La loi Lang sur le prix unique du livre a été souhaitée et défendue par la librairie traditionnelle, et en revanche mal acceptée par la grande distribution : a-telle pour autant entraîné des changements notoires dans le commerce du livre ? C'est ce que Fabien Chaumard, aujourd'hui enseignant mais qui a longtemps travaillé en librairie, se propose d'étudier dans cet ouvrage. Pour comprendre l'évolution de ce commerce, il analyse dans une première partie les mutations intervenues à l'intérieur du marché du livre. Il souligne deux faits essentiels : la hausse du nombre de titres édités, accompagnée de la baisse du nombre d'exemplaires vendus ; parallèlement, le comportement des lecteurs a évolué, le livre s'est banalisé et le nombre de « gros » lecteurs a diminué. Tout en restant fidèles à la librairie traditionnelle, ces derniers se sont tournés pour leurs achats vers tous les points de vente proposés.
La rentabilité de la librairie est difficile à établir mais reste très faible ; alors que pour l'ensemble du commerce elle s'établit autour de 0,9 °/o du chiffre d'affaires, elle n'est que de 0,5 % pour la librairie. Le libraire est dans un rapport de « féodalité » avec l'éditeur, qui fixe les marges et les remises d'usage ; la rotation du stock est obligatoire pour amortir les frais de gestion. Ce sont là deux facteurs fondamentaux d'inégalité entre grande librairie et petite librairie. Face à la grande distribution, la librairie traditionnelle se défend mal car elle est éclatée ; aucun syndicat ni regroupement professionnel n'atteint plus de 200 membres. Si la loi Lang a évité des faillites, elle n'a pu empêcher l'érosion des parts de marché du commerce traditionnel et le renforcement de la grande distribution.
Dans une seconde partie est présenté le réseau de commercialisation du livre en France : si Paris concentre à lui seul 2 511 points de vente, les cartes soulignent les grands vides de certains départements comme l'Ariège, la Creuse, la Lozère... Le commerce du livre a suivi l'évolution du commerce en général : les points de vente de la librairie se rencontrent dans le centre même des villes ou dans les grands centres commerciaux en bordure des agglomérations urbaines, ils ont déserté les quartiers périphériques. Cette nouvelle géographie a favorisé le regroupement et le rachat de petites librairies, ainsi que le développement des chaînes, qui assurent 50 °/o du CA du commerce des livres, dont 20 % par la seule FNAC. À côté de la FNAC, de Virgin, quelques autres nouveaux venus ont les moyens d'investir dans de vastes locaux aptes à présenter un large assortiment. Les éditeurs français ont une tradition de librairie. Hachette constitue, par le nombre de ses points de vente, sous les enseignes Relais H, Maisons de la presse, la plus grande chaîne française de commercialisation des livres ; Flammarion et Gallimard ont également des librairies filiales du groupe.
Le marché du livre est devenu un enjeu commercial comme un autre que des groupes soutenus par des banques se disputent, ainsi que LeMondedu 9.4.99 s'en fait l'écho en annonçant le rachat du Furet du Nord par Extrapole.
L'ouvrage de Fabien Chaumard a le mérite de bien analyser un certain nombre des mutations du commerce du livre qui, quoique familières, ne nous sont pas toujours parfaitement connues. On le lira avec intérêt malgré le fait que la plupart des données statistiques aient plus de dix ans, quelques-unes seulement remontant à 1996.