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    Formation et relations internationales

    L'expérience de la médiathèque de la cité des sciences et de l'industrie

    Par Marie-Hélène Koenig, Responsable Formation-Communication médiathèque de la Cité des Sciences et de l'Industrie

    Les relations internationales de la médiathèque en matière de formation ont largement 1 bénéficié d'opportunités liées à son appartenance à la Cité des Sciences et de l'Industrie. Que ce soit au titre du plan de formation de la médiathèque ou dans le cadre de sa participation à l'accueil de stagiaires, les expériences rapportées ici témoignent d'une demande forte d'échanges professionnels, d'un individu, d'une institution à l'autre.

    La mise à disposition d'un chercheur de l'Université de Montréal pour diriger le Centre de Recherches en Histoire des Sciences et des Techniques, rattaché à la Médiathèque, a été le point de départ de la collaboration avec l'Université de Montréal.

    Aux termes de l'accord-cadre qui a été conclu, la collaboration a été définie de la manière suivante : outre l'accueil de chercheurs en histoire des sciences et des techniques dans les deux établissements,

    • organisation de stages, et de voyages d'étude, d'une part pour les étudiants de l'Ecole de Bibliothéconomie et des Sciences de l'Information (rattachée à l'Université de Montréal), d'autre part pour le personnel de la Médiathèque ;
    • organisation de voyages d'étude dans différentes bibliothèques du Canada ;
    • accueil du personnel de la médiathèque en 1er et 2d cycle de bibliothéconomie.

    Les bibliothèques de l'Université de Montréal

    A ce jour, les deux premiers points se sont concrétisés ; nous rendons compte ici des actions concernant la médiathèque et l'activité bibliothéconomique. Soulignons par ailleurs que l'esprit de l'accord avec le réseau des bibliothèques de l'Université de Montréal est la réciprocité des échanges de personnel.

    Les stages des personnels français ont donné lieu à la définition de deux projets par la direction des bibliothèques de l'Université de Montréal. La première mission, destinée à un médiathécaire, consistait en une étude de faisabilité de l'intégration d'un service dit "médiathèque" à faudiovidéothèque", ainsi que la gestion de la documentation microforme. La seconde, destiné à un magasinier, concernait l'activité de l'audiovidéothèque avec un inventaire de documents audio-visuels.

    Deux personnes de la médiathèque ont donc été sélectionnées pour l'adéquation de leur profil à la mission transmise par la direction des bibliothèques de l'Université de Montréal. Ces stagiaires disposaient à leur départ d'un descriptif de leur mission et le nom des personnes-ressources qui les attendaient sur place. Tout a pu être balisé, mais c'est seulement sur le lieu du stage que les stagiaires français ont pu réaliser que la "médiathèque" canadienne était le service qui traitait les microformes ! Par ailleurs les niveaux différents d'information des interlocuteurs de part et d'autre, ont pu gêner les stagiaires ; cela témoigne de la difficulté d'organiser à (longue) distance ce type de stage. A ces nuances près, l'expérience s'est avérée enrichissante, aux dires des intéressés, pour l'appréhension d'une organisation différente, de ses avantages et ses inconvénients (voir encadré).

    Différences d'organisation

    Alice Boiteau, bibliothécaire à la médiathèque, est partie dans le cadre de la convention CSI/Université de Montréal à l'automne 90 pour 6 semaines :

    "Si la vie quotidienne est bien différente de la vie à Paris, l'organisation du travail l'est encore plus. A l'Université de Montréal, il existe une vingtaine de bibliothèques réparties dans des bâtiments dispersés sur plusieurs kilomètres. Le rôle des bibliothécaires dans ces bibliothèques thématiques consiste essentiellement à renseigner le public d'étudiants et de professeurs. Aussi leurs bureaux se situent-ils directement dans les salles de lecture.

