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Le Contrôle de l'État sur le patrimoine des bibliothèques des collectivités et des établissements publics: aspects législatifs et réglementaires: essai de présentation critique

1998
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    Par Claudine Belayche
    Jean-Luc Gautier-Gentès
    Denis Pallier

    Le Contrôle de l'État sur le patrimoine des bibliothèques des collectivités et des établissements publics: aspects législatifs et réglementaires: essai de présentation critique

    Villeurbanne: IFB, 1998 (Les Dossiers juridiques de l'IFB). ISBN 2-910966-06-2. - br. : 125 FF

    Disons-le d'emblée : ce document est très précieux. Depuis la thèse magistrale d'Henri Comte sur les bibliothèques publiques, et particulièrement l'étude juridique qu'il en avait faite, aucune étude approfondie n'avait été publiée. Elle s'imposait avec les modifications induites par la décentralisation pour les bibliothèques territoriales et par la loi de 1984 sur les universités. Jean-Luc Gautier-Gentès, chargé en 1996 d'un rapport sur une loi sur les bibliothèques (malheureusement jamais publié), était tout indiqué pour ce faire. L'optique adoptée ici est très précise : quel est le statut juridique des collections patrimoniales des bibliothèques de collectivités publiques françaises? Comment l'État exerce-t-il sur ce patrimoine son contrôle, dans quels cas, dans quelles conditions ? C'est à une lecture critique des textes existants que l'auteur, Inspecteur général des bibliothèques, nous invite, ayant d'ailleurs donné en annexes le texte intégral des textes législatifs et réglementaires ainsi que des circulaires d'application. Relevons également que cet ouvrage a le mérite rare d'intégrer le patrimoine des bibliothèques territoriales (qui conservent la majorité des collections anciennes, de par l'histoire des bibliothèques municipales en France) mais aussi celui des universités, finalement moins étudié alors qu'il est fort important. Bien entendu, il traite aussi des deux bibliothèques nationales (fort rapidement, car FIGB n'a pas compétence sur la BNF et relève d'ailleurs là une carence dans le domaine du contrôle et de l'évaluation bibliothéconomique de cet établissement public national).

    Il s'avère que les bibliothèques de collectivités territoriales sont, en théorie en tout cas, les plus contrôlées par les textes existants. Ceci est dû aux lois de décentralisation, qui instaurent un contrôle technique de l'État sur les collections «anciennes, rares et précieuses même s'il faudrait définir plus précisément ces termes. L'auteur fait là référence à d'autres textes, entrecroisés, qui définissent le rôle de l'État dans la préservation du patrimoine national, par exemple en autorisant ou non la sortie du territoire de documents des collections publiques (1) Mais, il est certain que l'absence d'inventaire précis des bibliothèques, des collections et des fonds «anciens» en particulier, est une réelle difficulté pour les appréhender.

    L'auteur rappelle le rôle de l'État dans le « contrôle ». Deux organismes en sont chargés.

    • l'Inspection générale des bibliothèques (IGB) est missionnée par le ministre sur des contrôles ponctuels. Encore faut-il souligner que les collections des bibliothèques universitaires ne sont pas sous son contrôle explicite, en l'absence de texte statuant clairement sur les missions de FIGB et ses pouvoirs d'intervention (voir sur ce point le remarquable rapport annuel de l'Inspection pour 1997).
    • D'autre part, les Directions régionales des affaires culturelles ont pour mission régulière de suivre les activités des bibliothèques, de veiller à l'exécution de décisions «qui pourraient être prises par le préfet ou le ministre s. De toute évidence, il y a encore des clarifications nécessaires, d'autant que (même si le mouvement semble être freiné) deux régions disposent d'un conseiller patrimonial livre auprès du DRAC dont les fonctions ne peuvent être réduites à la seule « promotion du patrimoine »

    Enfin, le Conseil supérieur du patrimoine des bibliothèques publiques doit voir son rôle (défini par décret) réactualisé. De fait, il s'est plus que rarement réuni en séance plénière, dans son acception réglementaire ; ne se réunit régulièrement que la commission technique : elle donne des avis sur la restauration de documents anciens ou précieux. Les modifications intervenues en 1997 sur la prise en charge de ces restaurations par l'État (maintenant déconcentrées en DRAC, au lieu d'être suivies à la DLL) supposent de nouvelles règles du jeu : il est urgent, pour ne pas bloquer la machine, qu'elles soient précisées très vite.

