Index des revues

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    Par Robert Tranchida
    Georges Poisson

    Les Maisons d'écrivain

    Paris : Presses universitaires de France, 1997. - 127 pages. - (Que sais-je ? 3216). - ISBN 2 13 048365 8. - Prix: 40 F.

    Les maisons d'écrivain en France représente un patrimoine littéraire prestigieux mais fragile et, pour une bonne part, encore méconnu du « vaste public lettré ou désireux de l'être » dont parlait Michel Melot dans la communication qu'il fit lors d'une journée d'étude que l'ABF avait organisée sur le sujet en avril 1996. Ce patrimoine méritait bien un ouvrage de la collection Que sais-je? aujourd'hui signé par un spécialiste de la question à qui l'on doit déjà un Guide des maisons d'hommes célèbres dont la 5eédition de 1995 recense la plupart des sites. Après nous avoir livré, dans un premier chapitre, quelques données chiffrées (la France compterait actuellement 109 maisons d'écrivain), l'auteur se propose d'établir, au cours des dix chapitres suivants, une typologie des demeures de toute nature où naquirent, vécurent, travaillèrent, séjournèrent des écrivains plus ou moins célèbres. Une liste succincte des principales maisons de 17 pays étrangers complète le panorama français.

    Qu'elle soit chronologique, générique ou géographique, toute tentative de répartition fait ressortir avant tout la grande diversité architecturale ou statutaire des lieux et l'importance de leur rôle patrimonial ou culturel dont seuls une enquête rigoureuse et un inventaire scientifique des sites et des collections pourraient nous apporter une connaissance exacte. Pour l'heure, cet ouvrage nous renseigne sur les particularités de chaque demeure selon qu'elle a été un lieu fondamental pour l'écrivain concerné, le cadre d'un épisode biographique essentiel ou celui de la genèse de telle ou telle oeuvre majeure. On y trouvera donc recensés aussi bien des lieux pour la plupart ouverts à la visite que certains vestiges publiquement inaccessibles : demeures urbaines et rurales préservées ou transformées, secrètes ou discrètes, châteaux, manoirs et autres lieux de séjours occasionnels, de travail, de villégiature, de passage, relais de voyage, résidences estivales et jusqu'aux quelques prisons célèbrement "visitées". Une grande partie de ces demeures sont devenues, au cours du temps, des maisons-musées où sont présentées des collections évoquant la vie, l'oeuvre ou l'époque des écrivains qui les habitèrent. Ainsi, chaque évocation est parsemée de multiples anecdotes, de légendes littéraires, de clichés biographiques qui accompagnent la fortune des oeuvres, à travers lesquels l'auteur nous restitue autant de pages d'histoire littéraire qui ne sont pas sans nous rappeler celles, si fréquentées jadis, dans nos manuels scolaires.

    Et ce n'est pas le moindre mérite de l'index des noms d'écrivain en fin du volume (270 entrées) que de nous aider à nous y retrouver dans le panthéon convenu des grands classiques : les traces architecturales ou décoratives que nous ont laissées tel poète ou tel romancier, à travers leurs demeures, sont bien les témoignages de leur postérité aux yeux des nouvelles générations toujours susceptibles d'oubli à leur endroit. Aussi n'est-il jamais anodin de découvrir de quelle manière le cadre de vie ou de travail d'un créateur a été plus ou moins pieusement conservé, restitué ou reconstitué, ses souvenirs ou ses oeuvres rassemblés dans tel ou tel lieu de mémoire. C'est à quoi l'auteur cherche à nous sensibiliser, au terme de son inventaire à la fois analytique et impressionniste », en nous faisant part des problèmes qui se posent aux maisons d'écrivain lorqu'il s'agit de les sauvegarder, les ouvrir à la visite, les faire vivre.

    Au fil des remarques que l'auteur a égrenées tout au long des chapitres et au regard de certains choix faits dans sa typologie, se laisse deviner une tentative de classement implicite et hiérarchisé des lieux de mémoire littéraire : les demeures au cadre préservé, les châteaux mémoriaux représentent un authentique patrimoine architectural ou décoratif alors que les sites où un musée s'est substitué à un décor intérieur en partie ou complètement disparu, tout en développant des collections ou des activités culturelles qui en font des lieux vivants, d'accueil, d'étude, de recherche, de création, ne sont pas dignes du même intérêt. L'auteur va jusqu'à regretter que certaines accumulations de souvenirs, objets, documents tendent parfois à effacer ce qui subsiste du cadre original ». Il se trouve néanmoins que certaines demeures regroupent à la fois un cadre mémorial authentiquement préservé et une fonction muséale ou documentaire importante.

    Aux yeux de l'auteur, l'idéal se présente lorsque les deux fonctions se développent, pour ainsi dire de manière autonome, la fonction dite documentaire » ne jouant qu'un rôle de complément d'information et d'illustration. Reste que la solution idéale, éventuellement discutable, n'est pas toujours évidente à réaliser dans l'actualité tant l'héritage historique implique de contraintes parfois insurmontables.

    C'est sans doute cette conception de l'identité des maisons d'écrivain et de leurs problèmes qui incite l'auteur à défendre certaines mesures préconisées dans les rapports officiels, destinées à promouvoir et sauvegarder ce patrimoine littéraire : la nécessité d'un statut, la délivrance d'un label national aux « lieux les plus dignes d'intérêt et l'organisation en association des seules maisons d'écrivain ainsi labellisées, selon des critères rigoureux.

    A cette orientation restrictive et essentiellement juridique, s'oppose, rappelons-le, une conception différente qui a été exprimée au cours de divers colloques, dont les Rencontres de Bourges de septembre 1996 et de décembre 1997, par divers responsables de maisons d'écrivain, de créateurs ou d'hommes célèbres, qui souhaiteraient se fédérer dans un projet patrimonial global avec des musées ou des bibliothèques littéraires, des centres d'archives ou de recherche. En concertation avec les diverses instances administratives qui pourraient organiser le soutien de l'Etat ou susciter celui des collectivités locales, c'est aux divers acteurs concernés qu'il revient d'opter pour le devenir des maisons d'écrivain. Parions que la date de parution de cet ouvrage, si modeste qu'il soit dans ses dimensions, n'est pas tout à fait fortuite et que, s'il vise à toucher un grand public auquel il peut rendre service tout en le sensibilisant à la richesse de notre patrimoine littéraire, il constitue également une pièce à verser au débat en cours.