Index des revues

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    Par Jacqueline Gascuel
    Marine de Lassalle

    L'impuissance publique

    La politique de la lecture publique en France (1945-1993)

    Thèse pour le doctorat de science politique [...]. - Paris, 1996, 663 p. (multigraphié).

    Résultat d'un travail acharné, qui a fait alterner de multiples lectures, avec de très nombreuses interviews réalisées de 1990 à 1992, les propos relayant les écrits et apportant souvent un éclairage plus direct, une spontanéité parfois insolite. Les documents exploités sont multiples et très divers. Certains sont propres au monde des bibliothèques, telle la presse professionnelle (Bulletin d'informations de l'ABF, Bulletin des bibliothèques de France, Médiathèques publiques, Interligne, Transversales, Réseaux, Livres Hebdo, Documentation et bibliothèque, ...), les Rapports (de celui du Groupe d'Études de 1966 à ceux du CSB), les ouvrages parus au Cercle de la librairie, à la Documentation française, etc. D'autres références renvoient à des documents plus généraux traitant de l'État et des politiques publiques, de sociologie ou de culture. À ces lectures s'ajoutent le recours aux archives des ministères, le dépouillement du JO et notamment des débats parlementaires. Tout est dit, analysé, compris, ... même si de temps en temps le propos s'emballe un peu, comme le titre lui-même, en une critique lourde. Critique qui déroutera certains lecteurs dans la mesure où l'auteur n'hésite pas à dénoncer telle ou telle prise de position... quitte à dénoncer plus loin (dans un autre contexte il est vrai) la prise de position opposée. Voir par exemple ce qui est dit à propos de la pratique par les bibliothécaires d'une sélection / censure puis de leur quasi-renoncement à toute pratique sélective, à toute interférence dans les choix du public. Et pourtant, pour ma part, j'apprécie fort le recul pris par l'auteur : il est bon de se voir dans le regard des autres et ses critiques sont tout à fait salutaires face à l'autosatisfaction dont sont emprunts tant de discours de nos tutelles - dont est souvent emprunt aussi notre propre langage. Tout se passe comme si en cherchant à défendre les bibliothèques et les bibliothécaires, nous avions surtout créé chez nos partenaires des réactions de rejet ? Voire de mépris... (le mot est employé dans un cas précis, à juste titre me semble-t-il).

    L'ouvrage s'articule en trois périodes : l'invention d'une technologie étatique (du début du siècle à 1975), une technologie concurrencée (1975-1986), une technologie marginalisée (1986-1993). Sur un certain nombre de points, comme par exemple « l'affaire le la bibliothèque de secteur, le « recyclage » par la gauche au pouvoir de la politique définie dans les années soixante-dix, sur le poids (réel ou supposé) de la personnalité propre d'un directeur du livre sur la politique des bibliothèques, cette thèse apporte un éclairage saisissant appuyé sur des chiffres, des faits, des citations utiles à rappeler. On se prend à souhaiter que se multiplient les ouvrages de cette envergure, qui nous permettent de mieux comprendre l'histoire des bibliothèques, leur évolution récente et leurs difficultés... et on se réjouit d'apprendre que cette thèse doit être publiée prochainement (pourvu que le texte n'en soit pas trop expurgé !) - et qu'elle pourra ainsi figurer dans toutes les « bonnes bibliothèques.