    Les autres tâches : commandes d'ouvrages, catalogage, indexation, reliure, sont centralisées dans une tour qui domine tout le campus. Le catalogage est informatisé et partagé en temps réel avec les autres bibliothèques du Canada : il suffit le plus souvent de recopier les notices qui existent déjà dans l'ordinateur central de Toronto. Pourtant la majeure partie des locaux est occupée par des fichiers manuels d'autorité à perte de vue. On sort de la visite de cette tour avec une étrange impression celle d'un mélange extrême de modernité et d'anachronisme...

    Chacun a une fonction bien définie suivant son statut et ne réalise qu'une fraction très limitée du circuit du livre. Par exemple, les bibliotechniciens sont habilités à cataloguer, mais seuls les bibliothécaires le sont à indexer. Tel commis (magasinier) ne fait que du rangement de documents toute la journée, tel autre de la reliure, tel autre du prêt. Il existe ainsi une hiérarchie complexe, avec de nombreux échelons. L'avantage de cette organisation est que chacun connaît très bien son travail, n'empiète pas sur celui des autres, et qu'il est très facile d'évaluer ce que chacun fait. Il en résulte une atmosphère feutrée, avec peu de heurts entre les personnes, mais aussi peu d'échanges, peu de richesses, une routine et un manque d'initiative certains.

    Autre différence notable : le nombre d'hommes élevé dans les bibliothèques du Québec. Cela est sans doute dû aux salaires moyens, nettement supérieurs aux salaires français.

    De mon séjour m'est restée une impression de décalage que je pourrais illustrer de nombreuses anecdotes peut-être m'attendais-je inconsciemment à retrouver, là-bas en Amérique, un petit coin de France. En réalité, je suis allée de surprise en surprise : le Québec ne ressemble pas à la France, encore moins Montréal à Paris, et l'organisation du travail y est radicalement différente de celle de la médiathèque de la Cité des Sciences et de l'Industrie.

    L'immersion dans un pays étranger permet d'en mieux appréhender la culture, y compris, comme c'était le cas ici, professionnelle. Les modes d'organisation de la bibliothèque, mais aussi des professions liées aux bibliothèques, sont autant de sujets d'étonnement : ils concourent d'ailleurs à la compréhension des spécificités d'une société, à savoir son organisation du monde du travail et les relations professionnelles .

    M Mission comparative

    Lors d'un stage plus court et très ciblé, Balbine Callou, une collègue du secteur "Médecine-Santé" de la médiathèque a effectué un séjour de quelques jours dans le service "Help for health" à Southampton. Ce stage avait pour objet la connaissance des spécificités de ce service précurseur de l'information médicale auprès du grand public. L'objectif était plus précisément d'explorer l'expérience d'un service de documentation informatisé s'efforçant de répondre aux besoins du grand public en information de santé par des moyens variés : liaisons avec les bibliothèques de médecine locales, mise au point d'une banque d'adresses (praticiens, organismes ou associations d'aide en santé), collecte de brochures, etc. Il s'agissait aussi d'établir des relations entre professionnels des bibliothèques de santé, amorce de la coopération que l'Association européenne pour l'information et les bibliothèques de santé (AEIBS) veut impulser.

    Egalement au titre du plan de formation que la médiathèque réalise pour le personnel, en sens inverse cette fois, nous avons fait intervenir l'un des enseignants de l'Ecole de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI) de l'Université de Montréal. Réjean Savard a animé un séminaire de formation sur le thème du marketing des bibliothèques (avant même que celui-ci ne soit traité officiellement par l'ENSB !) pour l'encadrement de la médiathèque.

    Les étudiants québécois en bibliothéconomie

    Le second volet de l'activité de formation vis-à-vis de la communauté internationale concerne l'accueil de stagiaires, activité régulière et identifiée de la médiathèque, comme pour toutes les bibliothèques. Nous accueillons donc régulièrement des étudiants du (futur-ex) CAFB, de l'ENSSIB, de DUT de documentation, de l'Ecole des bibliothécaires-documentalistes, etc...

