Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓
    Par Claudine Belayche
    Laurence Santantonios

    Création sous influence

    Auteur, éditeur

    Loris Talmart, 2000. - ISBN 2-903911-67-3. - br. - 99 F

    Comme le signale la première de couverture, il s'agit d'une enquête auprès d'une quinzaine d'auteurs et de leurs éditeurs, sous forme d'entretiens menés par L. Santantonios, journaliste que nous connaissons bien car elle suit depuis plusieurs années les bibliothèques pour l'hebdomadaire Livres Hebdo. Cette enquête est issue d'un travail universitaire soutenu à l'EHESS en 1996.

    De Michel Houellebecq à Robert Bober en passant par Paul Fournel et Jean-Marc Roberts, les auteurs entendus sont très divers mais appartiennent tous néanmoins à la catégorie des créateurs littéraires, de même que leurs éditeurs sont traditionnellement considérés comme éditeurs de littérature de création, tels Maurice Nadeau, Hubert Nyssen... Curieusement, il y a très très peu de femmes dans les auteurs cités : une volonté, un hasard ?

    Le parti pris est de présenter les entretiens avec l'auteur, puis avec son éditeur, les questionnements étant d'ailleurs assez variés et pas toujours identiques d'un auteur à l'autre. Choix de laisser aller la conversation, difficulté de cadrer, d'enserrer un auteur dans une trame trop rigide ? Cela donne une lecture aisée, variée, mais parfois on eût aimé que tel auteur répondît à la question posée au précédent.

    Ce que l'on cherchera - ou l'on trouvera - sera plutôt de l'ordre de l'intime ; finalement ces écrivains parlent d'abord d'eux-mêmes, de leur rapport à l'écriture (parfois trop peu !) et surtout de leur rapport à la diffusion, à la publication, à cet acte fort pour eux du passage de leur table d'écriture à la table des libraires.

    Là, nous sommes étonnés : il y a effectivement un couple qui se forme, une dépendance de l'auteur par rapport à son éditeur (rarement l'inverse) visiblement fondamentale, qui pourrait nous expliquer quelques récentes prises de position parfois incompréhensibles pour nous, bibliothécaires.

    Cette « élection », au sens presque biblique du terme, de l'auteur par « son » éditeur, celui qui l'a distingué, crée une relation forte même si parfois des griefs existent. L'un d'eux (pas le moins célèbre ni le moins vendu) dit combien c'est un souci de récupérer ses droits d'auteur ! Mais l'on reste fidèle à son premier « inventeur », celui qui a accepté ce risque de rendre public un texte.

    J'ai trouvé plus faible l'argumentation de l'éditeur « travaillant avec son auteur. Alors que certains (Raphaël Sorin, POL, LorisTalmart, notamment) sont très présents, on aurait presque l'impression que d'autres s'en défendent : le récit par J.-M. Roberts du lancement de L'Inceste de Christine Angot est quelque peu cynique. En substance : ce n'est pas moi qui ai choisi mon auteur (pour le lancement médiatique), c'est Libération ! Reconstruction de l'histoire, ou lâchage après que certaines déceptions sont intervenues ?

    L'enquêtrice, dans sa synthèse en forme de postface, décrit et analyse cette relation dans les termes d'une relation de couple : famille, coup de foudre, usure, incompréhensions, trahisons, divorces, droit de suite ou pacte de référence... Relation qui, de passionnelle lors de la première signature, se transforme parfois - souvent - en une relation fortement marquée par les échanges financiers, qu'ils soient du fait de l'auteur qui cherche à reprendre sa liberté, ou de l'éditeur qui « vend » son auteur pour une édition de poche qui fera concurrence à l'édition brochée encore disponible...

    Cette lecture, pour qui s'intéresse aux coulisses de l'édition, nous laisse voir ou entrevoir quelques pratiques, des caractères, des personnalités. Dans le contexte actuel où des éditeurs ont demandé à leurs auteurs de signer contre le prêt en bibliothèque, ces entretiens nous laissent apercevoir les ressorts de telles amicales pressions !

    En fin d'ouvrage, une bibliographie et un texte d'analyse juridique sur le droit de suite de maître Pierrat, avocat du droit d'auteur, documentent la lecture.