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Droits de l'homme, solidarité professionnelle des bibliothécaires et relations internationales

1986
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    Droits de l'homme, solidarité professionnelle des bibliothécaires et relations internationales

    L'activité de la commission de l'ABF

    Par Philippe DAVID, conservateur, secrétaire de la commission Bibliothèque interuniversitaire de Nancy

    Depuis sa création en 1983 au Congrès de St Brieuc, la commission Droits de l'Homme et Solidarité Professionnelle (DHSP) de l'ABF est par nature impliquée dans les relations internationales : Conçue par des bibliothécaires comme outil de défense de tous leurs collègues victimes de violations graves de leurs droits fondamentaux partout dans le monde et comme un instrument de promotion des droits de l'homme au sein de la profession, la commission a un domaine d'action étendu au monde entier.

    Ces relations sont assez diversifiées et peuvent être, suivant nos moyens et l'opportunité, menées directement par la commission, ou par tel ou tel membre de l'ABF.

    Elles concernent des collègues ou d'autres personnes, des institutions, des associations professionnelles ou humanitaires, des organisations internationales non gouvernementales ou inter-gouvernementales, des administrations ou des gouvernements.

    Elles visent à réunir, exploiter et diffuser une information de base :

    • sur les droits de l'homme tels qu'ils sont codifiés ;
    • sur les violations des droits de l'homme dont sont victimes les collègues, et leur contexte, notamment juridique et politique ;
    • sur les secteurs d'opinion et les moyens d'information qu'on peut tenter de mobiliser pour les défendre ;
    • sur les procédures qu'il est possible de mettre en oeuvre pour tenter de lier un dialogue avec les autorités concernées.

    Les personnes concernées, outre la vingtaine de membres de la Commission, sont un réseau de collègues correspondants dans différents pays, européens pour l'essentiel qui partagent nos préoccupations et s'associent à nos actions.

    Et bien sûr, et d'abord, nos collègues qui font l'objet de ces actions de solidarité, c'est-à-dire les bibliothécaires, archivistes ou documentalistes prisonniers d'opinion.

    Les institutions, ce sont des bibliothèques qui se révèlent un auxiliaire précieux pour réunir des documents, juridiques notamment, ou faire de la recherche bibliographique et aussi des éditeurs, tels les éditions du Progrès à Moscou ou les éditions en langues étrangères de Pékin.

    Les associations professionnelles et les revues professionnelles qui souvent leur sont liées et qui ont bien voulu répondre à notre appel sont en Norvège, en Autriche, en Allemagne, en Hollande notamment. L'association polonaise a bien voulu nous répondre également. Les organisations humanitaires prodiguent surtout des informations, un service d'enquête ou d'orientation, des conseils techniques. Je citerai surtout Amnesty International, la Fédération Internationale des Droits de l'Homme, l'Association mondiale de psychiatrie, la Commission internationale de juristes. Les organisations internationales professionnelles : IFLA surtout :

    • Résolution de Münich, 1983 : "Au nom des droits de l'homme, les bibliothécaires doivent manifester leur solidarité professionnelle à l'égard de leurs collègues qui ont fait l'objet de poursuites pour délit d'opinion, quel que soit le pays où ils se trouvent. Le conseil donne mission au président de l'IFLA, lorsqu'il aura été informé de situations précises, et après avoir soigneusement considéré ces cas, d'intervenir en faveur des collègues poursuivis auprès des autorités compétentes."
    • Dans son discours, au Congrès de Chicago, en 1985, la Présidente de l'IFLA Madame Granheim rappelait qu'en matière d'information publique "il faudrait également offrir la possibilité d'acquérir une meilleure information sur la façon de vivre des autres peuples et leurs possiblités de développer et faire usage de leurs capacités créatrices..." les bibliothèques doivent travailler activement à la mise en oeuvre d'une meilleure compréhension internationale en général, y compris en diffusant l'information relative à la Déclaration universelle des droits de l'homme.

    La principale tâche du bibliothécaire est de rechercher, de recevoir et de répandre les informations et les idées, sans considérations de frontières, par des moyens diversifiés.

