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Les dons étrangers d'imprimés à la Bibliothèque Nationale

1993
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    Les dons étrangers d'imprimés à la Bibliothèque Nationale

    Par Christine Franconnet, Responsable du Service des dons Bibliothèque Nationale

    Rappelons dès à présent que cet article concerne le Service des dons, chargé de traiter les dons destinés à être conservés au Département des livres imprimés. Les départements spécialisés, Manuscrits, Musique, Estampes, Cartes et plans, Médailles, ont leurs propres services d'entrée des documents.

    M Mission du Service des dons

    Au sein du Département des Entrées Etrangères qui accueille et traite tous les ouvrages n'entrant pas par la voie du dépôt légal, le Service des dons a pour mission de recevoir et de traiter les dons d'imprimés publiés en France ou à l'étranger, provenant de France ou de l'étranger.

    Il travaille en collaboration avec le Département des Périodiques, lui envoyant les périodiques reçus et en affectant un numéro de don au premier numéro entré de la collection ou à des numéros précieux, destinés à la Réserve. Il dirige sur le Service des publications officielles les publications qui lui sont destinées : ce dernier, qui dépend du Département des Entrées Françaises, tient désormais de son côté ses propres registres de dons.

    Le Service des dons reçoit des ouvrages de tous pays, de toutes langues, sur des sujets très différents. Une telle diversité contraint évidemment à entretenir des contacts étroits avec le Service des langues slaves et orientales et avec le Service des acquisitions qui sont divisés en secteurs linguistiques. La mission du service s'insère dans la politique d'acquisition du Département des Entrées Etrangères. Il s'agit de combler les lacunes du dépôt légal, d'enrichir les fonds de la Réserve des imprimés, de collecter des documents concernant la France et le domaine français à l'étranger, enfin de constituer un fonds étranger de niveau recherche en ce qui concerne les sciences humaines.

    Profil des ouvrages entrés par dons

    Pendant de nombreuses années, les dons ont été accueillis assez largement, sans être soumis à un tri extrêmement rigoureux, d'autant plus que les ouvrages arrivés par échange s'y trouvaient inclus. Cependant, depuis plus de trente ans, le service suit, pour les dons étrangers, une politique de sélection afin de constituer un fonds étranger, de niveau recherche, en sciences humaines, et de collecter les documents concernant la France et le domaine français à l'étranger. Il ne nous a pas été possible (car cela aurait demandé un très long travail de dépouillement des rapports annuels) d'établir des statistiques croisant à la fois la classification CDU et l'origine géographique des dons. En revanche, une analyse comparative des profils d'accroissement par achat et par don pour les années 1980, 1985 et 1991 montre la prééminence de la littérature, suivie des sciences historiques et géographiques.

    Part des dons étrangers dans l'ensemble des dons

    Les statistiques annuelles permettent de déterminer, dans l'accroissement des collections, le nombre de livres publiés à l'étranger. Les parts respectives des dons français et étrangers pour les années 1981 à 1991 (tableau) sont très variables d'une année sur l'autre. Ceci s'explique par le côté aléatoire de l'arrivée des dons, qui dépendent de la générosité et de la fidélité des donateurs. Dans le cas des achats, le choix se fait avant l'arrivée des livres, puisqu'il y a commande préalable. Dans le cas des dons, le choix se fait avec le livre en mains.

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    Parts respectives des dons français et étrangers

    L'année 1986, qui présente 71% de dons étrangers, a vu des dons importants provenant de la Bibliothèque de l'Université islamique Iman Muhammad Ibn Saud de Riyadh, du Gouvernement de la République bulgare, de l'International cultural society of Korea, à Séoul, etc.

    La répartition calculée sur le chiffre global d'accroissements, de 1981 à 1991, soit 53% pour les dons français et 47% pour les dons étrangers, s'avère plus exacte. La part importante des dons français n'est pas seulement due aux compléments du dépôt légal et à l'entrée de livres rares ou précieux destinés à la Réserve. Elle s'explique par le traitement, ces dernières années, de grands dons importants tels le fonds Wahl, le fonds Barrés, le don Rothschild. Dans ce cas, l'intérêt du fonds réside dans le regroupement de la bibliothèque d'un écrivain ou d'un collectionneur. Si bon nombre d'ouvrages sont des doubles du fonds général, ils méritent d'être conservés pour leurs particularités (beauté de la reliure, qualité du papier, rareté de l'édition, envois autographes et annotations manuscrites). Leur regroupement même en fait une source très précieuse pour les chercheurs.

