dans la deuxième moitié du XXe siècle de Martine Blanc-Montmayeur et, notamment, des constructions, de l'informatique, des nouvelles pratiques culturelles, de la décentralisation. Ce n'est, en effet, qu'à partir de 1950 que les bibliothèques publiques françaises ont « décollé Elle est suivie, mais aurait pu être précédée, par un chapitre de Michel Melot sur Qu'est-ce que la lecture publique? » et par une analyse du public des bibliothèques par Bernadette Seibel. Le cadre est ainsi succinctement, mais profondément planté et la lecture des trois chapitres donnera au lecteur, professionnel ou autre, une vision large et complète du monde des bibliothèques et de ses missions contradictoires.

    Nous entrons alors dans le vif du sujet, avec une partie sur l'analyse préalable. Tout le monde sait que cette étape est difficile mais essentielle pour la réussite d'un projet de construction. C'est pourquoi Danielle Robert intitule son chapitre « Sans programme pas de bibliothèque, pas de programme sans bibliothécaire ». Cette analyse commence par l'environnement, décrit par Claudine Irlès, municipal, démographique, documentaire, financier, culturel. Elle se poursuit par les données urbanistiques et les choix architecturaux de Patrick O'Byrne. Nous entrons alors dans la technique des choix concrets du site, de l'accessibilité, de la disponibilité foncière. Les choix architecturaux sont difficiles à discuter, mais l'auteur donne des éléments d'appréciation fonctionnelle qui peuvent être utilisés par le bibliothécaire. Les liaisons, la lisibilité, l'évolutivité, la charge au sol, le confort en font partie.

    En premier lieu, le bibliothécaire doit fournir à l'architecte un programme de ses besoins (nombre de places pour les lecteurs et le personnel, taille des magasins, organisation du bâtiment, circulation des documents, etc.). Ce programme doit être clair, écrit Philippe Charrier, afin que l'architecte sente « l'âme de la bibliothèque et la traduise en espaces. Dans les données bibliothéconomiques, il présente les différents ratios qui permettent d'estimer les surfaces nécessaires aux lecteurs (de 1,8 à 2,5 m2par lecteur), aux livres, aux passages, avec des graphiques permettant à chacun de construire son implantation. Les circuits et l'organigramme sont aussi très importants.

    Pierre Franqueville décrit ensuite les services publics avec de nombreuses photos de halls d'entrée et de salles de lecture. En font partie les espaces de prêt, l'audiovisuel, l'artothèque, la consultation sur place, et aussi les espaces pour enfants présentés par Annie Pissard. Les espaces intérieurs sont décrits par Jean-Paul Oddos, dont les ateliers d'entretien ou de reproduction des livres, les magasins. Différents modèles de magasins sont présentés avec leurs avantages et leurs inconvénients, les surfaces nécessaires, les emplacements, les conditions climatiques et de sécurité. De nombreux plans sont proposés.

    Cette troisième partie se termine par deux chapitres : l'un de Bertrand Calenge sur les équipements de proximité, c'est-à-dire les annexes et petites bibliothèques et l'autre d'Hélène Jacobsen sur les bibliobus. Pour chacun sont présentés les raisons, les fonctions, le public, l'organigramme, les surfaces, le mobilier et, évidemment, le véhicule.

    La quatrième partie est un mémento, établi par la DLL, qui résume pour les futurs constructeurs, bibliothécaires, élus ou architectes, le cadre administratif général des bibliothèques publiques, les aides de l'État, le personnel, les statistiques nationales de 1993. Un autre chapitre, rédigé à plusieurs, reprend les éléments pour une programmation. Celle-ci « exprime une conception fonctionnelle de la bibliothèque, avec une traduction en superficies et en liaisons ". Ce chapitre propose des modèles théoriques comprenant des tableaux par taille de communes et des fiches sur les fonctions assurées par les bibliothèques municipales. C'est un guide intéressant qui permet un futur programmiste (terme préféré à programmateur) de quantifier son projet en fonction de la taille de la commune et de la bibliothèque. Pour donner un exemple, un tableau montre le nombre de places assises de lecteurs selon la population à desservir : 45 places pour 5 000 habitants, 630 places pour 90 000 habitants. Un autre donne l'importance de la collection, les mètres carrés nécessaires ou le nombre de postes toujours selon la population. Attention, ces tableaux ne sont pas des normes, mais ils fournissent aux élus comme aux architectes un ordre de grandeur de la bibliothèque par rapport à la ville. Tout ceci doit être évidemment modulé selon des caractéristiques propres à la ville (petite commune avec un important fonds ancien) ou la volonté des élus. Rappelons que le concours particulier n'exige qu'une surface minimum et laisse le maximum à l'appréciation du maire. Des tableaux, maintes fois utilisés dans tous les projets de construction, comme il en figurait déjà dans La bibliothèque dans la ville. Repensés à la lumière de l'évolution des pratiques, ils concernent les principales fonctions de la bibliothèque, et sont complétés par des spécifications particulières à certaines fonctions comme les fonds anciens, l'artothèque, le laboratoire de langues, l'espace handicapés et le bibliobus. En fin de cette partie, est fourni un élément très important de tout projet : le calendrier. Sont indiquées les étapes du projet depuis la décision de construire jusqu'à la réception du bâtiment, en passant par le concours d'architecte, les notions de maître d'ouvrage et de maître d'oeuvre, l'APS et l'APD.

    La cinquième partie reprend les textes officiels concernant les bibliothèques publiques : décentralisation, statuts, concours particulier et personnel des bibliothèques.

    Une bibliographie de 168 numéros complète l'ouvrage. J'y ajouterais le Guide pratique de Pierre-Yves Duchemin sur l'informatisation des bibliothèques qui n'était sans doute pas paru lors de la rédaction de cette bibliographie. Elle est suivie d'une liste d'adresses et surtout d'un index qui permet de s'orienter dans les 442 pages du livre.

    Ce bref compte rendu, dans lequel j'ai essayé de résumer tous les chapitres de ce guide pour en manifester la richesse, montrera, je l'espère, l'importance de cet ouvrage de référence, tant attendu, qui s'impose à tous ceux, bibliothécaires, architectes ou responsables politiques, envisageant la construction, la rénovation ou l'agrandissement d'une bibliothèque. Selon les chiffres de la DLL, il reste 60 villes de plus de dix mille habitants sans bibliothèque municipale et 400 000 m2à construire pour achever la modernisation de notre pays. Sans compter les grandes villes comme Marseille, Toulouse et Lille qui souffrent de ne pas avoir une bibliothèque moderne. C'est dire si le travail des bâtisseurs ne manque pas et si ce guide sera utile. Il s'intitule guide technique mais il est beaucoup plus que cela. Dans beaucoup de ses aspects, il est aussi un bon manuel de bibliothéconomie qui peut suggérer au lecteur des solutions originales aux problèmes qu'il rencontre.

    Dire qu'il est sans défaut serait exagéré car le rassemblement d'articles d'auteurs différents provoque des redondances et des répétitions. On parle deux fois du personnel des bibliothèques, était-ce nécessaire dans un livre sur les constructions ? Les statuts de ce personnel sont un peu hors sujet. Si les plans sont les bienvenus, certains schémas d'organisation ne sont pas suffisamment lisibles. Mais cet ouvrage n'est pas à lire en continu. Il restera un outil de référence que l'on consulte ponctuellement pour un renseignement précis ou une démarche. Dans cet objectif, il reste utile et même indispensable.