Index des revues

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    Par Jacqueline Gascuel
    Yves Surel

    L'Etat et le livre

    Les politiques publiques du livre en France (1957-1993)

    Paris : L'Harmattan, 1997. - ISBN 2-7384-5372-4.

    Un ouvrage passionnant même si parfois on se prend à regretter que le texte, issu d'une thèse de science politique, n'ait pas été revu à l'occasion de sa publication pour s'adapter à un public de non spécialistes. Il aurait pu avantageusement être débarrassé de certaines considérations théoriques ou de référence à l'autorité de tel ou tel politologue, du recours à un vocabulaire inutilement sophistiqué. Cette analyse de la politique du livre fait pendant à celle que Marine de Lasalle a présentée sur la politique des bibliothèques (cf. notes de lecture du Bulletin n°172, p.160). Elle a pour point de départ la création de la Caisse des Lettres, en 1957, et celle d'un ministère de la Culture confié à André Malraux en 1959. Le livre ne semble pas alors entrer «dans les grands axes de la politique culturelle définis autour des maisons de la culture» et probablement les bibliothèques, rattachées au ministère de l'Éducation nationale apparaissent dans une position plus favorable. Ministre d'État et conscient de son rôle à ce titre, Malraux n'envisageait guère d'étendre la sphère de compétence de son ministère, seul le cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale l'aurait intéressé « car les estampes et les gravures appartenaient pour lui à la peinture et donc à l'art». Visionnaire avait-il ainsi en perspective notre prochaine Bibliothèque nationale des arts ? Malraux fut neuf ans en charge de la culture - mais pendant les neuf années suivantes, neuf ministres différents exercèrent la fonction... Comment s'étonner dès lors qu'aucune action d'envergure ne puisse être inscrite à leur actif? Et pourtant les années soixante-dix voient l'édition se restructurer, les intellectuels apparaître sur le devant de la scène médiatique. Il faut peut-être cependant retenir l'action de Jacques Duhamel (ministre) et Pierre Emmanuel (président d'une commission des Affaires culturelles) qui dans le cadre des travaux préparatoires au Vie plan donnèrent une nouvelle direction à l'action des pouvoirs publiques. De supplément d'âme, la culture devient expression du corps social. La "démocratie culturelle» et son corollaire, la création de salles polyvalentes caractérisent cette époque. L'auteur retrace ensuite la genèse d'une Direction du livre, mais curieusement n'évoque pas ce Festival du livre, de Nice, où l'on vit s'affronter trois ministres, notamment Michel Guy (Culture) et Jean-Pierre Soisson (Universités). Plus longuement traitée est la période postérieure à 1981 et tout ce qui concerne la mise en oeuvre de la loi Lang sur le prix unique du livre, sa genèse et ses conséquences. Les archives du CNL et les comptes rendus de ses conseils d'administration sont largement exploités. Mais l'auteur a recours aussi à de nombreuses entretiens avec le personnel de la DLL, le monde de l'édition, etc. Ce qui nous vaut cet aimable jugement d'un éditeur « les bibliothécaires forment une petite engeance (...). Il y a chez eux une forme d'autisme» ! L'auteur n'interroge pas les bibliothécaires et se contente de reprendre certains propos relevés par Marine de Lasalle. Mais il souligne à quel point les éditeurs peuvent se mobiliser en groupe de pression efficace. Et ils n'ont pas fini de nous faire craindre ,>la mort du livre" à défaut de souhaiter la mort des bibliothèques.