Index des revues

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    Par Marc Chauveinc
    Francis Agostini, sous la direction de

    Science en bibliothèque

    Paris : Le Cercle de la librairie, 1994. - 397 p. (Importante bibliographie en bas de page et p. 391-394). (Collection Bibliothèques). ISBN 2-7654-0558-1. Prix : 250 F.

    L'ouvrage dirigé par Francis Agostini et rédigé par une vingtaine de collaborateurs s'est fixé un objectif ambitieux : » étudier les moyens de faire entrer la science en bibliothèque dans sa spécificité lecture publique ». C'est-à-dire analyser comment une bibliothèque publique peut créer un fonds de vulgarisation scientifique pour servir de véhicule à la diffusion sociale de la science.

    Dans sa présentation, Francis Agostini analyse les difficultés rencontrées par les bibliothèques pour présenter la science à leur public et, notamment, la culture essentiellement - humaniste » de celles-ci et la disjonction courante entre science et culture. Comment faire rentrer la science dans la culture ? Il poursuit l'analyse sur la notion de vulgarisation pour présenter ensuite les initiatives existantes, soit dans des bibliothèques (Bordeaux, Lyon, Rennes), soit dans des « événements (salons), soit dans des sélections (Livre ta science), soit dans la coopération entre bibliothèques et centres scientifiques. Il distingue trois fonctions à l'offre documentaire scientifique : information-documentation, formation, sensibilisation. Il rappelle les efforts de l'ABF, de Jean Gattégno et du Conseil supérieur des bibliothèques en faveur des fonds scientifiques dans les bibliothèques publiques.

    Dans une première partie intitulée Les contextes », sont présentés les acteurs de la culture scientifique, musées (Muséum d'histoire naturelle, Palais de la découverte, Futuroscope), sociétés scientifiques, centres culturels scientifiques techniques et industriels (CCSTI), les livres et les revues de vulgarisation. Ces instruments de diffusion sont devenus nécessaires parce que le rythme de l'innovation scientifique est lui-même devenu inassimilable par le corps social ». Il y a bien des ambiguïtés et des difficultés dans cette présentation de la science au public ne serait-ce que la dispersion des savoirs ou le danger d'une présentation trop scolaire. Il faut « mettre en place des actions favorisant les pratiques autodidactes » et privilégier l'Homme au lieu de l'objet afin qu'il comprenne le milieu où il évolue.

    La deuxième partie présente La connaissance scientifique et ses modes de diffusion ». Dans un premier chapitre, J.-M. Lévy-Leblond décrit la nature de la recherche scientifique devenue collective et technique, c'est-à-dire ayant perdu son humanisme et sa culture, puis le passage de la recherche à la production écrite. Puis Daniel Jacobi analyse la vulgarisation scientifique qui n'est pas récente puisqu'elle remonte à Fontenelle et à ses Entretiens sur la pluralité des mondes habités. Il pose évidemment la question du langage et de la terminologie scientifique. Faut-il traduire ou reformuler le vocabulaire spécifique d'une science ? Les procédés littéraires de cette traduction sont décrits par Paul Caro qui révèle que la vulgarisation ne reprend qu'une faible partie de la connaissance produite par les chercheurs en privilégiant la partie pouvant faire l'objet d'un récit avec des personnages et des événements dramatiques susceptibles d'intéresser le public. C'est particulièrement vrai à la télévision.

    » Le savoir scientifique est un savoir formel, dont le lieu de conservation privilégié est toujours externe à l'individu, c'est le livre et, plus généralement, ce sont les bibliothèques. » On pourrait rajouter que cela devient les bases de données et les systèmes experts qui essaient de reproduire le mécanisme et le savoir de l'expert humain. Sylvain Auroux montre dans un chapitre passionnant le passage du savoir individuel à la connaissance de tous par l'encyclopédie et la bibliothèque qui n'est qu'une forme ouverte de l'encyclopédie. Jean Rosmorduc nous parle ensuite de l'histoire des sciences comme un moyen privilégié d'accéder à la science afin de mieux la comprendre.