    L'accord avec l'Université de Montréal nous a permis de répondre favorablement aux sollicitations de l'EBSI pour l'accueil en stage d'étudiants achevant leur cursus de bibliothéconomie (l'équivalent d'une licence dans la filière française). Six d'entre eux ont été accueillis à ce jour, avec des projets thématiques particuliers, élaborés par la collègue qui assurait le tutorat de ces stagiaires. Ce fut l'occasion par exemple, de travaux sur la gestion des vedettes collectivités-auteur et vedettes congrès dans le système MEDICIS que nous avions alors, sur les titres des collections, d'une comparaison du catalogue matière de la Villette et de la liste nationale d'autorité matières RAMEAU.

    M Du CIES...

    Par ailleurs, nous travaillons régulièrement avec le Centre international des étudiants et stagiaires (CIES) qui nous adresse des stagiaires professionnels étrangers, le plus souvent pour des stages de longue durée qui prennent la forme d'un circuit de plusieurs établissements. L'intérêt d'accueillir des collègues d'autres pays ne se dément pas. C'est l'occasion d'un partage d'expériences, et comme pour tous les stages, celle de formaliser des pratiques pour ceux qui encadrent les stagiaires au quotidien. La difficulté cependant fréquemment rencontrée pour ce type de stagiaires est la barrière linguistique. Même si leur pratique de la langue française courante est correcte, on se heurte souvent à des difficultés lorsqu'il s'agit de faire du français une langue de travail. En effet, pour les stages de longue durée, ce qui est le cas des stagiaires du CIES, nous avons pour principe de leur confier un projet (étude, analyse). Dans ce cas, il importe alors que le stagiaire soit autonome d'un point de vue linguistique.

    M ... à BSF...

    En outre, nous participons fréquemment à des stages organisés par l'association Bibliothèques sans frontières (BSF) pour des collègues africains. A la différence des exemples précédents, il s'agit de stages très courts, qui s'apparentent à des visites approfondies. Nous avons cependant toujours le souci d'intégrer ces collègues à des équipes de taille "humaine", afin d'éviter une confrontation brutale à la réalité atypique de la médiathèque.

    Ces stages se réalisent dans le cadre d'un accord conventionnel entre la médiathèque et BSF. Cette convention prévoit l'accueil de stagiaires pour une courte durée, à des fins d'information et d'initiation aux modes de fonctionnement, aux méthodes de travail, à l'organisation ainsi qu'aux techniques de gestion adoptées par la médiathèque. En contrepartie, il est demandé aux stagiaires de participer au fonctionnement courant de la médiathèque, en termes notamment d'accueil du public, en "doublure" avec un médiathécaire. Le second aspect de la contrepartie est la contribution à la sélection de documentation pouvant faire éventuellement l'objet de dons au profit de bibliothèques africaines.

    M ...en passant par l'OFQJ !

    Enfin, au titre plus général d'un accord tripartite entre le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Science du Québec, l'Office Franco-Québécois pour la Jeunesse et la Cité des Sciences et de l'Industrie, nous avons eu le plaisir de recevoir l'an dernier un collègue de la médiathèque du Jardin botanique de la Ville de Montréal - où l'on apprend que cette "médiathèque" ne dispose que de diapositives !

    Ces diverses expériences nous permettent, au fil du temps, d'élaborer une typologie des stages, tels qu'ils sont pratiqués. Il est nécessaire de distinguer entre les étudiants, futurs professionnels des bibliothèques et de la documentation, et les professionnels en exercice. L'approche est en effet différente, de même que l'investissement de la médiathèque.

    Pour les étudiants, nous donnons la préférence à des stages longs - au moins 4 semaines, d'affilée ou discontinues - ce qui répond en général à la demande de l'organisme de formation. A un volet informatif succède une mise en situation de travail en faisant participer les stagiaires aux différentes étapes de la chaîne documentaire.

    De plus, nous avons opté pour le principe de projets proposés par les stagiaires et/ou par nous-mêmes. Nous concevons en effet le stage d'application comme un moment important de la formation, où il s'agit certes, de mettre en oeuvre les connaissances acquises dans la partie théorique mais également de se familiariser avec le monde du travail et pourquoi pas, d'y préparer son insertion. C'est le cas d'une stagiaire de l'EBSI, Bernadette Ameye, qui a pu être embauchée à l'issue de son stage (voir encadré ci-joint).