    J.-L. Gautier-Gentès pose la question de l'aliénabilité, ou plutôt de l'inaliénabilité des collections. Question importante, car pendant longtemps, le « désherbage » a été considéré comme interdit, et qu'il est toujours délicat à mener, dès qu'il s'agit de collections un peu anciennes. Cette question oblige à déterminer qui est le propriétaire des collections visées ; et c'est fort difficile. Peu de bibliothèques (municipales et autres) possèdent un inventaire à jour des documents confisqués ou de documents du « patrimoine » d'État ; il y eut tant d'aléas, entre 1792 et 1897, pour ces collections placées « sous la main de la nation»... De même, pour les universités, comment se définit la propriété du patrimoine par rapport aux universités, dotées depuis 1984 de la personnalité juridique et morale ? À partir de quand le patrimoine est-il cédé, dévolu, transféré ? Les textes sont faibles sur le sujet (ils le sont beaucoup moins sur les collections des bibliothèques centrales de prêt qui avaient été clairement identifiées au moment du transfert aux départements en 1986). Bref, cette question de l'éventuelle « dévolution aux communes dont on parle pour la loi sur les bibliothèques, que le rapport Beghain sur les bibliothèques avait également abordé en 1989, n'est pas simple ! Reste l'application aux bibliothèques de la loi de 1913 sur le patrimoine mobilier. Pourrait-elle s'appliquer aux documents des bibliothèques ? Peut-on imaginer le classement (ou l'inscription à l'inventaire supplémentaire) des collections de bibliothèques ? Un projet de loi pourrait s'en faire l'écho, en proposant de classer des ensembles mobiliers: serait-ce une solution à la question du classement des collections de bibliothèques, et non des bibliothèques selon la loi de 1931 ?

    Cette étude critique est très riche, mettant en perspective des textes divers, montrant malgré leur petit nombre un certain enchevêtrement, parfois même quelques contradictions entre des textes de niveau et d'inspiration « politique » différents.

    On en déduira, comme l'auteur, l'urgence d'une loi sur les bibliothèques et leurs collections qui reprendrait de façon cohérente l'ensemble du dossier et qui clarifierait les compétences, les obligations et devoirs de chacun. On appréciera à sa juste valeur l'expression de Jean Goasguen, qui eut la charge de finaliser le texte du décret sur le contrôle technique en 1988. Il clôt ce volume par un espoir : il eût souhaité que dix ans après, ce décret fût remplacé par « de véritables textes législatifs : à court ou moyen terme sur le patrimoine, à plus ou moins long terme sur les bibliothèques publiques, leurs missions d'intérêt national, les obligations respectives de l'État et des collectivités territoriales ».

    La bibliographie est complète et s'ouvre aux textes de l'Inspection générale des affaires culturelles, souvent cités dans le texte. Un petit regret, et une suggestion pour la nouvelle édition qui s'imposera (J.-L. Gautier-Gentès le déclare lui-même) dès les modifications législatives et réglementaires faites : pour aider à la lecture, un index serait bienvenu (des textes et de quelques mots-clefs). Je me suis également demandée si un chapitre plus complet sur le dépôt légal (éditeur et imprimeur) n'eût pas été bienvenu : cela devient un patrimoine important et presque ancien dans les bibliothèques dépositaires, vu l'explosion de la production documentaire. De plus, la conclusion de « conventions » entre les BM dépositaires et la BNF sera intéressante à évaluer ; il est certes un peu tôt en cette année 1998 !

    Pour tous ceux que les collections et la loi sur les bibliothèques intéressent, cette lecture est instructive et nécessaire.

    1. (NDLR) La sortie du territoire national de manuscrits coréens de la Bibliothèque nationale, en 1993, sans les autorisations nécessaires au terme de la loi (don/cadeau/ prêt pour exposition/ prêt de longue durée ?) est un exemple heureusement rappelé. retour au texte