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    Par Joëlle Muller
    Claude Poissenot.

    Les adolescents et la bibliothèque

    Paris : Bibliothèque publique d'information, 1997. - 360 p. - (Collection Etudes et recherche). - ISBN 2-84246-022-7. - Prix : 150 F.

    Ce livre relate les résultats d'une enquête sociologique menée de 1992 à 1996 sur une cohorte de 715 jeunes qui avaient 12 ans au début de l'enquête. Ces jeunes étaient tous inscrits dans l'une des 6 bibliothèques municipales de la ville de Rennes. Cette enquête avait pour objectif d'analyser le devenir de ces jeunes inscrits et d'analyser le pourquoi de leur réinscription ou de leur abandon. Les statistiques des bibliothèques municipales de Rennes font apparaître une perte de 50% des inscrits enfants lorsqu'ils passent à l'adolescence sur une durée de 5 ans.

    Un questionnaire a été envoyé à ces jeunes. Ils ont été complétés par une enquête plus qualitative s'appuyant sur 55 entretiens.

    Une première analyse a été faite afin de comparer les familles des enfants inscrits de celles des enfants non-inscrits. Il y a une forte influence de l'ambiance livresque des parents. Les inscrits sont généralement de meilleurs élèves et ont des parents culturellement proches de l'univers de la bibliothèque.

    Le devenir des jeunes inscrits montre une érosion progressive et un glissement vers le CDI et une lecture plus scolaire et utilitaire de ceux qui ne se réinscrivent pas. L'érosion est inégale selon les bibliothèques et les critères déterminants de réinscription sont ceux du non-cloisonnement des sections jeunes et adultes et de l'ambiance jugée plus ou moins conviviale de la bibliothèque.

    La constitution du fonds joue peu sauf pour ceux qui privilégient un type particulier de document. Les bibliothèques privilégiant la littérature et les romans sont moins attractives pour les adolescents attirés par les sciences et les loisirs sportifs et donc plus souvent les garçons.

    Pour les petits lecteurs, le CDI est une concurrence forte. Ces jeunes ont des difficultés à lire rapidement et le plaisir n'est pas au rendez-vous. Ils se contentent de lire utile en s'appuyant sur les fonds des CDI qui sont plus adaptés aux besoins scolaires.

    Un autre type d'obstacle à la réinsription est lié à la sociabilité. Le jeune qui autrefois allait à la bibliothèque avec ses parents ou ses aînés ne le souhaite plus. Les rapports parents/enfants évoluent et l'influence du groupe des amis se renforce. En fonction de l'orientation lecture de ses amis, le jeune continuera à fréquenter la bibliothèque ou abandonnera. Cela est encore plus marqué chez les garçons car la bibliothèque a une connotation très féminine de par son personnel et de ses collections très littéraires et romanesques. Celui qui se réinscrira est plus généralement un utilisateur solitaire qui a acquis une autonomie par rapport à ses besoins de lecture.

    L'auteur conclut en faisant observer que les obstacles socioculturels à la réinscription ne sont pas tous externes mais que certains sont internes aux bibliothèques et que l'écart entre les valeurs défendues par les bibliothécaires et celles partagées par certaines catégories de leur public est l'un des principaux freins à la réinscription des jeunes qui deviennent adolescents. En fait, il y a contradiction entre le désir d'atteindre tous les publics et la promotion restrictive de la lecture noble.

    Finalement nous retrouvons toujours les thèses développées dans les années 60 par Bourdieu et Passeron sur la reproduction des élites. Les lieux culturels sont faits par et pour les clercs, les classes populaires ne peuvent y accéder qu'en abandonnant leur culture populaire et en rentrant dans le moule.

    Le contenu de ce livre est intéressant mais j'ai été gênée par le style trop proche d'un compte rendu d'enquête sociologique. Je pense qu'un certain nombre d'analyses d'interviews auraient pu être mis en annexe afin d'alléger le texte et de permettre au lecteur d'aller directement aux résultats.