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Le Débat, n° 102, novembre-décembre 1998

1999
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    Par Florence Lignac

    Le Débat, n° 102, novembre-décembre 1998

    Archives de la littérature, p. 157-181. - Des manuscrits anciens aux manuscrits contemporains ; entretien avec Florence Callu. - Editeurs, auteurs et médiateurs entretien avec Olivier Corpet. - L'écrivain et ses archives ; entretien avec Jean-Yves Tadié.

    Le numéro 102 de la revue Le Débat offre à tous ceux qui, à titre professionnel ou non, s'intéressent au patrimoine littéraire 25 pages, particulièrement stimulantes, intitulées : Archives de la littérature.

    Trois acteurs de la collecte, de la conservation et de l'étude de ce patrimoine s'y expriment sous la forme d'interviews successives qu'il serait vain de vouloir résumer tant elles foisonnent en jalons historiques, en détails judicieux et pertinents sur l'organisation et les contraintes du travail à accomplir. Il ne peut s'agir ici que d'inciter à sa lecture.

    C'est tout naturellement à Florence Callu, directeur du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, qu'il revient d'éclairer la politique de l'institution en matière d'acquisition du patrimoine littéraire manuscrit, les « papiers » des écrivains : manuscrits autographes, ébauches, correspondances, brouillons...

    La naissance des « archives » littéraires, phénomène relativement récent, lui paraît se situer à la conjonction de trois facteurs :

    • le fait que la curiosité pour une oeuvre s'étend aux états préparatoires et brouillons de cette oeuvre ;
    • l'apparition des grands collectionneurs privés ;
    • la prise de conscience de l'importance de ces documents pour l'édition des oeuvres.

    En outre, F. Callu expose les critères qui président à l'acquisition par son département - notoriété de l'écrivain, cohérence des fonds et volonté de ne pas laisser le patrimoine quitter le territoire français - ainsi que les moyens dont elle dispose. Pour ce faire, le département a adopté une politique qualifiée de « vigilance », c'est-à-dire de connaissance et d'observation du marché.

    De nombreuses considérations sur l'inventaire et le traitement des fonds, et les conditions difficiles dans lesquelles ils s'effectuent, complètent son propos.

    Avec l'interview d'Olivier Corpet, directeur de l'IMEC (Institut Mémoires de l'édition contemporaine), la parole est donnée à une entreprise en pleine évolution depuis sa création en 1988.

    Après en avoir retracé la genèse intellectuelle, 0. Corpet en expose les caractéristiques principales et l'originalité : projet de recherche avant d'être un projet d'archives, l'Institut gère, de manière contractuelle, les dépôts d'un patrimoine privé à des fins de recherche. Il n'est pas propriétaire des documents qu'il reçoit et exploite.

    Cet interview constitue un riche panorama des activités de l'Institut, montre comment celui-ci s'insère dans le paysage patrimonial français puisqu'il veut rendre compte de la « fabrique éditoriale » des oeuvres (« la genèse éditoriale des oeuvres est essentielle à l'analyse des oeuvres elles-mêmes ») et constituer autour d'un écrivain une sorte de « bibliothèque idéale de recherche ».

    Constatant qu'« un fonds en appelle un autre », 0. Corpet explique par quels mécanismes (logique de recherche, fécondité du croisement des fonds d'auteur et des fonds d'éditeur...), l'IMEC, en dix ans d'existence, a pu réunir deux cents fonds d'archives et comment, parallèlement à l'étude des archives elles-mêmes, l'Institut poursuit à sa manière une réflexion sur la place de l'archive dans la recherche contemporaine. (À noter qu'en page 173 de la revue figure un encadré fort précieux de l'ensemble des fonds actuellement déposés à l'IMEC.)

    Troisième intervenant, Jean-Yves Tadié, éditeur de Proust dans la Pléiade, considère que les brouillons sont certes fondamentaux pour l'établissement du texte et de son commentaire, irremplaçables pour entrer dans le « labyrinthe » de quelqu'un d'autre et reconstruire le processus de la création, mais il leur préfère presque toujours le dernier état du texte choisi par l'auteur.

    Il reste sceptique à l'égard de la fascination pour le brouillon, qu'il ne faut pas confondre avec l'inédit. Il lui semble que la relative stérilité littéraire actuelle explique la théorisation de la littérature à laquelle on assiste : «... En littérature, on théorise d'autant plus que l'on crée moins. »

    Pour lui, les archives littéraires devraient servir à écrire l'histoire de la littérature qu'on ne sait même plus comment écrire.