La BDIC aurait pu offrir un simple catalogue de catalogues de ses publications parues depuis 1984. Il y a une vingtaine d'années, la communauté savante, dont des historiens connus, avaient alerté les pouvoirs publics sur les risques graves qui pesaient sur cette institution, par faute de moyens. Une campagne d'information dont Le Monde s'était fait l'écho avait été menée. Il n'est pas d'historien de la période contemporaine, français ou étranger, qui n'ait fréquenté, à un moment de ses recherches, la BDIC et n'en ait été un utilisateur assidu. Les non spécialistes ont-ils toujours une vision juste et précise de ce prestigieux établissement ? Rien n'est moins sûr. Ces deux publications viendront heureusement combler ces ignorances.
On connaît la création de la BDIC, en 1917, sous le nom de Bibliothèque-Musée de la Guerre, constituée à partir des collections que Louise et Henri Leblanc avaient réunies, dès 1914, sur la guerre et qu'ils désiraient donner à l'Etat. Placée sous l'autorité du ministère de l'Instruction publique, cette première bibliothèque fut installée en 1925, dans le Pavillon de la Reine au château de Vincennes, et s'appella désormais Bibliothèque de documentation internationale contemporaine. Son nom définit ses missions, acquérir et réunir la documentation la plus exhaustive possible sur la Grande Guerre, mais aussi sur les relations internationales et les crises contemporaines, en ne tenant compte d'aucun préalable idéologique dans le choix des acquisitions : acheter aussi bien l'édition intégrale allemande de Mein Kampf en 1930 que Sinn Féin, le journal des indépendantistes irlandais. La BDIC traversa difficilement la Seconde Guerre mondiale ; ses collections qui représentaient, à l'évidence, un enjeu idéologique, furent partiellement détruites dans un incendie qui dévasta le Donjon de Vincennes et le Pavillon de la Reine. En 1970, la bibliothèque s'installait, dans un bâtiment conçu pour elle, sur le campus universitaire de Nanterre ; le musée, lui, fut logé en 1975 aux Invalides. Aujourd'hui bibliothèque CADIST, elle est un organisme scientifique dont la mission première est l'étude du monde contemporain. Elle possède plus de trois millions de documents dont un million et demi de pièces iconographiques. La Veille documentaire nous décrit la diversité de la collecte documentaire qui préside à la constitution des collections : l'histoire savante, mais aussi celle de ses » acteurs et de ses témoins », les mémoires, les essais, les ouvrages à comptes d'auteur, les manuscrits refusés, soit 700 000 monographies, 40 000 titres de périodiques dont 3 500 courants, occupant 15 km de rayonnages et regroupant des publications officielles, la presse nationale et régionale, scientifique, informelle et clandestine, des archives privées, des dossiers thématiques, des brochures, la littérature grise non commercialisée, des estampes, des affiches, des photos, des médailles, plus de 3 000 documents audio-visuels: tous les témoins documentaires du XXe siècle sont présents. Une telle richesse est entrée par des achats, mais aussi par des échanges avec des institutions similaires, particulièrement celles d'Europe centrale et orientale, mais surtout par des dons qui proviennent d'associations, de personnages publics ou de personnes que l'histoire n'a pas retenues.
Mais la BDIC n'est pas qu'une grande bibliothèque de conservation d'un fonds international consacré au monde contemporain ; elle se doit d'être un organisme, comme nous le dit son directeur, Joseph Hüe, un champ de l'étude du XXe siècle et de l'actualité... et de rendre compte des grandes questions et de fournir des éléments de réflexion au bénéfice de la politique et du citoyen ». Elle a ainsi renoué avec sa tradition éditoriale et médiatique.
1917-BDIC-2000 présente, en première partie, les publications de 1914-1931 : le Catalogue de la Grande Guerre, le Catalogue méthodique du fonds allemand, Le Catalogue méthodique du fonds italien de la bibliothèque, 1923. L'essentiel de l'ouvrage couvre la période actuelle, 1984-1998, et ses publications. Elles comprennent six séries : Histoire et images du xxe siècle, Etudes de texte, analyses et essais, Inventaires, catalogues, et bibliographies thématiques, Histoire et audiovisuel, Guides, programmes scientifiques, programmes immobiliers et rapports annuels, Expositions sur panneaux, sur internet et hors-murs -. Elles sont réalisées par la BDIC elle-même, en co-édition ou par d'autres éditeurs avec le soutien scientifique et financier de la BDIC. Chacune des séries est introduite par un texte qui analyse sa thématique propre. Pour susciter l'intérêt du lecteur et, au-delà, son désir d'en savoir davantage, une partie de la préface, voire la préface toute entière, est donnée pour chacun des titres publiés ; elles ont été écrites souvent par des universitaires connus comme Jacques Le Goff ou Alain Touraine, ou par des hommes politiques comme Philippe Séguin ; la présentation de chaque ouvrage est complétée par une ou deux illustrations originales. La première série, la plus importante par le nombre de titres, intéresse un large public : les domaines étudiés sont variés, par exemple, des images de 1917, année pivot du siècle, ou bien trente ans de dessins d'actualité en France, commentés par des journalistes ou des écrivains.
La troisième série, plus bibliographique, composée d'inventaires, de catalogues... attirera moins de lecteurs, mais certainement les bibliothèques de recherche, toujours en quête de répertoires de sources. Pour les bibliothèques et musées de province, en manque de documents sur la période contemporaine, la BDIC propose un choix d'expositions tournantes, sur panneaux », déjà présentées à Paris. A l'heure du numérique, la BDIC se doit d'offrir à tous les chercheurs ses bases de références, grâce à Internet : à la fin de cette année, 150 000 références, provenant des publications en caractères latins, pour la période 1969-1997, seront accessibles en ligne. Sont en préparation une base de références des ouvrages en caractères non latins et une autre des périodiques en caractères latins et non latins, ainsi qu'une base d'images et de documents audio-visuels.
N'oublions pas, bien entendu, la revue de l'Association des amis de la BDIC, Matériaux pour l'histoire de notre temps, qui publie régulièrement des documents inédits sur l'histoire de notre temps et présente les activités de la bibliothèque.
La BDIC tient un rôle prépondérant comme organisme d'information public international ; elle est redevable en partie à la presse de la richesse de ses collections ; à son tour la télévision, quand elle se veut « politique ,, va puiser dans le fonds de la BDIC une documentation de qualité. Nous avons là un exemple de collaboration véritable.
A l'aube du XXIe siècle, on se plaît à rêver que les activités de la BDIC se closent avec le siècle, que les conflits, les totalitarismes qui ont submergé notre siècle s'arrêtent et que la BDIC n'ait plus de travaux à présenter que rétrospectifs, puisque « les peuples heureux n'ont pas d'histoire Ce temps n'est pas encore venu... Pour l'heure, gageons que de nombreuses bibliothèques auront à coeur d'acquérir ces précieux catalogues qui présentent une institution unique en Europe et sont une introduction fondamentale à l'histoire de notre temps.