C'est le jumelage de Corbeil-Essonnes avec trois villes étrangères (Sindelfingen en Allemagne, Strathkelvin en Ecosse et, plus récemment Alzira en Espagne) qui a permis d'instaurer des relations directes et étroites entre les bibliothèques de ces villes.
Les bibliothèques française, écossaise et allemande se sont jumelées tout d'abord; puis des projets avec l'Espagne ont commencé à être élaborés, selon des voies un peu différentes. Les comités de jumelage accordant traditionnellement peu de place aux échanges culturels, c'est la Médiathèque de Corbeil-Essonnes qui, intéressée par des échanges internationaux, proposa en 1989 de jumeler directement entre eux les établissements, sous le triple parrainage de la Municipalité, du comité local de jumelage et de la Direction du Livre et de la Lecture. Cette démarche fut d'emblée appuyée par la Direction municipale des affaires culturelles qui souhaitait donner un contenu culturel fort aux échanges entre villes jumelles. Le contexte était à cette époque particulièrement favorable. La ville venait en effet d'inaugurer sa médiathèque et affirmait ses ambitions en matière de développement culturel, domaine auquel elle voulait attacher son image.
Ces projets de jumelage, approuvés par la municipalité, s'organisaient autour de trois objectifs:
Cette politique fut mise en oeuvre avec quelques différences chez les deux partenaires. Avec les Allemands de Sindelfingen deux voyages furent mutuellement organisés en 1989 et 1990. L'un était destiné aux directeurs d'établissements et aux responsables culturels des deux villes, l'autre à trois cadres de chacune des bibliothèques. Ils permirent une mise en situation concrète et la rencontre avec une équipe professionnelle, la découverte de la situation particulière de la bibliothèque jumelle et sa mise en perspective dans le paysage des bibliothèques du pays visité. Ainsi les Allemands purent-ils, au cours de leurs voyages, visiter des grands établissements (BPI, Médiathèque de la Villette), des équipements récents et novateurs (Bibliothèque municipale de Villeurbanne), participer à une rencontre franco-allemande organisée par l'ENSB, ou encore passer une journée au salon du livre. Les Français, de leur côté, s'intéressèrent aussi bien à des bibliothèques municipales allemandes constituées en réseau, qu'aux structures de coopération du Bade-Würtemberg et à la grande bibliothèque d'état de Stuttgart. Des visites en librairies et à la Foire du livre de Francfort leur permirent d'approcher l'édition allemande et de préparer ainsi les futurs échanges de documents.
Ces derniers se sont effectués régulièrement pendant trois ans. Près de 500 ouvrages de littérature générale, livres pour la jeunesse, livres d'art ou de documentation régionale furent échangés ainsi que des abonnements à des périodiques, des phonogrammes, des ouvrages de référence.
Une exposition, réalisée par le Comité d'Histoire de Corbeil-Essonnes et la Médiathèque et ayant pour thème, bicentenaire oblige, l'influence des idées de la Révolution Française en Allemagne et en Ecosse fut présentée simultanément dans les trois bibliothèques jumelées.
Il faut ajouter à ces échanges l'envoi régulier de catalogues, bibliographies et documents divers sur les activités des bibliothèques.
Les relations avec Strathkelvin furent d'emblée favorisées par le rapprochement de l'ABF et de l'Association des Bibliothécaires d'Ecosse dont Brian Osborne, conservateur des bibliothèques publiques de Strathkelvin, devint opportunément le Président. Outre les échanges de personnels et de documents semblables à ceux décrits plus haut, je fus invité à deux reprises au congrès annuel de l'association écossaise et à la conférence franco-écossaise de Peebles en 1992, tandis que Brian Osborne assistait au congrès d'Arles de l'ABF. Ces rencontres permirent de constater des interrogations et des points de vue convergents sur le devenir du service public des bibliothèques dans les deux pays. Une autre conséquence favorable des rencontres entre les deux bibliothèques tient en des contacts noués avec des sociétés de service écossaises susceptibles de répondre à des appels d'offre de la ville de Corbeil-Essonnes (pour la restauration d'ouvrages anciens notamment).
Les relations avec la bibliothèque d'Alzira prendront sans doute d'autres voies en raison des différences de développement du service des bibliothèques dans chacune des deux villes. Il semble toutefois que l'expérience de Corbeil-Essonnes dans ce domaine puisse être mise à profit par les responsables culturels d'Alzira tant sur le plan d'une aide technique que par l'impulsion d'une réflexion sur l'impact des bibliothèques publiques. De nombreux élus, archi tectes ou responsables de cette ville sont déjà venus à Corbeil-Essonnes et ont visité la Médiathèque dans la perspective d'une éventuelle réalisation de bibliothèque.
Le bilan de ces expériences de jumelage, bien que riche, doit cependant être nuancé. Il faut mettre au positif une confrontation professionnelle et une ouverture internationale qui ne se limite pas aux seuls directeurs d'établissements, un enrichissement mutuel des collections et aussi le constat que l'expérience et les réalisations françaises en matière de bibliothèques publiques peuvent constituer un apport certain pour nos partenaires européens. En négatif il faut souligner la difficulté à faire vivre ces échanges sur une longue durée. Les difficultés matérielles ou budgétaires aussi bien que les changements politiques locaux sont autant d'éléments qui fragilisent ces expériences. Il importe donc, à mon sens, de les inscrire dans un cadre plus large que le terrain des seules relations entre bibliothèques et de tenter d'impulser un partenariat sur les politiques culturelles locales dont les bibliothèques publiques pourraient être un élément déterminant.
C'est dans cet esprit que la ville de Corbeil-Essonnes a avancé l'idée d'élaborer avec ses trois villes jumelles un projet culturel dont la première étape serait la tenue en 1993 à Alzira d'un colloque réunissant élus locaux et professionnels sur le thème des projets de développement culturel des villes, des pratiques de lecture publique et de la place de la création littéraire et artistique dans les politiques locales. C'est, je crois, dans un tel cadre élargi que le jumelage des bibliothèques pourra prendre tout son sens.