Lorsque Madame Jacqueline Gascuej et Monsieur Gérald Grunberg nous ont offert l'hospitalité de ces colonnes du Bulletin pour parler du réseau des bibliothèques des établissements culturels français dans les pays qui relèvent de la compétence du Ministère des Affaires étrangères, ils nous ont mis dans l'embarras. Il nous paraissait à la fois tout à fait opportun - et nous leur sommes reconnaissants d'y avoir songé - d'être présents dans un numéro consacré aux relations internationales, et dans le même temps quelque peu prématuré.
En effet, les hasards du calendrier veulent que ce numéro paraisse en mars et c'est du 22 au 24 mars que se tiendra la première rencontre générale sur les bibliothèques françaises à l'étranger, qui va examiner l'ensemble des problématiques rencontrées. Nous attendons de cette rencontre qu'elle dresse le cadre d'une politique générale, qu'elle pose les grandes orientations en matière d'identification de publics cibles, de constitution et de plan de développement des collections, de recrutement et de formation continue du personnel, de choix techniques, etc, - autant de jalons d'un manuel à venir - enfin qu'elle élabore la maquette du futur bulletin de liaison.
Il était donc difficile de faire un article global en se contentant d'une présenta-tion-constat, alors qu'on est en pleine gestation prospective, et tout aussi difficile à l'inverse de faire un article prémonitoire.
D'où l'idée de simplement présenter l'une des bibliothèques-médiathèques du réseau. Le choix s'est arrêté sur celle de l'Institut français en Hongrie, un choix évidemment pas innocent car cette médiathèque - avec quelques autres, heureusement. qu'il serait trop long de citer ici - illustre un cas de figure réussi, qu'on voudrait voir se reproduire plus fréquemment.
Avec le soutien des services culturels de l'Ambassade et des directeurs successifs de l'Institut, grâce à la présence d'un bibliothécaire professionnel de qualité et dune équipe talentueuse et motivée, la médiathèque de Budapest a su opérer sa conversion d'une bibliothèque en demi-sommeil en lieu dynamique et chaleureux, élaborer un projet clair et le conduire avec une montée en charge progressive, identifier ses points-cibles, constituer une collection multimédia cohérente, intégrer les nouvelles technologies avec une maîtrise qui donne une impression de grand naturel et articuler ses services de façon efficace et harmonieuse avec les autres activités de l'Institut et, plus largement, du dispositif culturel et scientifique français en Hongrie.
Autant d'éléments qui, conjugués, font de cette médiathèque un nouvel instrument de rayonnement de la culture française à l'étranger, dont nous avons l'ambition d'étendre le modèle - dans le respect de leurs spécificités respectives - à l'ensemble des bibliothèques-médiathèques du réseau.
La Hongrie, comme tous les pays de l'ancien bloc communiste, est en pleine transformation : depuis 1990, une démocratie parlementaire a succédé à un régime totalitaire certes évolué mais contraignant. Enfant chéri des investisseurs étrangers (et partenaire apprécié de 300 entreprises mixtes françaises), elle est aussi le premier état de l'ex-Pacte de Varsovie à être admis au Conseil de l'Europe et à retrouver sa place au sein du concert européen. La France s'est montrée attentive à cette évolution, en particulier sur le plan culturel. L'installation de l'Institut français (créé en 1947) dans un nouveau et magnifique édifice à l'architecture originale en témoigne. Son ouverture et le développement de ses activités coïncident ainsi avec la transformation de la Hongrie et sa réintégration progressive dans le monde culturel européen.
En 1990, la Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du Ministère des affaires étrangères a décidé d'affecter à plein temps un professionnel français à la réorganisation de la bibliothèque de l'Institut français. C'est le fruit de cette entreprise, menée à bien avec un personnel peu nombreux mais fortement motivé, qui est exposé dans les lignes suivantes.
Au départ, une constatation s'imposait : la bibliothèque était "sinistrée" (le mot est de Jean Gattégno, en visite à l'Institut), archaïque et, vu l'exiguïté de ses locaux d'alors, au bord de l'asphyxie. Balloté au gré de classifications fantaisistes ou caduques, le fonds était aussi sous-exploité et dépassé. Son abondance faisait illusion et le fichier aidait de moins en moins le petit nombre des lecteurs à s'y retrouver. Il fallait donc éliminer, tout réinventorier, acheter, cataloguer et saisir sur ordinateur. Le pari était risqué : il s'agissait, tout en recyclant le personnel, d'amener en deux ans une bibliothèque presque cinquantenaire et artisanale au niveau des plus récentes médiathèques françaises, de l'informatiser à 100%, de refondre, de réactualiser et de cataloguer ses collections, et d'en faire un établissement multimédia où chacun puisse accéder directement aux divers documents. Bref, effectuer sa "perestroïka", en passant d'une structure confinée et marginalisée (la fréquentation des centres culturels étrangers n'était pas recommandée par l'ancien régime à qui voulait faire carrière) à un espace chaleureux ouvert à un large public.