    Pour les professionnels étrangers en exercice, différentes situations se présentent. La gamme des demandes s'étend de la visite approfondie au stage ciblé sur un aspect en particulier : accueil du public, catalogage, audio-visuel, etc.

    Dans cette organisation, le stage apparaît comme un moment d'échanges entre l'individu et la médiathèque. Cette dernière apporte un environnement favorable à une mise au travail progressive. En contrepartie, le stagiaire contribue à l'activité de la médiathèque. De la sorte, il s'agit d'un échange équilibré, où le stage remplit une double fonction sociale.

    M Des projets de stage

    Par ailleurs, cela contribue, du point de vue du stagiaire, à enrichir la pratique des mémoires de stages et à dépasser la traditionnelle compilation de documents institutionnels. Celle-ci demeure, en tant que partie informative et signalétique, mais elle s'efface derrière le rendu de la mission elle-même. Celui-ci passe par un travail d'élaboration concret du stagiaire, d'une pratique de l'écriture qui s'avère toujours positive. Du point de vue de la médiathèque, on bénéficie ainsi d'une contribution tangible à des axes de réflexion globaux. Ainsi, les stagiaires de l'EBSI ont contribué à l'une des premières versions de l'enquête auprès des utilisateurs du catalogue en ligne, qui a abouti, au printemps 92, à une enquête "lourde" dans le cadre du programme de recherche PARINFO piloté par l'ENSSIB

    L'accueil des stagiaires pose la question de leur encadrement, et de leur tutorat. Pour les stagiaires "école", on dispose certes des "consignes" des organismes de formation. Sans doute pourrait-on aller plus loin dans la préparation de l'accueil des stagiaires. Dans la réflexion à laquelle se livre aujourd'hui le monde des entreprises, le stage est de plus en plus considéré comme une pré-embauche. Cela signifie que le "recrutement" du stagiaire est une affaire sérieuse qu'il convient d'opérer soigneusement. Il est sans doute indispensable de faire la part des choses entre secteur public et secteur privé. Néanmoins, cela pose la question du type de relations entre les centres de formation et les lieux de stages. En plus des contingences respectives et des modalités pratiques, il faut sans doute réfléchir aux véritables objectifs du stage, moment de formation, et aux compétences professionelle qui entrent en jeu, dans un processus global de formation. Le concept de formation alternée, dont la définition s'est enrichie ces dernières années dans les bibliothèques, est bien au coeur de ces préoccupations. Nous avons beaucoup à faire, en la matière, pour la définition des besoins en professionnels des bibliothèques de demain. Il convient de compléter la réflexion sur l'apport de la formation et de ses différents moments : celle que l'on peut mener sur "le stage" mérite toute notre attention.

    Ces quelques éléments de réflexion à l'occasion du compte rendu d'expériences de formation avec l'étranger nous montrent les différents avantages à agir dans ce domaine. Si la dimension humaine de l'échange avec des collègues étrangers n'est pas spécifique à la situation de formation, elle n'en demeure pas moins importante, comme cristallisée du fait de la nationalité du collègue que l'on accueille. On l'a vu', c'est une manière d'aborder des différences culturelles en général, dans toutes leur richesse et leur capacité d'ouvrir à d'autres contextes, d'autres mentalités, d'autres habitudes culturelles. C'est, d'un point de vue professionnel, l'occasion de découvertes, tant au niveau de la formation professionnelle et de sa conception dans le système éducatif du pays concerné que des pratiques. Cela peut être l'occasion d'importer et d'exporter des savoir-faire, indépendamment de missions d'étude et d'actions d'ingénierie. C'est enfin l'occasion de tisser un réseau professionnel qui vienne compléter les relations institutionnelles et associatives internationales. Nul doute que nous ayons, avec l'ouverture des frontières européennes, une occasion de faciliter et d'enrichir des actions ponctuelles et de les envisager au sein de programmes formalisés d'échanges internationaux.