    Cela correspond à la définition de la liberté d'expression (art. 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme).

    Pour appliquer et tenter de faire appliquer ces principes, la Commission a noué des relations avec le Conseil de l'Europe, à l'occasion d'une journée sur les Droits de l'Homme organisée par l'ABF Alsace à Strasbourg.

    Elle a mis en oeuvre, à propos de plusieurs cas de nos collègues prisonniers d'opinion, la procédure de l'UNESCO, qui tend à rechercher une solution amiable à ce type de problème et est par nature conciliatrice. Cette procédure est confidentielle. Quels résultats ? Certainement au moins, une contribution à une prise de conscience plus précise par la profession de ce problème universel auquel les bibliothécaires n'échappent pas, de leur indispensable vigilance, du rôle qu'ils peuvent jouer.

    Pour nos collègues prisonniers d'opinion dont le cas a pu être connu, et en temps utile, il n'y a pas de résultats au sens de "gain", pas de "succès" aléatoires à évaluer, trop fragiles pour s'en targuer imprudemment, en leur faisant peut-être par la même courir de nouveaux risques. Mais il y a des évolutions dignes d'intérêt, des faits à enregistrer : Tantôt avec inquiétude, je pense surtout à Hanna MYKHAI-LENKO, soumise depuis bientôt 6 ans à une torture dite "propre" qu'on aurait décidé de prolonger, et réduite depuis un an à un isolement renforcé ; ou à Aleksandr BOGOSLOVSKY, tombé gravement malade après son passage dans un cachot glacial, et dont la santé reste fragile.

    Et tantôt avec satisfaction, comme la libération de Vladimir PORESH, après la Cassation de sa deuxième condamnation par la Cour Suprême de l'URSS, ou avec espoir et prudence comme telle information officielle relative à la libération de LIU Liping. Espérons que Vladimir PORESH se verra offrir un travail plus conforme à sa qualification professionnelle que celui de manoeuvre dans une boulangerie qu'il a été contraint d'accepter. Quels projets enfin ? Pour nos collègues victimes, où que ce soit, d'abus de pouvoir graves, continuer un travail sérieux et persévérant en leur faveur, et grâce au concours de tous, faire plus et mieux. Pour que je n'aie plus à l'avenir, à vous parler de Mikhail POLYAKOV, privé pour 8 ans de liberté pour avoir utilisé une photocopieuse, d'Edmond KRASOWSKI, emprisonné depuis 7 mois et contraint à une grève de la faim de 4 mois et demi, pour avoir dénoncé des brutalités policières; de Tomasz WACKO, condamné à 18 mois de prison parce qu'il a refusé de prêter un serment contraire à ses convictions profondes (tous trois ont été récemment libérés et nous souhaitons leur réintégration professionnelle le plus rapide possible); de Pavel PROTSENKO emprisonné en juin, inculpé d'agitation et propagande anti soviétiques pour avoir possédé un feuillet manuscrit mentionnant quelques cas de persécution religieuse en Ukraine et menacé d'internement psychiatrique ; ou d'Iwona ROZEWICZ, bibliothécaire de l'Institut pour aveugles de la région de Varsovie, condamnée le 7 mai 1986 à un an de prison pour distribution de publications indépendantes.

    Pour la diffusion de l'information sur les Droits de l'Homme au niveau international, et principalement dans l'univers francophone, les collègues qui traitent une documentation intéressante sur ce point pourront utilement contribuer à la rédaction de la partie bibliographique du nouveau Bulletin francophone de liaison et d'information sur les Droits de l'Homme. Il leur suffirait d'alimenter par l'envoi de références (1 exemplaire de fiche), comme je le fais régulièrement depuis quelques mois, la base de donnée genevoise gérée par les Consultants internationaux en Droits de l'Homme (C.I.D. - CP529 - CH1211 Genève 6). Le n 0 est paru l'an dernier. Le N 1, bien plus riche est imminent. J'espère qu'il comptera beaucoup d'abonnés parmi nous.