Toute transformation comporte sa part d'épreuves douloureuses : celle-ci n'a pas fait exception et les ratés de l'informatique, les réticences psycho-sociologiques, les incompréhensions culturelles dues à des différences géopolitiques prolongées n'ont pas manqué. Mais, tout au long du chemin, il y avait la volonté d'aider le peuple hongrois dans sa volonté d'émancipation et de le rapprocher du peuple français. Au bout de l'expérience, il y a la joie d'avoir contribué à renouer le dialogue franco-hongrois et à retrouver les acquis de 1000 ans d'histoire commune.
"Kis Bobur a Duna parton" ("Le Petit Beaubourg des bords du Danube") : l'expression était dans tous les quotidiens budapestois au lendemain de l'inauguration du nouvel Institut français en Hongrie, le 25 mai 1992. Il faut dire que le bâtiment, oeuvre de qualité due au talent de l'architecte parisien Georges Maurios, tranche par sa modernité avec les façades sages et un peu austères de ce quai du Danube où il s'est installé, au pied de la colline du Château de Buda, à l'emplacement de l'ancienne légation française détruite durant la Seconde guerre mondiale. Mais l'allusion n'était pas qu'architecturale : elle se rapporte aussi aux activités de ce centre culturel, où manifestations artistiques (concerts, projections de films, expositions, spectacles de danse, représentations théâtrales) vont de pair avec les cours de langue et de civilisation françaises et, bien sûr, les activités d'une médiathèque publique d'information.
C'est en effet à la médiathèque que la ressemblance de l'Institut avec le Centre Pompidou est, toutes proportions gardées, la plus frappante. Lieu le plus visité dans l'édifice, elle a pour elle plusieurs atouts. Qu'on y songe : ce n'est pas seulement une oeuvre d'art ayant recours à des matériaux nobles (bois, verre, aluminium) c'est encore actuellement le seul établissement de ce type en Hongrie qui soit entièrement informatisé, c'est aussi le seul qui soit conçu comme une véritable médiathèque, où le livre côtoie la revue, le disque, la cassette, le livre-cassette, la vidéocassette, la diapositive et même le CD ROM.
Le public hongrois a ainsi découvert brusquement des aspects de la France pour lui totalement inconnus jusque-là, d'autant que 42 ans de communisme n'avaient pas facilité le rapprochement des deux cultures. Le succès ne s'est pas fait attendre : en 6 mois, le nombre des adhérents a presque quadruplé, passant de 800 à 3 000 inscrits. Cette performance (en voie d'amélioration continue) situe maintenant la médiathèque - quant au nombre des lecteurs - au 16e rang des bibliothèques hongroises et lui donnerait une place honorable dans la hiérarchie des bibliothèques françaises. En effet, avec un prêt quotidien moyen de 350 documents, l'exploitation du fonds a une rentabilité comparable à celle d'une bibliothèque d'une ville de 50 000 habitants. Or, n'oublions pas que la Hongrie n'a pas de tradition francophone et que la langue française n'arrive, comme langue connue, qu'en troisième position, après l'anglais et l'allemand. Le nombre de personnes apprenant le français est estimé, lui, à environ 30 000 pour toute la Hongrie, mais le renforcement des liens économiques amène chaque jour de nouveaux élèves et des débouchés professionnels accrus.
On peut donc s'interroger sur les raisons d'une pareille progression qui, jusqu'à présent, ne se dément pas et range la médiathèque dans le peloton de tête de ses homologues hongroises, juste après les établissements d'importance nationale. J'y vois pour ma part, en dehors des conditions nouvelles créées par la conjoncture politique et économique, la sanction d'un choix initial aux aspects multiples, qui vont de l'informatisation de la médiathèque à la mutation profonde des habitudes et des conditions de travail du personnel.
Voulue par la Sous-direction des Etablissements culturels du Ministère des Affaires étrangères (dont dépend l'Institut français) pour régénérer et dynamiser une bibliothèque vieille de 40 ans, elle a débuté en 1989. La saisie des collections (après élimination d'environ 10 000 ouvrages) a duré 3 ans et nécessité le concours d'une bibliothécaire spécialement chargée du catalogage rétrospectif. Vingt mille livres pour adultes et jeunes ont été ainsi dûment réinventoriés, catalogués et équipés entièrement pour le prêt. Sont venus s'y adjoindre près de 5 000 documents audiovisuels.
