Ouvrage de réflexion théorique et manuel pratique, ce volume vient heureusement compléter la liste des ouvrages dont disposent aujourd'hui les bibliothécaires pour parfaire - ou faire - leur apprentissage. En effet ne font-ils pas souvent figure d'apprentis sorciers lorsqu'ils transforment leurs bibliothèques en médiathèques ?
Michel Melot, dans les cinq leçons préliminaires qui ouvrent l'ouvrage, permet à tous ceux qui se lancent (ou se sont lancés) dans l'entreprise de franchir un pas décisif. Subtil jeu de piste ou plutôt de chasse au trésor, ces leçons permettent de multiples approches de l'image : de sa nature d'abord, perception visuelle, image mentale ou représentation ; de sa valeur ensuite : signe magique, symbole ou instrument de connaissance ; de ses rapports avec le langage ou avec l'écriture enfin. Ceci posé, il devient possible de définir les spécificités de l'image et la place d'une collection d'images au sein d'un ensemble documentaire. « Le temps ne doit plus être où l'image n'était que l'illustration du texte ou le moyen d'en faciliter l'accès. [...] Ce serait une bien mauvaise raison d'utiliser l'image, si elle n'avait que la vertu d'auxiliaire de la lecture. Non l'image n'apprend pas à lire. S'est-on jamais demandé si la lecture apprenait à voir ? » Ce thème est repris dans la conclusion qui balaye toutes les objections qui ont pu être faites à la présence de l'image en bibliothèques.
La deuxième partie de l'ouvrage, qui en comporte quatre, est également une approche générale, introduisant les deux dernières parties consacrées respectivement à la bibliothéconomie de l'image fixe et à celle de l'image animée. Cette deuxième partie, en débutant par une présentation succincte mais claire des différentes techniques de reproduction, montre bien que l'ouvrage ambitionne d'englober tout le domaine de l'image, de l'estampe traditionnelle aux mémoires optiques, en passant par tous les avatars de la photographie. Plus difficiles à connaître semblent être les usages et les usagers de l'image : l'expérience de la Bibliothèque publique d'information, les enquêtes faites dans le cadre de la programmation de la Bibliothèque nationale de France ne laissent probablement que très partiellement appréhender ce qui peut se développer dans les établissements qui pratiquent le prêt de tout type de documents. C'est ainsi que l'auteur de ce chapitre souligne l'irremplaçable valeur documentaire d'un fonds de diapositives - et en appelle à la multiplication des appareils de lecture. Mais le problème qui se pose en lecture publique n'est-il pas plutôt d'évaluer la progression de l'implantation des appareils dans les ménages et de prévoir quelles demandes vont en résulter ?
Un inventaire des grandes collections d'images permet d'en mesurer la richesse (si les collections d'estampes peuvent compter plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d'unités, celles de photographies se comptent en millions de clichés), mais aussi la diversité - de la chalcographie du Louvre dont les cuivres permettent de retirer des estampes anciennes, aux agences de presse, en passant par le musée de l'Affiche de Chaumont ou le Centre national de la bande dessinée et de l'image à Angoulême. Plusieurs centaines de collections, françaises et étrangères sont ainsi répertoriées - avec leurs adresses, numéros de téléphone et pour les plus importantes une évaluation de leurs fonds. Ceci pour les images fixes (estampes et photographies). Pour les images animées et l'audiovisuel, l'inventaire semble plus difficile à faire, faute d'instruments de travail, mais aussi parce que les questions juridiques, concernant les droits d'auteurs, de diffusion, etc., sont plus complexes. On appréciera de trouver ici le texte de la nouvelle loi sur le dépôt légal du 20 juin 1992 et son décret d'application du 31 décembre 1993.
Les deux dernières parties consacrées au traitement des images fixes et des images animées ont un plan très classique : les acquisitions, la conservation et la reproduction, la description bibliographique et l'indexation, la communication et les services qui lui sont liés (transmission à distance, éditions...) et l'animation. L'exposé abstrait s'accompagne d'une série de fiches pratiques : modèle de contrat d'achat de droits, exemple de marché public ou de note de visionnement, règlement de bibliothèque...
Fort utiles sont les bibliographies placées à la fin de chacun des chapitres : y figurent de très nombreux ouvrages, des classiques comme des études très récentes, dont l'intérêt est parfois signalé par quelques lignes de commentaire. Mais plus précieux encore sont la présence de nombreuses listes d'adresses, le renvoi à des textes de référence, l'inventaire des structures de formation et de concertation. On peut regretter cependant que la présentation matérielle des multiples documents reproduits ne soit pas un peu plus soignée et donne parfois l'impression d'un certain désordre.
On a pu dire que les nouvelles technologies dans les bibliothèques sont celles auxquelles les bibliothécaires appliquent une bibliothéconomie ancienne, rappelle Michel Melot dans sa conclusion. Gageons que cet ouvrage essentiel permettra à la profession de réagir.