Index des revues

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    Par Claudine Belayche
    Jean-Yves Mollier, Dir

    Où va le livre ?

    La Dispute, 2000. - 284 p.

    Cet ouvrage est, disons-le d'entrée, plus qu'intéressant. Dirigé par J.-Y. Mollier, il regroupe des contributions longues (20 à 30 pages chacune) d'auteurs, universitaires en général, qui font un point très synthétique, parfaitement documenté, sans complaisance, sur la production du livre en France aujourd'hui (édition, diffusion, distribution), sa diffusion publique en librairie et en bibliothèque, et le rôle des acteurs publics.

    La première partie, « L'économie du livre », est particulièrement riche, m'a-t-il semblé, car, dans ce monde où depuis quelques années les changements sont quotidiens, faits de rachats, de prises de participation, de constitution de groupes de communication (plus que d'édition), le point précis que Ahmed Silem s'est astreint à faire sous forme de tableau n'est pas inutile.

    Apparaissent les croisements, les concentrations impressionnantes d'où ressortent deux groupes : Havas Publications Édition et Hachette Livre, dont il étudie les stratégies quelque peu différentes d'après lui à cause d'une histoire différente. Le rappel qu'il fait de l'histoire de la Librairie Hachette (édition fille de Louis Hachette le pionnier) est parlant à plus d'un titre. Si le monde du livre garde parfois une spécificité, c'est probablement par la forte symbolique que continue de porter ce parallélépipède : un groupe comme Hachette, selon l'auteur, quels que soient ses nouveaux dirigeants, ne peut entièrement oublier le grand fondateur !

    Il ne manque pas malgré tout, et à ma connaissance pour la première fois (hors Le Canard enchaîné), de mentionner l'acte de « scandaleuse censure » opéré sur la parution d'un Cahier de l'économie du livre (hors série n° 3) qui était consacré aux petites maisons d'édition et aux chaînes de l'édition du livre : Crise et mutations dans l'édition française de Jean-Marie Bouvaist (OEL, 1993) imprimé et jamais publié car il eût risqué de peiner quelques grands groupes nommément et défavorablement cités...

    Pour qui a du mal à suivre les mutations rapides du marché de l'édition, la lecture de cette première partie synthétique et claire est très recommandée.

    La deuxième se consacre aux mutations de l'édition, qui ne se font pas sans résistances. Édition de jeunesse, en fort développement, édition dite régionale », même si l'exemple d'Actes Sud est quelque peu unique (il n'est pas question d'édition régionaliste : c'est dommage, car elle est en grande prospérité !).

    Je m'attarderai sur « Les clubs : une médiation de l'avenir ? » écrit par Alban Cerisier, car cette contribution est très originale. Les clubs vivent en marge de l'édition courante, tout en occupant dans le champ de la vente une place qui, même en régression par rapport aux années 1980, reste fondamentale. France Loisirs garde malgré tout 3,5 millions d'abonnés (à rapprocher des 6 millions d'inscrits en bibliothèque municipale, dont 50 % ont moins de dix-huit ans : ce qui nous laisse penser qu'il y a autant d'abonnés à FL que d'inscrits adultes en BM ! À méditer pour les éditeurs !). Le GLM, Grand Livre du mois, concurrent direct lancé par Albin Michel, est également analysé.

    Ce qui est passionnant dans la vision des clubs de lecture est qu'ils analysent les mutations de la société, qu'ils tentent de s'y adapter. Les méthodes de marketing, d'écoute de la demande, d'analyse des comportements servent à la sociologie (travaux de B. Seibel par exemple) mais aussi à des repositionnements de l'offre, des affinements de stratégie de distribution : restructuration des boutiques France Loisirs, arrêt de l'expérience des petits points de vente... Nous avons beaucoup à apprendre de ces études si nous souhaitons affiner l'offre de services et « évaluer pour évoluer », comme le préconisaient les organisateurs d'une journée d'étude en 1992 à la BPI !

    La troisième partie, « Les acteurs du livre », intègre un article sur les pratiques culturelles et de lecture, un texte sur les bibliothèques, un texte sur les politiques de l'État notamment.

    C'est Christophe Pavlidès qui écrit sur les bibliothèques, article transversal ou « comment décrire les bibliothèques de tous types en 25 pages ? ». Mission impossible, qu'il réussit globalement : tableau rapide de la situation et de l'évolution des BU, BM, BCP (vers les BDP), BnF, mais quelques erreurs se sont glissées qui gêneront la lecture du bibliothécaire (ou l'information du non-spécialiste).

    Une définition des BMVR que l'on eût voulu juste, mais qui s'avère fausse : les BMVR ne sont pour l'instant que de grandes bibliothèques dont la construction a été financée sur une enveloppe spécifique, et non les têtes de réseaux d'échange qu'il postule (sur la foi d'intentions maintes fois répétées, à sa décharge !). Plus ennuyeux, une erreur de calcul lui fait écrire que les

    superficies construites de BM représentent 5 m2par habitant aujourd'hui : il s'agit plutôt de 5 M2pour 100 habitants!

    Son article se termine par quelques paragraphes sur la censure et le pluralisme en bibliothèque municipale. Ce qui reste, pour qui connaît un peu le sujet, est que la description faite est - conformément à la réalité actuelle - une série de descriptions, mais que la transversalité entre réseaux (BM/BU par exemple) est inexistante.

    Yves Surel, dont la thèse éditée (L'Harmattan) portait sur la politique du livre au sein de la politique culturelle de l'État, reprend rapidement cette étude. Il en ressort que les aides de l'État, mais aussi d'autres collectivités, à l'édition et à la diffusion du livre sont très importantes, et depuis longtemps. Si l'édition française n'est pas assistée, en tout cas elle est très fortement soutenue par les pouvoirs publics, en général (aide à l'exportation, à France Édition, aux salons...) et pour des types spécifiques (aides du CNL et autres).

    Roger Chartier signe le texte conclusif : « Troisième révolution du livre, texte électronique, quelles révolutions de l'écrit ? » Pertinent, lucide, sans catastrophisme, il propose, grâce à la connaissance et à l'intelligence de l'histoire du livre de son auteur, une vision forte d'un avenir avec le livre, mais pas le seul livre.

    PS : Il est regrettable que plusieurs noms d'auteurs (Jean-Claude Grunberg, auteur dramatique) ou de collectivités (l'ABF, dénommée Association des bibliothèques de France) aient été écorchés.