Cette informatisation, aux étapes douloureuses mais à la conclusion réussie, est un des aspects les plus satisfaisants de notre travail actuel : elle nous permet de faire des démonstrations éclatantes des avantages de l'informatique documentaire devant un public, encore novice dans ce domaine, d'élèves et d'étudiants, frappés d'obtenir en quelques secondes sur l'écran tout ce que la médiathèque possède par exemple, sur et de Jean Cocteau, en matière de biographies, de romans, de poèmes (lus par l'auteur lui-même), de pièces de théâtre (en livres-cassettes), d'articles de revues, de scénarios de films. Cette efficacité, dans un pays où l'informatique est moins répandue qu'en France, est encore l'une de nos forces majeures. Elle a en plus l'avantage de donner de notre pays une image technologique plus moderne que celle que l'on a ordinairement d'elle à l'étranger, tout particulièrement dans les anciens pays de l'Est. L'introduction du Minitel comme terminal de consultation de notre catalogue participe de cet esprit, tout en améliorant grandement la communication des documents sur tous les supports.
Lié à l'informatisation, ce type de prêt distingue fortement la médiathèque de l'Institut Français des bibliothèques magyares traditionnelles : elle est le seul établissement en Hongrie où l'on puisse emprunter simultanément 8 documents différents : 4 livres ou revues, 2 disques ou (livres)-cassettes et 2 vidéocassettes. En faisant éclater le cadre traditionnel d'une bibliothèque, en autorisant ce qui était jusqu'alors interdit ou confidentiel, la médiathèque a fait souffler un grand vent de liberté sur l'information et attiré à elle un public nouveau, où les jeunes de moins de 25 ans, par exemple, sont pour moitié. On a évité ainsi le cloisonnement et la fréquentation exclusive de spécialistes. En contrepartie, il incombe désormais au personnel d'apprendre aux utilisateurs à se repérer dans la masse des informations et d'en tirer profit.
Cette option de base a sûrement été déterminante dans le succès actuel de la médiathèque. Bien sûr, il est indispensable pour la fréquenter de connaître ou d'apprendre un minimum de français. Mais songeons que dans un petit pays comme la Hongrie, l'usage d'étudier les langues étrangères est coutumier. Le danger était en tout cas pour nous que la médiathèque devienne un établissement réservé aux spécialistes, universitaires, étudiants de la langue et de la culture françaises. Ceux-ci, bien sûr, sont accueillis avec plaisir et constituent le noyau de notre lectorat, mais nous ne faisons pas de la médiathèque un instrument à leur usage exclusif (ils ont en effet accès par ailleurs à des bibliothèques universitaires, auxquelles le gouvernement français assure une aide en livres et manuels). Au contraire, tout le monde est bienvenu, du garçon de café qui apprend le français ou du cuisinier qui veut s'initier à la gastronomie de notre pays jusqu'au digne professeur d'une Ecole supérieure désireux de consulter nos bases de données sur disques compacts, en passant par les élèves des écoles bilingues, les retraités ou encore les traducteurs, les éditeurs, les artistes, les metteurs en scène de théâtre ou de cinéma en mal d'inspiration pour leur répertoire, leurs décors, etc.
Pour nous conformer à cet objectif, nous avons affecté le premier niveau de la médiathèque au grand public, le second aux chercheurs et aux étudiants, et le troisième aux personnes désireuses de consulter sur place dictionnaires et encyclopédies. Nous avons ainsi tenté de satisfaire tout le monde, même si, il est vrai, les médecins se plaignent de ne pas trouver un bon ouvrage sur la neurologie ou les mathématiciens, les travaux de Bourbaki ! C'est dire si nous devons faire preuve de diplomatie pour justifier nos options. Cette diversité du public, où le journaliste côtoie l'économiste, fait que l'on nous considère de plus en plus à Budapest comme un véritable centre d'information "tous azimuts" sur la France. Cependant, la médiathèque a hérité d'un fonds privilégié.
