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    La lecture publique en Languedoc-Roussillon

    Paysages

    Par Nadine Etcheto-Tharel

    Etat des lieux

    La région Languedoc-Roussillon compte 2 295 648 habitants (1999) répartis sur cinq départements : Aude, Gard, Hérault, Lozère, Pyrénées-Orientales. L'ensemble des bibliothèques publiques est évalué à environ 400. Ce chiffre correspond aux bibliothèques des communes de plus de 10 000 habitants (normatives ou non) et aux états statistiques fournis par les bibliothèques départementales de prêt, intégrant les bibliothèques municipales et les bibliothèques relais (rapports annuels 1999). Si l'on s'en tient aux critères de définition des bibliothèques municipales par le Centre national du livre en matière de superficie, de personnel, d'ouverture et de budget d'acquisition, moins de la moitié seraient aux normes.

    Les départements sont inégaux en termes de population (cf. encadré) et de configurations, avec des zones urbaines très concentrées autour des huit villes les plus importantes : quatre de 40 000 à 50 000 habitants (Narbonne, Carcassonne, Alès et Sète), une autour de 70 000 (Béziers), deux de 100 000 (Perpignan et Nîmes) et une métropole en expansion permanente avec plus de 200 000 habitants (Montpellier).

    De manière générale, il existe un déséquilibre Nord-Sud et Est-Ouest en termes de dynamisme économique et culturel. La dimension rurale reste très importante, avec des ressources modestes puisque, en 1995, 70 % du territoire régional était classé en zone susceptible de recevoir des fonds européens.

    Une progression conséquente et régulière depuis dix ans

    Entre 1989 et 2000, 148 nouvelles bibliothèques-médiathèques ont été construites ou rénovées afin de répondre aux normes d'éligibilité fixées par le Ministère pour l'obtention des subventions de l'État. Pour la seule année 2000, 13 nouvelles bibliothèques ont été mises en service. Dans les données annuelles du Ministère en 1994, le Languedoc-Roussillon était cité avec la Provence-Alpes-Côte d'Azur et la Corse comme régions très sensiblement inférieures à la moyenne des indicateurs d'activité des établissements.

    En 1998, la région s'en rapproche et les indices de ces deux dernières années vont vraisemblablement permettre de les égaler. Il s'agit là d'une sorte de rattrapage historique dont les effets deviennent particulièrement visibles : l'attractivité architecturale des nouvelles médiathèques, avec le choix d'architectes de grande qualité, la multiplication immédiate par deux voire quatre ou parfois plus des taux de fréquentation, rejoignent certes les tendances nationales mais stimulent une demande croissante de la part des élus.

    À titre indicatif, en 1990, avec 13,5 millions de francs d'enveloppe de dotation régionale destinée aux financements des bibliothèques (DGD-Concours particulier deuxième part) pour la construction, l'extension, le mobilier et l'informatisation, 23 dossiers ont été instruits. En 2000, pour 10,5 millions de francs, 42 dossiers ont été instruits.

    Les variations géographiques et départementales

    La cartographie jointe et les éléments statistiques fournis, même s'ils ne sont pas totalement exhaustifs, permettent de définir quelques grandes caractéristiques :

    • * Une confirmation du déséquilibre général Est-Ouest de la Région, avec une progression plus forte de nouveaux équipements sur la zone littorale et la partie Est des départements.
    • * Une nette concentration dans le périurbain, pour tous les départements sauf la Lozère. Ceci est particulièrement vrai autour de Montpellier, Alès et Béziers. Dans ces trois villes, les communes périphériques ont créé leur équipement avant que la ville-centre ne réalise de médiathèque. Un phénomène d'attractivité semble jouer dans le regroupement de nouveaux équipements par zone de proximité dans plusieurs départements, alors que d'autres zones ressemblent à des poches de « résistance culturelle ».

    Les petites et moyennes communes d'abord

    L'évolution du paysage des bibliothèques dans la région est tout à fait révélatrice de l'appropriation prioritaire de ce type d'équipement par les élus des petites et moyennes communes, qui ont très rapidement saisi leurs atouts et la diversité des services rendus pour des populations souvent démunies d'équipements culturels.

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    Bibliothèques publiques aidées par l'Etat en Languedoc-Roussillon

    Un seul chiffre, très révélateur : sur les 148 nouveaux équipements, 110 dont 26 en construction se situent dans des communes de moins de 5 000 habitants. Des villes comme Montpellier et Alès se sont engagées récemment dans des réalisations répondant aux exigences des médiathèques d'au-jourd'hui, le futur équipement de Narbonne est en construction, Béziers et Carcassonne n'ont toujours pas de projet de médiathèque, la bibliothèque de Carcassonne se trouvant même dans une situation de vétusté alarmante.

    Les évolutions par département

    Si l'on prend les chiffres des nouvelles bibliothèques aidées par l'État et réparties par département (Aude 23, Gard 32, Hérault 48, Lozère 9, Pyrénées-Orientales 10), on peut constater : dans l'Hérault, une progression importante parallèle à son dynamisme général sur le plan culturel ; dans le Gard, une progression moins forte mais régulière ; dans l'Aude, une multiplicité de réalisations et de projets dans les petites communes, qui sont très largement majoritaires dans ce département (19 bibliothèques sur les 32 nouvelles ont été implantées dans des communes de moins de 1 000 habitants). En Lozère, la réalisation de nouveaux bâtiments s'est arrêtée en 1995, la lecture publique fonctionne sur un modèle de desserte traditionnelle via la bibliothèque départementale de prêt, et une nouvelle orientation n'est pas pour l'instant à l'ordre du jour du conseil général. Dans les Pyrénées-Orientales, après des années de stagnation, un plan départemental de développement se met en place et de nombreuses constructions sont prévues.

