Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓
    Par Monique Lambert
    Christian Delporte

    Les foumalistes en France (1880-1950)

    Naissance et construction d'une profession

    Paris: Éditions du Seuil, 1999. - 449 p. - (XXesiècle). ISBN 2-02-023509-9. - 160 F.

    Maître de conférences à l'université François-Rabelais de Tours, Christian Delporte est un spécialiste de l'histoire des médias. Dans cet important ouvrage, il s'attache à retracer le processus de construction et de légitimation de la profession de journaliste en France entre 1880 et 1950.

    À partir de 1880, les pratiques journalistiques se sont en effet beaucoup modifiées sous l'effet conjugué des profondes transformations de la presse et de l'essor du reportage. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est considérée par les nombreuses associations de journalistes qui se créent comme la première « charte professionnelle des journalistes ». Elle comporte toutefois des imperfections notables : confronté à la police et à la justice dans l'exercice de son métier, le journaliste se voit traité comme un citoyen ordinaire.

    En janvier 1898, Béranger lance l'idée d'un Ordre des journalistes et propose d'instituer des concours de recrutement qui fourniraient de réelles garanties professionnelles. Mais le milieu de la presse se montre très réservé à l'égard de projets qui remettraient en cause la loi de 1881, à laquelle directeurs de journaux et journalistes demeurent fort attachés.

    Le décret du 2 août 1914 sur l'état de siège suspend de fait la liberté de la presse, puisque l'autorité militaire peut désormais interdire toute publication jugée dangereuse pour les intérêts français.

    Sur le front, le journaliste français est d'ailleurs considéré comme persona non grata.

    La deuxième période de ce lent processus commence en 1918. Elle constitue la phase la plus active de la construction professionnelle et, sans doute, la plus importante de l'histoire du journalisme contemporain. Le 10 mars 1918, le Syndicat des journalistes est officiellement fondé. Il formule dès juillet 1918 un code d'honneur professionnel où sont énoncés les devoirs et les droits fondamentaux du journaliste.

    Au début des années 1930, le grand reportage s'impose comme le « métier » le plus noble de la presse. Exemple pour toute une profession, Albert Londres incarne le journaliste mythique qui, parcourant le monde pour aller puiser les nouvelles à la source, est toujours le premier informé. Fondée en 1934, l'École supérieure de journalisme de Lille reste, jusqu'à la guerre, la tentative la plus accomplie en matière d'enseignement du journalisme aussi bien théorique que pratique. Le 29 mars 1935, la Chambre des députés approuve le texte dotant les journalistes d'un statut qui, aujourd'hui encore, régit la profession.

    La commission de la carte d'identité des journalistes est créée en janvier 1936. Ces deux mesures, qui complètent la loi fondatrice de 1881, joignent à la reconnaissance politique et sociale du journaliste la reconnaissance de sa compétence spécifique.

    La Seconde Guerre mondiale amorce la troisième période. La censure revient à nouveau ; très classique dans ses formes au début du régime vichyste, elle se durcit dès 1941. Les «accrédités», peu nombreux et triés sur le volet, jouissent de la confiance du gouvernement de Vichy. Les lendemains de la Libération seront marqués par l'épuration, judiciaire et professionnelle, qui s'exercera dès l'été 1944 à l'encontre des journalistes collaborateurs. Mais l'auteur se demande s'il ne s'agit pas en fait d'une « épuration inachevée ».

    Une nouvelle phase de l'histoire du journalisme s'ouvrira dans les années 1950. Elle sera notamment marquée par la diminution de l'influence de la presse écrite au profit des médias audiovisuels, par l'augmentation comme par la diversification de la profession.

    Une abondante bibliographie et un index des noms propres complètent cet ouvrage passionnant qui dessine, pendant près d'un siècle, une histoire non seulement du journalisme et des journalistes en France, mais aussi des principaux organes de presse français.