En effet, celles-ci gardent de l'ancienne appartenance de l'Institut à l'Université de Paris trois marques essentielles : la littérature, l'histoire et les arts. Loin de les réduire, l'équipe actuelle a enrichi ces fonds, qui ont été renouvelés et complétés. La section des usuels a été considérablement développée et des secteurs ont fait leur apparition : les sciences humaines et sociales, le droit, l'économie, les manuels d'enseignement du secondaire et du supérieur. Notre préoccupation est jusqu'à présent de dégager ce qui est important dans les productions éditoriales françaises, d'offrir une sélection des meilleurs ouvrages, tout en nous efforçant de refléter fidèlement l'évolution de la France contemporaine et de donner aux lecteurs les moyens de la comprendre. C'est de ce souci qu'est née l'idée d'une médiathèque proposant au public hongrois de tous les âges un choix représentatif des publications non seulement écrites, mais aussi sonores et visuelles les plus récentes ayant trait à la civilisation et à la culture françaises. Cette orientation voulue par l'époque (et dont la pertinence est confirmée par les statistiques de prêt) fait de la médiathèque plus un espace de communication qu'un lieu de conservation ou de recherche pour spécialistes. Les chercheurs et les étudiants n'en sont pas pour autant négligés, bénéficiant de deux étages sur trois pour travailler. Mais la médiathèque ne peut ni ne veut se substituer à leurs bibliothèques spécialisées, scientifiques et techniques, bien fournies, soutenues par les services culturels de l'Ambassade de France à Budapest et forcément sans concurrence sur leur terrain. Elle peut, en revanche, proposer à ce public intellectuel un éventail plus large et pluridisciplinaire de documents, dont la présence concomitante sur les rayons peut être stimulante pour les esprits curieux.
Par ailleurs, la création d'un fonds audiovisuel a marqué l'irruption du monde coloré de l'image et du son dans un univers cantonné à l'écrit. Quoi qu'on en pense, cet aspect est indissociable de la culture moderne, et l'Institut français ne pouvait faire l'impasse sur ces nouveaux moyens de communication de masse, dont l'apparition a attiré un public nouveau, jeune en majorité. Cette innovation a été accompagnée de l'ouverture d'une bibliothèque pour les Jeunes (et non pas une bibliothèque "enfantine", car les utilisateurs les plus précoces ont au moins dix ans, âge où l'on enseigne le français à l'école), qui est l'unique établissement de ce genre en Hongrie. Cette bibliothèque intéresse aussi beaucoup les adultes débutants, qui trouvent des livres de fiction et des documentaires de base correspondant à leur niveau de connaissance de la langue française.
La demande en matière de bibliothèque et de médiathèque étant désormais satisfaite ou en passe de l'être, une exigence nouvelle est apparue : celle de la documentation, qui va certainement aller croissant dans l'avenir. Ce besoin, issu d'une curiosité stimulée par les réalités françaises, nous met actuellement dans l'embarras. Nous n'avons encore ni le personnel, ni la qualification, ni les documents qui nous permettraient d'y répondre pleinement. Une réflexion s'est donc engagée au Ministère des affaires étrangères pour assurer une formation adéquate aux bibliothécaires des centres et instituts culturels français exerçant en particulier en Europe centrale et orientale. Elle doit nous permettre d'assumer un nouveau rôle et d'exploiter au maximum nos ressources existantes, de faire aussi de nos bibliothèques et médiathèques de petits centres de documentation sur la France actuelle. Nous avons amorcé ce mouvement à Budapest.
On veut et on doit pouvoir trouver chez nous, sous toutes les formes, sur tous les supports, une masse de renseignements sur la langue, la culture et la civilisation de notre pays. Nous n'avons, certes, que des documents en langue française, mais ce choix nous permet de mettre actuellement à la disposition de notre public quelque 30 000 documents multimédias (dont 25 000 livres) en accès libre et, sauf les 900 ouvrages de référence, en prêt à domicile. Quelques dossiers de presse thématiques sont également disponibles, mais un stage récent va permettre à notre équipe de bibliothécaires de développer et de structurer l'aspect proprement documentaire de notre centre de ressources. D'ores et déjà, nous sommes en mesure de donner tous les renseignements d'ordre bibliographique, discographique et vidéographique sur les productions françaises aux professionnels de l'écrit, de l'image et du son (nombreux sont les journalistes des quotidiens, de la radio et de la télévision à faire appel à nous). Grâce aux CD ROM. l'information - obtenue parfois au bout de quelques mois dans les librairies hongroises - est fournie chez nous en trois minutes.
Ce côté novateur est aussi l'un de nos atouts. Déjà vitrine de l'édition française multimédia, la médiathèque est, troisième exclusivité. le seul établissement en Hongrie à mettre librement à la disposition de ses visiteurs une trentaine de CD ROM français : les uns (12 cm de diamètre) sont bibliographiques (les plus consultés), encyclopédiques, lexicographiques, historiques, économiques, etc, et les autres (disques de 8 cm ou livres électroniques), sont pour le grand public. Toutes les données qu'ils contiennent peuvent être, à la demande, imprimées sur papier et remises gracieusement aux utilisateurs.
