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    Par Hugues Van Bésien
    Juliette Raabe.

    Fleuve noir, 50 ans d'édition populaire

    Exposition Bilipo, Paris, 19 nov. 1999-26 févr. 2000. - Paris bibliothèques, 1999. - 176 p. - ISBN 2-84331-046-6. - 130 F.

    Édité à l'occasion de l'exposition consacrée au cinquantenaire des éditions Fleuve noir par la Bilipo, dirigé par Juliette Raabe, auteur et directrice de feu la collection «Angoisse » et l'une des meilleures analystes des paralittératures. La première partie du livre (p. 18-50) résume l'exposition présentée de novembre 1999 à février 2000 à la Bilipo, et situe les paralittératures et les éditions Fleuve Noir dans leur contexte de l'après-guerre à nos jours.

    La deuxième partie est consacrée à de courtes études de collections, dues pour la plupart à des collectionneurs (p. 49-101). La dernière consiste en une série de témoignages et d'entretiens avec des auteurs et des collaborateurs de l'entreprise, et en des reprises d'articles anciens : le Fleuve noir par ceux qui l'ont fait. L'ouvrage comporte des reproductions de couvertures et de nombreux renseignements bibliographiques (bibliographies d'auteurs, listes de collections, tirages, attribution des couvertures, décodages des pseudonymes, etc.).

    Fondé en 1949 par Armand de Caro, fils d'immigrés italiens, ancien élève de l'école communale d'Aubervilliers (qui lui fournira de nombreux collaborateurs), le Fleuve noir occupe la place laissée vacante par la disparition des éditions populaires en fascicules de l'avant-guerre. La maison d'édition d'Armand de Caro s'impose rapidement comme l'incarnation de la littérature populaire en France, servie par une combinaison de deux facteurs.

    D'une part, le groupe d'auteurs, pour la plupart français, réunis par son fondateur : Paul Kenny (alias Jean Lieber) et Georges Vandenpanhuyse, José-André Lacour (alias Benoît Becker), Frédéric Dard, G.-J. Arnaud, Claude Rank, Léo Malet, pour ne citer que quelques-uns de ces auteurs « historiques ». D'autre part, un système de distribution propre qui, comme celui du Livre de poche des origines, s'étend en dehors de la librairie traditionnelle et innerve jusqu'au moindre café-tabac de la France profonde.

    Au début des années 1960, le Fleuve vend 1,5 million d'exemplaires par mois et couvre tous les genres : l'espionnage, le policier, la science-fiction, le roman de guerre, le roman historique, le roman sentimental, le roman érotique, l'horreur, le western... L'entreprise sera progressivement intégrée dans des trusts éditoriaux (Presses de la Cité, puis Vivendi) et subira le déclin de ses genres fondateurs, en particulier du roman d'espionnage, lequel ne survit pas à la fin de la confrontation Est-Ouest.

    Elle restera au moins jusqu'au début des années 1980 une pépinière d'auteurs : on oublie trop souvent que Thierry Jonquet et Michel Quint pour le roman policier, ou J.-P. Andrevon (sous le pseudonyme d'Alphonse Brutsche), Pierre Pelot (sous le pseudonyme de Pierre Suragne) et Ayerdahl pour la SF, y firent leurs débuts. Les novélisations de séries télévisées anglo-saxonnes et de jeux de rôles constituent aujourd'hui son principal fonds de commerce.

    Ignorées par la critique et par l'érudition à l'exception du « cas San Antonio-Frédéric Dard (ainsi que par la plupart des bibliothèques, pourrait-on ajouter), les publications du Fleuve noir ne le furent pas par la censure : 13 titres de la collection « Rouge et Noir » sur 47 interdits avant 1969, en vertu de la loi de 1949 sur les publications pour la jeunesse.

    Elles furent généralement considérées comme réactionnaires, et certaines pages de Claude Rank s'inscrivent effectivement dans un registre d'extrême droite. Mais, dans le détail, les choses furent un peu plus complexes, comme le montrent les pages consacrées par Juliette Raabe à la collection « Feu s. Cet ouvrage est d'abord un dossier, un rassemblement de matériaux pour collectionneurs.