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    Frontispice

    Par Albert Labarre

    Vignette de l'image.Illustration
    Le doute de Saint-Joseph, École strasbourgeoise vers 1430, Musée de Strasbourg

    Comme frontispice au compte-rendu de notre congrès de Strasbourg, voici la reproduction d'un tableau qui y est conservé, et exposé au premier étage du musée de l'Oeuvre-Notre-Dame. Il représente la scène du Doute de saint Joseph, plongé dans la perplexité à la vue de l'état de sa femme, et averti par un ange du mystère dont il est témoin. Il s'agit probablement d'un fragment de rétable provenant de l'ancien couvent Saint-Marc à Strasbourg.

    C'est un détail du tableau qui a inspiré ce choix. L'artiste anonyme de l'école strasbourgeoise, qui l'a peint vers 1430, a représenté un intérieur bourgeois de l'époque. Notre attention est immédiatement attirée par le meuble qui apparaît à gauche : une bibliothèque! J'ignore si la Sainte Famille possédait une bibliothèque, mais le maître anonyme offre un document précieux sur la vie intellectuelle de Strasbourg à la fin du Moyen Age, puisqu'il signifie ainsi que la bibliothèque devait être un meuble habituel dans la pièce de séjour d'une bonne famille de la ville, une vingtaine d'années avant que n'apparaisse l'imprimerie, si même elle n'y a pas fait ses premiers pas ; l'obscurité qui entoure des débuts de la carrière de Gutenberg ne permet pas de l'affirmer, ni non plus de l'infirmer.

    Certes cette bibliothèque demeure modeste, même si l'on peut penser que, outre les trois ou quatre volumes qui apparaissent, quelques autres sont cachés dans le placard ou sur les tablettes inférieures. Mais au Moyen Age, et chez de simples particuliers, une bibliothèque de quelques volumes était encore honorable. C'est l'extension de l'imprimerie qui entraînera le développement des bibliothèques dans le cours du XVIe siècle. Alors, les livres ne seront plus rangés à plat pêle mêle sur des tablettes, comme on le voit ici et sur d'autres documents de la même époque ; leur nombre obligera à les serrer verticalement sur des rayonnages, comme on le fait encore aujourd'hui, et les titres commencent à être frappés sur les dos.

    La mise en vedette de ce tableau veut aussi rappeler l'intérêt documentaire que présentent les productions anciennes des arts plastiques pour l'étude historique de la forme du livre, de sa place dans la vie quotidienne, de son usage. Deux bibliothécaires viennois (1) n'ont-ils pas réussi à relever la représentation de livres-bourses dans un grand nombre de sculptures sur bois, tableaux, gravures sur bois, dessins et miniatures, sculptures sur pierre, gravures sur cuivre, etc...? Pour en rester à la peinture, contentons nous de rappeler le seul exemple des innombrables représentations de l'Annonciation où l'ange Gabriel surprend la Vierge en prière, et pour cela, en train de lire ses "Heures", ce qui est un beau témoignage de la vaste diffusion de ce type de livre à la fin du Moyen Age. Et n'est-ce pas justement un livre d'Heures que sainte Catherine tient en mains dans le tableau de Conrad Witz, exposé à quelques pas du "Doute de saint Joseph"?

    1. ALKER (Lisl et Hugo). Das Beutelbuch in der bildenden Kunst. Mainz, 1966. retour au texte