    Provenance géographique et origine des dons étrangers

    Une répartition par continent montre que la part de l'Europe (France exceptée, bien entendu), est prépondérante puisqu'elle représente 62% de l'ensemble. Ensuite viennent le continent américain, 19% (où Etats-Unis et Canada sont très importants), l'Asie avec 14%. L'Afrique ne représente que 6% mais il faut noter que l'Afrique noire est très peu représentée et que le don régulier de l'Ile Maurice augmente considérablement les chiffres (1) . L'Océanie, c'est-à-dire Australie et Nouvelle-Zélande, n'a qu'une part insignifiante.

    Si l'on considère la provenance par pays, l'Allemagne (RFA et RDA confondues), l'Italie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni apparaissent les pays d'origine les plus importants et les plus souvent représentés.

    Don étranger ne signifie pas obligatoirement donateur étranger, bien que ce soit le cas le plus fréquent. Des particuliers peuvent en effet offrir des ouvrages anciens ou précieux, publiés à l'étranger et destinés à la Réserve. Certains offrent des ensembles plus importants, souvent constitués par leurs soins et correspondant à leurs centres d'intérêt. C'est le cas de chercheurs ou d'universitaires qui se défont d'une partie ou de la totalité de leur bibliothèque en faveur de la Bibliothèque Nationale.

    En outre, les grands dons, bibliothèques d'écrivains français tels Maurice Barrés et Romain Rolland, peuvent contenir des livres étrangers. C'est surtout le cas du fonds Romain Rolland qui est une source importante d'accroissement : on y trouve les traductions des oeuvres de Romain Rolland dans de très nombreuses langues. Cela va du chinois à l'espagnol, du japonais au suédois, de l'italien au grec, sans oublier les langues indiennes et celles de l'ancien empire soviétique dont certaines sont rares à la Bibliothèque Nationale comme le yakoute, l'ouzbek, le kazakh... De plus, la bibliothèque de l'écrivain renferme une proportion importante d'ouvrages en allemand, en russe et, dans une moindre mesure, en espagnol, en anglais et en italien. Ici encore, l'intérêt est renforcé par la présence de nombreux envois autographes, dont, pour ne citer que les plus prestigieux, ceux de Freud, Zweig, D'Annunzio.

    Mais, à l'exception de ces grands dons, ce sont de nombreux donateurs, occasionnels ou réguliers, qui alimentent le service.

    M Diversité des donateurs

    Les particuliers

    Le Service des dons tient un fichier des donateurs ; sur chaque fiche sont portés le nom et l'adresse du donateur (particulier ou collectivité) ainsi que les numéros d'entrée attribués aux ouvrages offerts et acceptés ensuite par le service. Ce fichier, qui réunit donateurs français et étrangers, comprend environ 7 500 fiches. Il est "épuré" tous les cinq ans des donateurs n'ayant pas donné depuis plus de dix ans et les archives du service gardent les cartes des anciens donateurs. On peut estimer à 52% les donateurs particuliers et à 48% les donateurs collectivités.

    Les particuliers sont, assez souvent, les auteurs des livres qu'ils souhaitent donner à la Bibliothèque Nationale. Parfois, ils servent d'intermédiaire pour l'auteur. S'ils envoient leurs dons essentiellement par voie postale, ils les déposent parfois au Service de l'accueil, au bureau de la Salle de lecture des Imprimés ou à celui de la Salle des catalogues car ce sont très souvent des lecteurs de la Bibliothèque. Enfin, de temps en temps, ils émettent le souhait de venir en personne apporter leur don dans le Service. Certains dons sont offerts directement à l'Administration, qui les retransmet régulièrement dans le Service.

    Il faut citer Augustin Larrauri qui offrit à plusieurs reprises, dans les années 1981, 1982, 1983 et 1987, des oeuvres littéraires et poétiques des années 1910 à nos jours. Vers la même époque, deux donateurs, MM. Diamant et Korenchandler, enrichirent le fonds yiddish de la Bibliothèque Nationale. Citons encore le don magnifique, en 1985, de M. Akiharu Yoshinari, qui offrit 111 volumes des oeuvres du grand écrivain japonais Yukio Mishima.

    Les collectivités

    Les collectivités regroupent soit des collectivités "institutionnelles" (bibliothèques, archives, académies, universités, etc.) soit des collectivités telles que des banques, des maisons d'édition, des fondations et diverses associations.

    Dans ce second type de collectivités, il existe une forme particulière de mécénat, pratiquée souvent par des organismes bancaires, essentiellement en Italie. L'organisme finance l'édition de magnifiques livres d'art, de catalogues de bibliothèques ou de musées, ou d'ouvrages d'érudition, dans le dessein d'en faire don à plusieurs bibliothèques. Ainsi, en 1986, la Cassa di risparmio di Torino avait fait bénéficier la Bibliothèque d'un livre d'art sur la vie politique et artistique à la cour de Savoie de 1730 à 1830. Des maisons d'édition, désireuses de faire connaître leurs publications, les envoient régulièrement à la Bibliothèque Nationale.

