Index des revues

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    Par Robert Tranchida
    Anne Simonin

    L'édition littéraire

    Ce survol d'un demi-siècle d'histoire de l'édition littéraire, à la limite de l'histoire immédiate pour la dernière période, est un rappel synthétique des divers travaux bien connus ou de chroniques parfois oubliées. Mais davantage, il nous permet de reparcourir la minutieuse chronologie des micro-événements qui ont dessiné les grandes tendances du secteur, ses caractéristiques, ses permanences et ses évolutions à travers les divers contextes sociopolitiques. On remarquera cependant que l'accent est mis sur la création romanesque plus que sur tous les autres genres. Si, dans cette « nation littéraire qu'est la France, la plupart des éditeurs publient de la littérature, le clan des éditeurs spécialisés dans ce domaine est plutôt restreint et concentré sur l'étroit périmètre parisien bien connu de la Rive gauche de la Seine. Soumis aux profondes mutations de toute la profession à partir des années 60 (concentration et capitalisation), ce secteur tend néanmoins à résister en essayant de préserver une dimension artisanale. Quels sont ses caractères dominants? Ce sont essentiellement les jeux de rivalités ou les stratégies d'alliances des maisons qui comptent et qui se disputent les auteurs, en première ligne Grasset, Gallimard, Julliard, Le Seuil, Minuit, des entreprises qui font figure de modèles pour toute la profession et surtout les jeunes maisons. C'est le règne des prix littéraires monopolisés ou distribués inégalement entre petits et grands ; mais c'est aussi l'importance stratégique des revues dans la pensée et la création littéraires ; c'est le lancement incessant de nouvelles collections ; c'est la succession des nouvelles générations d'auteurs, écuries sinon écoles ; c'est enfin les circuits complexes de légitimation littéraire, des noms reconnus, des oeuvres consacrées après les coups médiatiques ou les effets de mode. Phénomène essentiellement orchestré, de longue date par Gallimard, modèle et maître incontesté du jeu éditorial depuis les années 30, qui a toujours su canaliser ou récupérer les valeurs éprouvées sur le long terme : «Tout ne commence pas mais tout finit souvent chez Gallimard », c'est d'ailleurs la morale que l'auteur voudrait tirer en conclusion de ce chapitre littéraire.

    De ce panorama, on retiendra surtout le découpage en trois périodes et quelques particularités marquantes. Si les séquelles de la guerre se font sentir pendant au moins dix ans et plongent la République des lettres dans la tourmente (pénurie de papier, listes noires des écrivains « indésirables procès et interdictions dus au mouvement d'épuration), les nombreux petits éditeurs souvent éphémères issus de la Résistance renouvellent le paysage et font en particulier de la poésie un genre éditorial, pour un temps une activité rentable. Avec la modernisation des années 50 (lancement du poche, naissance des techniques de marketing, premières concentrations...), on assiste à la remise en cause du modèle de « l'auteur Gallimard », au long parcours initiatique, et à l'invention du «jeune auteur», le débutant à succès de chez Julliard, avant que soit promue, entre Le Seuil et Minuit, une littérature plus « provocante et enfin de tendance « avant-gardiste au cours des années 60 à 70. À partir des années 80, l'auteur s'interroge sur une probable fin d'un monde, la fin d'un «cycle éditorial débuté en 1920, avec l'avènement de la légitimation médiatique des valeurs littéraires par la presse écrite et l'audiovisuel, tendance particulièrement exploitée par Grasset. C'est le temps de « l'oeuvre-événement qu'accompagnent les mutations du marché et le recul de la culture de l'écrit. Cependant, l'activité de petites maisons d'édition ou de certaines collections, souvent déconcentrées (POL, Actes Sud...), s'inspirant du modèle des Éditions de Minuit, témoigne toujours d'une volonté de relever le défi d'une édition littéraire de qualité : inventive, offensive et ouverte à toutes les littératures. Tout au long de ce parcours historique, on apprécie la richesse de l'iconographie, d'une grande variété, qui permet de visualiser immédiatement le propos : portraits d'éditeurs ou groupes d'auteurs, couvertures d'ouvrages ou sommaires de revues ainsi que les encadrés sur une maison d'édition ou une collection particulière qui ponctuent les chapitres.