    Après ces réflexions épistémologiques sur la science, la troisième partie nous propose de revenir au domaine plus concret de la production soit classiquement éditoriale, soit audiovisuelle, soit informatique. Francis Agostini et Michel Bethery analysent les circuits de production de la science, de la revue de haute spécialité à celle de vulgarisation, voire à la grande presse en passant par le livre, les encyclopédies, les annuaires. Ce chapitre de bibliographie commentée, à laquelle s'ajoute une étude de l'édition scientifique, intéressera tous ceux qui veulent, concrètement, construire une collection de vulgarisation. Les nouvelles technologies apportent aussi un plus à la vulgarisation scientifique en facilitant l'accès à des collections scientifiques par une « médiation plurielle » ou des dispositifs « ludico-pédagogiques » et en fournissant des techniques de recherche scientifique comme le réseau Internet.

    La quatrième et dernière partie présente Les bibliothèques saisies par la vulgarisation ». Joël de Rosnay reprend l'analyse de la vulgarisation scientifique qu'il considère comme un art et pour laquelle il choisit une approche systémique, c'est-à-dire s'appuyant sur les relations et la dynamique d'un système. Il insiste aussi sur la place de la bibliothèque comme « carrousel de la connaissance », " carrefour des rencontres », ou « port de la connaissance ". Francis Agostini reprend une formulation plus concrète pour proposer les méthodes nécessaires à la constitution de collections scientifiques dans une bibliothèque publique. A partir de la brique élémentaire » constituée par le document, comment construire une collection organisée compréhensible par le public en mélangeant les différents médias ? En précisant les missions de la bibliothèque et la sélection des ouvrages, en appliquant la technique du développement des collections, en utilisant une indexation matière adaptée à la vulgarisation. Sont fournis en annexe les instruments utilisés à la médiathèque de la Cité des sciences et de l'industrie pour qualifier les ouvrages. Ces tableaux seront très utiles à toute bibliothèque publique. Du même auteur, le chapitre suivant analyse en profondeur le rôle de médiation de la bibliothèque et insiste sur l'importance du service public pour guider le lecteur.

    Un autre exemple de politique d'acquisition est donné par Michel Bethery pour la BPI, en partant de l'analyse des publics qui a toujours été très présente dans cette bibliothèque. Marie Girod développe une étude sur le documentaire scientifique, source possible d'animations. Marie-Thérèse Pouillias complète le sujet en proposant, à partir de deux enquêtes effectuées, l'une par Anne Zwick et l'autre par Montreuil, certaines animations : conférences, expositions, projections, etc. Marie-Hélène Koenig termine l'ouvrage par une réflexion sur la vulgarisation scientifique et le bibliothécaire. Celui-ci, imprégné de culture littéraire, ne peut s'adapter à la science que par une formation complémentaire. Devant l'évolution des nouveaux médias, le bibliothécaire reste l'intermédiaire humain nécessaire, le « catalyseur de culture indispensable à l'accès du public à un monde de plus en plus complexe. Mais la question reste posée : faut-il des spécialistes ou des généralistes ?

    Le bref résumé ci-dessus de ce livre important montre qu'il fournit tous les ingrédients pour la constitution d'une collection scientifique dans une bibliothèque publique. Il offre d'abord une réflexion approfondie et souvent philosophique sur la culture scientifique, sa diffusion et la vulgarisation. Puis il apporte, dans la dernière partie, une méthodologie détaillée non seulement pour la réalisation de cette collection, mais aussi pour sa mise en valeur et son adaptation au public. Il n'évite pas toujours, dans la première partie, le jargon technique et la répétition, inévitable pour un ouvrage écrit à plusieurs. Mais il fait honneur à l'édition bibliothéconomique française et à la collection qui l'accueille.