En février 1996, l'Association Histoire au présent et l'Institut historique allemand organisait dans les locaux mêmes de l'Institut historique allemand, à Paris, dans le IVe arrondissement une table ronde De la bibliothèque de Ninive à la Bibliothèque nationale de France : les usages des bibliothèques Christian Amalvi et Gerd Krumeich qui étaient les responsables de la réunion ont voulu prolonger l'Histoire des bibliothèquesfrançaises (1) par des comparaisons temporelles et spatiales : la table ronde s'est intéressée d'une part aux usages des bibliothèques dans le monde grec classique et alexandrin (contributions de Maud Bellier et Bernard Legras) ; elle s'est penchée par ailleurs sur des exemples de bibliothèques en France et outre-Rhin.
Nous retiendrons quelques unes des communications : celle de Thomas Würtenberger est assez inédite pour des lecteurs non germanophones : il propose l'étude des bibliothèques des juristes allemands des XVIIeet XVIIIe siècles comme un élément de l'histoire du droit. Elles s'inscrivent dans différentes traditions : celles des jurisconsultes dont les bibliothèques étaient parfois importantes, celles de fonctionnaires, celles des tribunaux, celles des universités, des élites aristocratiques et bourgeoises, celles des sociétés de lecture qui propageaient les idées des Lumières. Toutes ces bibliothèques, nous dit l'auteur, témoignent de la situation intellectuelle d'une société et sont l'" expression d'une conscience politico-juridique». Gerd Krumeich fait l'historique de la Bibliothek für Zeitgeschichte de Stuttgart (Bibliothèque d'histoire contemporaine) qui ressemble par son origine à la BDIC : un négociant en café, Richard Franck rassembla à partir de 1915 tous les documents possibles sur la guerre. Après différents avatars dont un déplacement des collections à Washington, la bibliothèque, installée en annexe de la bibliothèque centrale du Bade-Wurtenberg, constitue le centre de documentation le plus riche pour la recherche sur l'histoire des deux guerres mondiales en Allemagne. Joseph Jurt présente la bibliothèque d'Aby Warburg, telle qu'elle avait été voulue par son fondateur et continuée par son successeur Fritz Saxl : c'est là que se formèrent et se rencontrèrent des penseurs comme Cassirer ou Panofsky ; dès 1933 cette bibliothèque s'exila à Londres comme ceux qui la fréquentaient. Corine Defrance avait fait une communication très détaillée et documentée sur « les Alliés occidentaux et la réouverture des bibliothèques universitaires allemandes après 1945» (2) le texte imprimé est complété par de très nombreuses et utiles références bibliographiques. Du côté français, les contributions couvrent des domaines qui sont plus connus et se retrouvent dans différentes publications. Olivier Dumoulin, toutefois, a suivi, de façon originale, Marc Bloch et Lucien Febvre dans leurs rapports avec le livre et les archives et dans leurs pratiques d'usagers des bibliothèques publiques : "Sans les voyages fréquents à la bibliothèque du British Museum, Les Rois thaumaturges n'auraient pas été menés à bien. » Il a lu les premières Annales qui à plusieurs reprises sont revenues sur les difficultés des bibliothèques françaises et la grande pitié des lecteurs,, que déplorait déjà Marc Bloch.
Pour ces quelques articles que nous avons cités et les onze autres également, nous souhaitons que ce numéro de revue ne soit pas réservé aux seuls historiens.