    Les perspectives de rééquilibrage de l'offre documentaire et culturelle par des politiques territoriales restructurées

    En milieu rural

    Dans les départements de l'Hérault et du Gard notamment, des négociations sont entamées pour la mise en oeuvre de plans départementaux de développement de la lecture publique. Il s'agit de travailler à une restructuration du réseau en appui sur des pôles ressources géographiques, politiques, thématiques chargés d'assurer une meilleure redistribution de l'offre documentaire et culturelle au bénéfice de la totalité de la population quel que soit son lieu de vie. Ce travail de solidarité autour de documents écrits, sonores ou multimédias suppose une modification du mode de fonctionnement préexistant des bibliothèques départementales de prêt. Les différentes structures intercommunales deviendront, selon leur volonté, les principales partenaires de cette redistribution autour de nouveaux types de dessertes de centralité harmonieusement réparties de préférence sur tout le territoire départemental.

    Dans un souci d'aménagement culturel du territoire, des partenariats contractualisés avec l'État vont se concrétiser autour de cette démarche qui permettra de corriger les disparités évoquées précédemment.

    En milieu urbain et périurbain

    La question se trouve également posée avec la création des communautés d'agglomération, qui vont permettre une régulation des prestations entre la ville-centre et les équipements périurbains. Selon les décisions politiques d'intégration de la lecture publique dans les compétences culturelles des communautés, des études les plus fines possibles devront être commandées afin de définir les modes de partage, de complémentarité et de mise en réseau entre les différents équipements.

    Ce travail est encore en gestation dans la Région. Ceci permettra peut-être de stimuler également une réflexion sur la création de médiathèques de quartier particulièrement limitées dans les centres urbains, puisque seules Nîmes, Sète et Montpellier en possèdent. On peut d'ailleurs noter avec regret la grande modestie des projets liés à la lecture publique dans le cadre de la politique de la Ville.

    Le dynamisme de Saint-Gilles, Ville Lecture

    La petite commune de Saint-Gilles dans le Gard a obtenu en 1999 le label national Ville Lecture, attribué aux communes qui s'engagent à accorder une priorité au développement de la lecture dans leur politique culturelle et éducative. La médiathèque inaugurée en 1995 joue le rôle de chef d'orchestre de cette politique en développant une importante activité hors les murs et de nouveaux partenariats avec le milieu scolaire, le secteur de la petite enfance, celui des personnes âgées, la maison de la jeunesse et le cinéma.

    Le contrat Ville Lecture s'articule avec le contrat de ville et le Contrat éducatif local. Le conte a été choisi comme thématique dominante en raison de l'important festival qui se déroule chaque année à Saint-Gilles. Une résidence de conteurs a permis de faire circuler la parole et l'imaginaire entre des gens et des communautés qui s'ignoraient. D'autres villes sont candidates, les décisions seront prises en 2002 en fonction des projets et des inscriptions budgétaires.

    Un usage culturel et créatif du multimédia dans les bibliothèques

    Le label national d'Équipement culturel multimédia (ECM), accordé aux différents types de lieux qui décident d'offrir à leurs usagers un espace, du matériel, des projets de création à partir du multimédia, a été attribué à trois médiathèques de la Région : Nîmes, Montpellier et Sète. D'autres médiathèques comme Alès et Sérignan vont également en bénéficier prochainement. Il s'agit de donner à cet outil une autre vocation que son usage pédagogique, informatif et documentaire, bientôt présent dans toutes les médiathèques. La conception de projets faisant appel à des intervenants artistiques doit mobiliser l'équipe responsable de cet espace. Le label permet également d'intégrer les médiathèques au sein d'un large réseau de partenaires très variés dans les secteurs culturels et socioculturels.

    Une vie littéraire en expansion

    Plusieurs grandes manifestations se sont progressivement installées dans la Région, auxquelles les bibliothèques sont associées de façon plus ou moins étroite : autour de la poésie à Lodève avec les Voix de la Méditerranée, du roman noir à Frontignan, de la biographie à Nîmes, de la BD à Uzès et à Sérignan, ou encore avec la Comédie du livre de Montpellier. Dans les pages suivantes seront évoquées d'autres manifestations en Région où ce partenariat est plus faible, voire inexistant.

    Même s'il ne s'agit pas de systématiser ce lien, il n'est pas inutile de rappeler la nécessité pour les bibliothèques de s'intégrer le plus activement possible à la vie culturelle de leur commune ou de leur voisinage. C'est là que les liens avec la création contemporaine, les libraires, les éditeurs, les autres disciplines culturelles pourront parfois se nouer autour de projets communs, temporaires certes, mais que les bibliothèques peuvent précisément prolonger par la constitution de fonds thématiques ou par des résidences d'auteurs en amont ou en aval de manifestation.

    La dimension culturelle et créative des médiathèques aujourd'hui ne doit pas céder le pas aux prestations scientifiques, informatives ou éducatives. Une véritable politique de programmation culturelle à l'année, intégrant un partage de ressources avec d'autres équipements culturels, devrait progressivement pouvoir remplacer une succession d'animations qui ne permettent pas de créer un lien dynamique entre les projets proposés et la mise en valeur des documents, tous supports confondus, présents dans la bibliothèque. Encore faut-il se doter des moyens nécessaires pour mener cette politique et cette bataille demeure hélas d'actualité...

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    Recensement de la population de 1999 par département