Avant de présenter le thème de ce carrefour "La publication originale française", permettez-moi de demander votre indulgence en ce qui concerne l'édition littéraire.
Etant plus spécialisée dans le domaine de l'édition scientifique et médicale je laisserai le soin à Monsieur Pierrot de développer cet aspect de l'édition.
Dans le domaine scientifique et médical la publication française constitue un problème de premier plan, ayant entraîné la création d'un groupe de travail "éditions des périodiques scientifiques et techniques" présidé par Monsieur Patin sous l'égide du BNIST (et une commission présidée par le Recteur Boursin).
Dans le domaine purement médical un Congrès sur les périodiques médicaux a eu lieux à Pont-à-Mousson en 1978 organisé par les Professeurs Héran et Bénichou et plus récemment encore un Colloque a été organisé à Paris par le Collège français de rédaction et de communication médicale que préside le Professeur Bénichoux.
Le nombre écrasant de publications de langue anglaise, la taille du marché anglophone, ne suffisent pas à expliquer la supériorité de la langue anglaise dans l'édition scientifique et médicale.
En 1976 une analyse publiée par Eugène Garfield dans le "Current Contents" Life sciences eut un certain retentissement. Garfield analysa l'impact de la littérature scientifique française en se basant sur le nombre de citations. C'est-à-dire que deux listes furent établies.
Prenons deux exemples repris par un article récent du "Monde" du 5 mars 1980.
Le périodique anglo-saxon correspondant "Lancet" est plus cité que la Nouvelle Presse Médicale par les revues françaises puisqu'il arrive au 9e rang du classement général, et le "Lancet" cite très peu la littérature française.
Cette prospective, bien qu'à étudier avec beaucoup de précaution reste un indicateur intéressant.
Une étude, faite selon les mêmes critères du nombre de citations, a été publiée en 1975 dans le "Progrès scientifique" par R. Chabbal et S. Feneuille. Cette étude portait essentiellement sur 13 revues françaises dans les domaines chimie, physique et mathématiques. Le nombre moyen de citations d'un article en 10 ans va de 0 à 7 pour les revues françaises alors qu'il dépasse 20 pour un grand nombre de revues de langue anglaise.
Mais l'originalité de cette étude réside, à mon avis, dans l'étude qui a été faite de quatre revues multilingues à caractère international: "Nuovo Cimento", "Physica", "Physics Letters", "Tetrahectron".
Or dans ces revues, les articles publiés en français sont cités aussi souvent que les articles en anglais.
Les auteurs de l'enquête concluent qu'à ce stade là, le problème n'est donc plus celui de la langue française mais les critères importants sont ceux de la qualité et de la diffusion.
En ce qui concerne les sciences humaines une analyse avait été faite en 1971 par R.W. Broadus concernant ces disciplines et à partir de recherches anglaises. Il en tire les conclusions suivantes :
Les éditeurs français, interviewés par des journalistes de la revue "A Paraître" concernant le problème de la publication de langue française mettent en garde contre les critères "citations" employés par ces différents sondages, sans toutefois mésestimer leur avertissement.
En ce qui concerne plus précisément le problème des périodiques médicaux, le Colloque organisé à Pont-à-Mousson, montre, s'il en était encore besoin, le problème de la publication originale en médecine. Une table ronde en particulier portait sur une charte de qualité et ses modalité d'application (convention de Vancouver). Déjà quatre revues anglo-saxonnes de notoriété internationale dont le "JAMA" (Journal of the American Medical Assoc.) le "Scientific American", le "Journal international de Médecine" sont publiés dans une traduction de l'édition américaine ou mondiale.
Un autre problème propre au secteur médical se doit d'être soulevé. Jusqu'à présent le budget des revues nationales était couvert par plus de 50% par la publicité pharmaceutique. Or, les récents décrets taxant cette publicité vont entraîner une grosse crise financière pour ces périodiques.
Autre aspect spécifique des publications scientifiques et médicales le délai entre la rédaction et la parution d'un article est en moyenne de 20 mois, ce qui est grave et préoccupant pour le chercheur. Les publications in extenso de congrès publiés souvent 2 ans après que le Congrès ait eu lieu sont aussi souvent largement dépassées. Il semble que j'ai été amenée à dresser un tableau relativement préoccupant de la publication en langue française, tout au moins dans le domaine scientifique et médical.
Toutefois, la prise de conscience profonde de cet état de fait n'est pas négative, incitant à se remettre en question et à pallier très vite les obstacles de la diffusion. Le rapport Boursin (1978) concernant l'édition scientifique au sens large donnant des recommandations du rapport Boursin.
1. Recommandations concernant la qualité scientifique en particulier, généralisation du système adopté à l'INSERM: c'est-à-dire établissement d'une liste de revues par des commissions scientifiques et dans les disciplines de la compétence de chacun des organismes qui puisse servir de référence pour orienter les publications des chercheurs vers des supports de qualité.
2. Recommandations concernant la langue en particulier dans les revues françaises de niveau international le résumé en anglais doit être systématique dans les revues internationales où le français est admis, son emploi par nos chercheurs doit être EXIGÉ.
3. Recommandations concernant la production. Etablissement d'un code des usagers, participation à l'effort international de la recherche technologique concernant la redéfinition des moyens de communication primaire.
4. Recommandations concernant la diffusion, dont en particulier :
2°) Tous les jours, nous, bibliothécaires, sommes confrontés aux citations bibliographiques erronées de fin d'articles.le lecteur doit rechercher dans les bibliographies internationales afin d'essayer de retrouver la référence exacte. Parfois, malheureusement, le cas est désespéré ! Et l'utilisateur s'étonne fort et se scandalise de cet état de fait.Pourquoi n'existe-t-il pas, auprès du comité de rédaction, un ou une bibliothécaire chargé de vérifier si les références bibliographiques citées en fin d'articles sont vraiment identifiables et exactes? La bibliographie est vraiment trop importante pour le lecteur pour qu'on néglige son exactitude.En particulier aux Etats-Unis, Allemagne, Pays-Bas existe en plus du comité de rédaction le "Copy editor", qui en particulier vérifie si les références sont correctement écrites, une référence bibliographique mal rédigée passant mal dans les systèmes automatisés.
3°) Enfin, et là je me fais surtout l'avocate des bibliothèques petites ou moyennes dont les désabonnements sont de plus en plus fréquents, il serait intéressant que les bibliothèques possèdent, non seulement la liste des titres et travaux des professeurs, mais aussi un tiré à part de chacune de leur publication.