    Les collectivités "institutionnelles"

    Dans le fichier des donateurs, on recense environ 900 fiches de collectivités "institutionnelles" : académies, ambassades, archives et bibliothèques, gouvernements, instituts, musées et universités. Sur ces 900 institutions, 760 environ sont étrangères, soit 84%. On compte 250 instituts, 183 bibliothèques, 101 universités, 55 ambassades, 52 musées, 39 académies, 36 ministères, 29 archives et 14 gouvernements.

    Beaucoup de grandes bibliothèques ainsi que des musées sont devenus des échangeurs, telles la Bibliothèque royale Albert 1er à Bruxelles, la Bibliothèque Nationale de Montréal, la National Library of Ireland, mais elles peuvent parfois faire des dons exceptionnels. Beaucoup de bibliothèques de moindre importance mais qui publient des collections, les bibliothèques municipales italiennes notamment, souhaitent les voir figurer dans les catalogues de la Bibliothèque Nationale.

    Les ambassades, tant étrangères que françaises à l'étranger, jouent un rôle extrêmement important en proposant des dons, souvent importants, et en se faisant l'intermédiaire des donateurs. En 1982, l'ambassade de France au Chili transmit ainsi un ensemble d'oeuvres du professeur Desiderio Papp, professeur d'histoire des sciences. Les services culturels de l'ambassade de Suisse en France offrent régulièrement un exemplaire de la "Bibliographie des lettres romandes", destiné aux usuels de la Salle des catalogues. L'ambassade de Corée a transmis, fin 1991, un don du ministère de l'éducation de ce pays. Le conseiller culturel de l'ambassade de France en Roumanie a fait parvenir plusieurs cartons de livres, par la valise diplomatique, ainsi qu'une liste commentée des éditeurs de ce pays, source précieuse de renseignements pour d'éventuelles acquisitions.

    Ces dons, parfois suscités par les ambassades, les ministères de l'information ou les gouvernements ont évidemment pour dessein de faire connaître et apprécier la culture des pays concernés et d'entretenir des liens culturels avec la France. Ils peuvent survenir à l'occasion d'une commémoration ou d'un événement culturel. Ainsi, à l'occasion d'une exposition sur la gravure bulgare contemporaine qui s'était tenue à la Bibliothèque Nationale en mai 1986, le gouvernement de la République de Bulgarie avait offert un ensemble de cent titres récemment parus dans le pays.

    Les instituts, dont nous avons relevé qu'ils sont les collectivités "institutionnelles" les plus nombreuses, constituent une source d'enrichissement importante et régulière : grâce à eux, certaines collections entrent systématiquement en don, évitant ainsi l'achat de séries souvent onéreuses. C'est le cas en particulier du Pontifical Institute of médiéval studies, de Toronto qui donne depuis 1988 toutes ses publications érudites sur les textes, les sources et la philosophie médiévales.

    En Asie, l'International cultural society of Korea, devenue récemment la Korea Foundation, a fait parvenir très régulièrement (en 1983, 1988 et 1990) des fonds importants de livres coréens, proposés préalablement sur liste circulaire et donc choisis en toute connaissance de cause par le Service coréen.

    Les fluctuations de la situation internationale retentissent sur les envois. Ainsi les dons en provenance de l'ex-Yougoslavie sont-ils, hélas, devenus très rares ; de même les dons de Bulgarie, qui étaient déjà très faibles, sont aujourd'hui quasiment inexistants : un seul en 1990 et aucun en 1991.

    a Conclusion

    Les lignes précédentes ont montré que, si les dons représentent actuellement une faible part numérique des entrées étrangères, s'ils sont parfois aléatoires, ils constituent aussi, grâce à la générosité et à la fidélité de nombreux donateurs, une source réelle d'accroissement pour les collections de la Bibliothèque Nationale.

    Ils manifestent aussi le retentissement culturel et le prestige de la Bibliothèque Nationale et, par là-même de la culture française, sur tous les continents.

    Aussi le Service des dons a-t-il sa part dans l'image de marque de la Bibliothèque en traitant les donateurs, prestigieux ou inconnus, avec toute la courtoisie qu'ils méritent.

    1. En vertu d'une ordonnance de 1952, l'Ile Maurice envoie régulièrement à la Bibliothèque Nationale un exemplaire de tous les livres imprimés sur son territoire. retour au texte