Ces innovations technologiques, le prêt informatisé, la recherche documentaire instantanée par ordinateur et par Minitel, le renseignement par téléphone ou, éventuellement, la fourniture d'informations par télécopie, la mise en place prochaine de moniteurs pour la consultation de programmes culturels sur vidéocassettes, l'introduction de baladeurs pour les écoutes individuelles de disques et de cassettes, la possibilité d'un autoapprentissage du français à l'aide de méthodes audio-visuelles communiquées sur place, des conditions de lecture, d'étude et de travail confortables et agréables (les baies de la médiathèque donnent sur le Danube), tous ces avantages inédits offerts dans un cadre représentatif du goût national sont autant d'arguments qui plaident en faveur de la France, la distinguant ainsi de ses partenaires européens. L'image de notre pays. qui apparaît souvent ici comme une puissance un peu désuète et d'essence purement littéraire, en sort rénovée, tandis que l'efficacité de ses produits améliore le prestige de notre nation, dont le progrès technologique est mis en parallèle avec le souci démocratique (l'accès libre et immédiat à l'information) et convivial (la notion de "services rendus") qui a présidé à l'ouverture de la médiathèque du nouvel Institut.
Ces deux notions sont pour nous d'importance capitale : dans un pays où la période communiste n'a pas habitué les individus à être entourés de prévenance de la part des services publics, l'amabilité du personnel de la médiathèque et son attention aux problèmes soulevés par la fréquentation hebdomadaire d'un millier de personnes créent une atmosphère propre à justifier l'idée qu'on se fait de la courtoisie française. Grâce à l'informatique, notre petite équipe de bibliothécaires (5 personnes) s'efforce de consacrer plus de temps à ses lecteurs. Nous répondons aussi à leurs demandes les plus inattendues par téléphone et même, quelquefois, par télécopie. Nous recevons chaque semaine plusieurs classes de français des écoles primaires, secondaires ou supérieures de Budapest et de la province (nous pouvons réunir les groupes dans une salle polyvalente au dernier étage). Nous entretenons des relations suivies avec nos collègues bibliothécaires ou documentalistes (vers qui nous orientons nos lecteurs), avec les enseignants de français de l'Institut et de la ville. Bref, nous introduisons la notion de service là où, autrefois, elle faisait défaut.
Pour cela nous avons, c'est vrai, bénéficié des changements politiques survenus en Hongrie depuis 1989 - qui transforment peu à peu les mentalités collectives - et de l'ouverture grandissante de ce pays à l'Europe qui en a résulté, provoquant un raz de marée vers tous les phénomènes ou les produits du monde occidental. Mais cette métamorphose n'a pas été sans mal et il a fallu véritablement déménager dans nos nouveau locaux (où la médiathèque occupe trois étages lumineux et bien orientés) pour pouvoir les mettre en oeuvre.
Mais ces difficultés mêmes ont fait de nous une équipe très soudée, où chacun, s'il a une spécialité (bulletinage des revues, bibliothèque des jeunes, sonothèque, vidéothèque...) est aussi polyvalent et peut aider ou remplacer un membre quelconque de l'équipe en cas de nécessité.
Cette solidarité nous permet enfin, je crois, d'apporter un soutien conséquent à l'organisation des activités culturelles de l'Institut.
En effet, si pour l'instant la médiathèque n'a pas, à part les visites organisées pour les groupes, d'animation interne spécifique, elle apporte son concours à toutes les manifestations qu'organise la direction de l'Institut français, véritable Maison de la culture dans le domaine musical, artistique et bien sûr, littéraire. Nous fournissons les documents de base, les bibliographies, voire les illustrations du programme bimestriel de l'IFH. Nous diffusons l'information auprès de nos adhérents, distribuons les invitations et participons même directement aux activités de l'Institut quand elles sont liées aux livres, à la littérature et bien sûr aux bibliothèques.
Ce soutien logistique donne aux activités propres à la médiathèque une dimension et un prolongement supplémentaires qui ne sont pas négligeables, et nous font aborder tous les secteurs documentaires : la presse, l'édition, la traduction, la diffusion, la vente des périodiques et des livres français en kiosque ou en librairie, etc.
Bref, c'est une belle aventure que nous vivons en ce moment : nous bénéficions, nous le savons, de circonstances socio-politiques privilégiées, dont l'effet se fera sentir encore plusieurs années. Elles nous permettent d'être utiles et, en retour, nous procurent un travail extrêmement gratifiant, car l'Institut français de Budapest est le réceptacle naturel du renouveau des relations culturelles entre la France et la Hongrie.